Au lendemain des élections du 29 octobre 1973, René Lévesque, Jacques Parizeau et Yves Michaud, des ténors du Parti québécois, mangent au restaurant Bouvillon. Ils tentent d’analyser leurs résultats décevants. Paule Beaugrand-Champagne est assise à la table voisine. En bonne journaliste, elle tend l’oreille.

« Je les ai entendus dire qu’ils voulaient créer un journal, car selon eux, un manque d’information avait nui à la campagne. Je me suis empressée d’offrir mes services. »

Ainsi naît la brève mais percutante aventure du quotidien Le Jour, dont le premier numéro a été publié il y a 50 ans, le 28 février 1974. Ce journal n’a existé que durant deux ans et demi, mais les échos de sa légende résonnent encore. Car c’est d’une créativité bouillonnante et d’une irrépressible envie de bousculer les choses qu’a été mis sur pied ce projet fou grâce à l’appui de 500 actionnaires et d’un capital-actions de 175 000 $.

Outre Paule Beaugrand-Champagne, Yves Michaud, qui hérite du rôle de rédacteur en chef, recrute également Evelyn Dumas, Pierre Godin, Jacques Guay, Gisèle Tremblay, Gil Courtemanche, Alain Pontaut, le photographe Antoine Desilets et le caricaturiste Berthio. Plus tard, Jacques Keable, Jean-François Lisée, Michel C. Auger, Robert Lévesque, Louis Fournier et beaucoup d’autres se joindront à cette entreprise nommée SODEP (Société de presse).

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

En 1999, les artisans du journal Le Jour ont souligné le 25e anniversaire de la fondation du journal. Pierre Sormany, Paule Beaugrand-Champagne, Yves Michaud, Louis Fournier et Evelyn Dumas étaient notamment présents pour l’occasion.

Parmi les manchettes du premier numéro, il est question de la « brèche » que le PQ a faite chez les non-francophones lors des précédentes élections. Paule Beaugrand-Champagne tient à préciser une chose : Le Jour n’était pas le journal du Parti québécois.

Le quotidien a toutefois été créé pour donner une voix éditoriale au projet d’indépendance du Québec.

« Dès le départ, les journalistes ont voulu savoir s’ils devaient faire de l’information militante ou journalistique, dit-elle. Il a été déterminé que la position pro-indépendance serait dans la page éditoriale. »

L’arrivée du Jour a dérangé. Tous les grands quotidiens, francophones et anglophones, se sont demandé ce que cet intrus venait faire dans le paysage. « Je pense que ça dérangeait surtout Le Devoir, dit Paule Beaugrand-Champagne. Ils ont trouvé notre présence très ennuyante pendant deux ans et demi. »

On a souvent dit que Le Jour a offert une concurrence qui fut fatale pour l’hebdomadaire Québec-Presse, autre journal indépendantiste (1969-1974). Louis Fournier, qui a collaboré aux deux publications, n’est pas d’accord avec ça. « Ces journaux étaient complémentaires. Cela dit, ils visaient les mêmes annonceurs. »

Le modèle du Jour reposait sur une forme d’autogestion qui offrait aux journalistes une grande implication dans le contenu. On a même créé un espace à la une du journal (Le point du Jour) que les reporters regroupés sous la Société des rédacteurs pouvaient utiliser pour exprimer une opinion. Ce texte devait toutefois être soumis à la direction.

Doté d’un cadre résolument social-démocrate, Le Jour a rassemblé des gens ultrapassionnés qui ne comptaient pas leurs heures. Ils voulaient pratiquer leur métier et le faire autrement, même si leurs conditions n’étaient pas idéales.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Paule Beaugrand-Champagne

On avait les plus petits salaires du métier, dit Paule Beaugrand-Champagne. J’ai été directrice de l’information pendant un an et je gagnais 1000 $ de plus que les journalistes, soit 15 000 $.

