Depuis quelques semaines, voire des mois, Indéfendable étire toutes les cordes de la vraisemblance, dont celles enroulées mollement autour des poignets des deux aînés victimes d’une « invasion de domicile ».

Voir que les deux otages octogénaires, joués par Sylvie Potvin et Gaston Caron, n’ont pas été capables de défaire ces petits nœuds-là, qui tenaient par la peur au radiateur du sous-sol. Franchement.

Voir qu’une seule cordelette pendante a empêché les deux victimes de se sauver en pleine nuit, alors que leur bourreau roupillait dans une autre pièce. N’importe quoi.

Et comment croire à la détresse de ces deux personnes âgées quand de tels détails, cruciaux dans la crédibilité de l’histoire, ont été négligés et bâclés ? Vraiment, ça faisait pic-pic. Comme si ces scènes de ligotage avaient été tournées par des gens trop pressés par leur calendrier de production.

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO

La scène de l’invasion de domicile, dans Indéfendable

Bof, fais deux ou trois tours de corde, personne ne va remarquer ça ! Erreur. On l’a tous vu.

Les répliques du pauvre Gérald (Gaston Caron) sonnaient aussi très faux quand le ravisseur, armé d’un petit couteau suisse, lui a ordonné de se mettre à genoux. « Je peux pas ! Mon arthrose ! », a répliqué Gérald, avant d’encaisser un violent coup de pied direct sur la rotule.

Le bon Gérald aperçoit sa femme Yvette (Sylvie Potvin) prise en otage par un maniaque au canif – et à lunettes fumées – et il pense, en premier, à son arthrose ? Voyons.

La longue captivité da la criminaliste Inès Saïd (Nour Belkhiria) a fait remonter le même sentiment de découragement et d’incrédulité. Voir qu’à la première occasion, la combative Inès n’a pas mis son poing au visage de sa kidnappeuse, la psychopathe et influenceuse Mylène Kirouac (Rebecca Vachon), qui pesait 100 livres mouillée.

Et les occasions pour Inès d’assommer son ancienne cliente, qui l’a enfermée dans une cave de style Mémoires vives, se sont multipliées sans qu’elle les saisisse, rendant cette intrigue encore plus improbable. C’était comme un remake de la prise d’otages multiple dans 5e Rang, tout aussi clownesque.

Je voudrais aimer Indéfendable. Tous les soirs, j’invoque la triple déesse pour que la quotidienne de TVA devienne aussi amusante, stressante et intelligente que STAT à Radio-Canada. Ça faciliterait donc mon travail si les deux populaires séries jouaient dans la même ligue télévisuelle.

Sauf que ce n’est pas le cas. Indéfendable tourne souvent les coins ronds, ce qui provoque des décrochages et des ruptures de ton. Prenons l’exemple de la nouvelle avocate Kim Nolin (Julie Trépanier), un personnage super intéressant, bête et méchant. Jeudi dernier, Kim-la-pas-fine revirait Inès comme une crêpe. Dégage, ma belle, tu m’énerves !

Le lundi suivant, magie, Kim et Inès se tressaient quasiment des bracelets d’amitié pour assister à un concert de Taylor Swift. Meilleures amies pour la vie !

On s’entend que STAT teste également les limites de l’impossible avec ses cas médicaux spectaculaires d’empoisonnement à la ricine, de fœtus calcifié ou de cricothyroïdotomie dans un ascenseur. Mais on y croit, parce que c’est bien écrit et bien joué.

Dans STAT, les vies personnelles et professionnelles des employés de l’hôpital Saint-Vincent, mouvementées et captivantes, s’entrelacent avec une fluidité épatante. On passe du père-espion de Jacob Faubert (Lou-Pascal Tremblay) au patient sur le propofol (David La Haye) pour revenir au mari tué-suicidé d’Emmanuelle St-Cyr (Suzanne Clément) sans cassure.

Chez Indéfendable, le volet intime des personnages principaux manque d’épaisseur et d’intérêt. En cour ou avec ses clients, Léo MacDonald (Sébastien Delorme) hérite de causes fascinantes. Tout ce qui concerne sa femme Sara (Catherine Renaud) ou son père Ti-Bill (Jean Maheux) sent le remplissage à plein nez.

Même chose pour le sympathique avocat André Lapointe (Michel Laperrière). On l’aime quand il se fâche au palais de justice, mais on somnole quand il parle constamment de son voyage à Boston avec la juge Clara Fortin (Josée Deschênes).

En excluant son flirt avec le reporter judiciaire Joachim Dufour (Mikhail Ahooja), Inès ne vit rien de palpitant, sauf si elle tombe entre les griffes d’une fan détraquée d’un ersatz de Roxane Bruneau.

Quant à Marie-Anne Desjardins (Anne-Élisabeth Bossé), elle a quitté abruptement Montréal, de même que son conjoint Maxime (Mathieu Baron), pour soigner sa dépression au Costa Rica. La comédienne Anne-Élisabeth Bossé a dû s’absenter d’Indéfendable en raison d’un conflit d’horaire avec le tournage du film Nos belles-sœurs de René Richard Cyr. Exactement comme Geneviève Schmidt de STAT, dont le personnage d’Isabelle Granger a été expédié en Arabie saoudite pour permettre à l’actrice de collectionner des timbres Gold Star.

Comme 1,5 million de fidèles, soit 200 000 de moins que STAT, j’ai vu tous les épisodes d’Indéfendable depuis sa mise à feu, en septembre 2022. Ça fait 190 demi-heures au compteur.

Il y a eu de très bonnes intrigues, comme celle du machiavélique DCharbonneau (Christian Bégin) ou l’incursion dans les coulisses d’un jury lors du procès de Max Dubois. Il y en a eu de très bizarres, comme la fois où une jeune femme gelée aux champignons magiques a sacré un coup de sabre japonais dans la face de sa « chum » de fille.

Ça oscille énormément d’un soir à l’autre et je trahirais mon « serment d’hypocrite » en écrivant que c’est toujours plaisant ou satisfaisant.