À l’automne 2021, Sare Moazen a quitté l’Iran pour venir faire son doctorat aux côtés de la professeure Martine Dubé à l’École de technologie supérieure (ETS), à Montréal. Ensemble, elles travaillent à transformer les emballages de plastique en matière première pour la construction d’habitats et d’objets sur la Lune.

Pourquoi avez-vous décidé de venir faire votre doctorat à Montréal ?

Après avoir fait mon baccalauréat et ma maîtrise en science des matériaux dans mon pays, en Iran, j’étais à la recherche d’un projet à l’étranger pour mon doctorat. J’ai vu le projet de Martine, que je trouvais intéressant, et j’avais entendu dire que Montréal était une très belle ville pour les étudiants internationaux.

Quel est le projet sur lequel vous travaillez ?

Il s’agit d’un projet développé avec l’Agence spatiale canadienne en prévision d’un prochain voyage sur la Lune. Quand on envoie des missions vers la Lune, tout ce qu’on envoie, chaque kilogramme qu’on met dans le lanceur, coûte très cher. Notre idée, c’est d’utiliser des matériaux qui sont envoyés dans le lanceur, entre autres des matériaux d’emballage – tout ce qu’on envoie aux astronautes est souvent emballé dans des plastiques, dans des films de polyéthylène qui sont un peu les mêmes emballages qu’on a chez nous, les sacs Ziploc et tout ça –, d’utiliser ces déchets-là, qui sont de toute façon envoyés dans l’espace, de les mélanger avec du régolithe [la poussière qui se retrouve à la surface de la Lune] et d’utiliser ce mélange comme matériau d’imprimante 3D afin de pouvoir construire des habitats, des objets, n’importe quoi dont les humains pourraient avoir besoin une fois rendus sur la Lune.

De quoi un astronaute en mission sur la Lune peut-il avoir besoin ?

Lorsque les astronautes vont sur la Lune, ils ont besoin de construire presque tout : des habitats, des abris, des objets... Les imprimantes 3D pourraient imprimer des outils, des adaptateurs pour l’oxygène, etc. Ça pourrait même servir à construire des protections – il y a beaucoup de radiations néfastes pour les humains sur la Lune. Donc ce matériau a le potentiel d’être utilisé en tant que protection pour les astronautes.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce projet ?

Imaginez qu’on puisse permettre à un astronaute de construire quelque chose avec une imprimante 3D, sans avoir besoin des ressources terrestres qui coûtent super cher. C’est ce qu’on peut réaliser : avoir plein d’emballages, les mélanger avec de la poussière lunaire, et construire quelque chose sur la Lune, sans avoir du matériel terrestre.

Aussi, la connaissance qui sera développée ici pourra être utilisée sur la Terre. Le sol de la Lune est très semblable au verre que nous avons sur la Terre. Nous pourrions donc utiliser deux « déchets » que nous avons sur la Terre, les mélanger et les utiliser pour les imprimantes 3D.

Les résultats sont-ils positifs jusqu’à maintenant ?

Oui ! J’ai réussi à fabriquer des pièces. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur des publications scientifiques pour faire partager nos avancées.

Pourquoi avez-vous choisi le domaine de l’aérospatiale ?

L’espace, c’est vraiment incroyable. J’imagine que tout le monde, pas juste les scientifiques, est impressionné par l’espace, par l’idée d’envoyer des humains sur la Lune. Moi, je travaille à faire en sorte que ce rêve devienne réalité. C’est aussi un domaine qui offre beaucoup de possibilités et qui est très compétitif. Il y a beaucoup de pays dans le monde qui veulent être dominants dans ce domaine. C’est très intéressant d’en faire partie.

Alors vous aimez la compétition ?

Je ne ferais pas un doctorat si je n’aimais pas la compétition !