Paule Beaugrand-Champagne

Lors de la deuxième année d’activité, une vague de nouveaux journalistes a fait son entrée. Un noyau de militants s’est créé. Rapidement, un projet de syndicalisation a été mis en branle. De plus, des journalistes ont exigé un « contrôle total » sur l’espace Le point du Jour. « Il y avait beaucoup d’idées nouvelles dans ce journal, dit Paule Beaugrand-Champagne. Malheureusement, deux visions se sont affrontées. Il y a eu des débats terribles. »

Voyant le tapis se dérober sous leurs pieds, les fondateurs du Jour ont alors tenté de reprendre le contrôle du journal. « Ce fut très difficile pour eux, explique Louis Fournier. Je regardais ça et je me disais que ça n’avait pas de bon sens. »

Lors d’une assemblée générale particulièrement houleuse qui a réuni des actionnaires, la direction et les journalistes, le sort du Jour a été scellé. « On s’est retrouvés devant deux propositions, raconte Louis Fournier. Ou bien on allait en grève, ou bien le journal devait être publié sous le contrôle de la Société des rédacteurs. C’était une sorte de fuite en avant. »

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Des exemplaires d’un numéro du journal Le Jour

Le Jour a publié son dernier numéro le 24 août 1976. Dans un texte publié en page 2, on a expliqué que la Société des rédacteurs du Jour avait « pris en main la rédaction » tout en montrant du doigt « l’incurie de la direction à assurer le fonctionnement de la rédaction ». Louis Fournier résume la chose ainsi : « Ce fut un véritable coup de force. »

Trois jours plus tard, face à cette impasse, le directeur du journal, Yves Michaud, qui a qualifié l’aventure du Jour des « années les plus meurtrissantes » de sa vie, a remis sa démission. Habité par la colère, le président du conseil d’administration, Jacques Parizeau, a fait de même.

Pour Paule Beaugrand-Champagne, cette fin fut tragique.

Ç’a été très difficile. On a tous pleuré à chaudes larmes. Malgré ça, ça demeure la plus belle expérience de ma vie. Sur le plan journalistique, Le Jour a symbolisé un gros changement.

Paule Beaugrand-Champagne

Louis Fournier abonde dans le même sens. « Ce fut un grand évènement. Tout comme Québec-Presse, ce journal a été une bougie d’allumage. »

Alors qu’on attisait les cendres du Jour afin de le faire revivre dans une formule hebdomadaire, le PQ a été porté au pouvoir le 15 novembre 1976. Ce journal a joué un rôle capital dans cette victoire, croit fermement Paule Beaugrand-Champagne. « La société québécoise était en ébullition. C’est clair que Le Jour a contribué à ce momentum. »

Riopelle en immersion

  • L’expo Riopelle grandeur nature, des 7 Doigts

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Les festivités entourant le centenaire de Jean Paul Riopelle s’achèvent avec le très beau spectacle Grandeur nature des 7 Doigts. Les spectateurs peuvent voir avant les représentations une exposition très intéressante d’œuvres aux provenances diverses. Mais il faut savoir qu’en allant visiter cette exposition le jour, on a droit à une expérience interactive et immersive d’une grande beauté qui a lieu dans le studio où est présenté le spectacle. Et ça vaut le déplacement.

Œuvre de Samuel Tétrault, la Boîte à images raconte en une trentaine de minutes le parcours de Riopelle. Grâce à la présence de caméras infrarouge, les visiteurs sont appelés à créer un tableau à la manière des célèbres mosaïques de l’artiste.

Il y a également un volet interactif qui a été imaginé par Marion Mouturier. Tous les jours, des groupes d’enfants ou d’adultes viennent réaliser un tableau à partir de techniques utilisées par Riopelle. Au bout du compte, 25 panneaux formeront une gigantesque fresque. Il reste des places intergénérationnelles pour ces ateliers lors de la semaine de relâche.

Ottawa, Québec, La Malbaie, Mont-Saint-Hilaire et Baie-Saint-Paul ont eu de belles expositions d’œuvres de Riopelle au cours des derniers mois. On ne peut pas dire que les musées montréalais ont déployé beaucoup d’efforts en ce sens. Heureusement, on peut compter sur Les 7 Doigts.

Consultez la page de l’exposition