Innover, c’est développer une idée créatrice de valeur. Mais encore faut-il choisir la bonne. Certains éléments sont incontournables dans une entreprise pour prendre les bonnes décisions. Incursion dans le monde concret de l’innovation.

PureSphera recycle des réfrigérateurs. Beaucoup de réfrigérateurs. Et encore plus depuis la création en 2021 de GoRecycle. Cet organisme qui représente les détaillants, les distributeurs et les manufacturiers d’appareils réfrigérants et de produits de climatisation domestiques au Québec lui confie les réfrigérateurs, les congélateurs et les celliers pour qu’ils soient recyclés.

« Notre usine recevait environ 20 000 appareils en 2016 comparativement à 100 000 en 2023 et c’est encore en augmentation », indique Mathieu Filion, directeur général de PureSphera.

Cette entreprise de Bécancour créée en 2008 a été responsable notamment du recyclage pour le programme Recyc-Frigo Environnement d’Hydro-Québec. Avec plus de 70 employés, PureSphera recycle plus de 97 % des composants des réfrigérateurs grâce à l’importation d’un procédé européen qu’elle a adapté au marché nord-américain. Face à l’augmentation de la demande actuellement, l’entreprise doit améliorer sa productivité. Elle s’attaque au processus de réception et de démantèlement d’appareils.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Filion, directeur général de PureSphera, évalue qu’un investissement récent permettra à l’entreprise d’éviter d’embaucher six ou sept nouveaux employés.

Nous ajouterons des modules intelligents pour lire les fiches signalétiques des appareils et entrer les données essentielles pour nos clients comme le type d’appareil, sa marque, sa grandeur et le type de gaz utilisé. En ce moment, ce sont des employés qui entrent ces données.

Mathieu Filion, directeur général de PureSphera

Alors que la rareté de la main-d’œuvre persiste, Mathieu Filion évalue que cet investissement permettra à l’entreprise d’éviter d’embaucher six ou sept nouveaux employés.

« Nous pourrons donc garder la même équipe et mieux soutenir son travail grâce à de nouvelles technologies qui nous permettront de traiter un plus grand volume d’appareils, explique-t-il. Nous pensons que nous pourrons avoir notre retour sur notre investissement en deux ans environ, ce qui est assez rapide. »

Le plus de gains en moins d’efforts

Pour évaluer une liste d’idées innovantes, François Gingras, vice-président, innovation, Investissement Québec, conseille de regarder quelles sont les plus grandes sources d’irritation dans l’entreprise. Mais aussi, quelles idées permettront de réaliser le plus de gains avec le moins d’efforts.

« Ça semble évident, mais il y a plusieurs idées technologiques qui peuvent paraître très intéressantes, mais qui, finalement, ne rapporteraient pas beaucoup de gains », remarque-t-il.

L’ingénieur de formation conseille aussi de toujours opter pour une innovation alignée avec le plan stratégique de l’entreprise. « Sinon, l’innovation a peu de chances d’aboutir », constate-t-il.

De plus, il évalue que si le rendement de l’investissement est toujours important, il ne devrait pas être l’unique critère. « Il faut regarder aussi les impacts indirects de l’innovation sur l’entreprise, comme l’augmentation de la qualité du travail des employés, la réduction des accidents de travail, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc. »

Se donner les moyens d’innover

Vincent Sabourin, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM), croit pour sa part que les PME québécoises doivent s’ouvrir davantage à ce qu’il se fait ailleurs dans le monde pour trouver des idées innovantes qui donneront plus de profondeur à leurs compétences.

Les PME doivent aller dans les grands évènements pour voir ce que les autres font parce que, sinon, leur entreprise risque de ne plus exister dans quelques années parce qu’elle sera remplacée par de l’intelligence artificielle.

Vincent Sabourin, professeur à l’ESG UQAM

Et pour que ces visites rapportent des gains, il faut avoir une certaine expertise technique.

« Les PME doivent avoir des ingénieurs et des techniciens capables de comprendre ce qui est possible de faire avec la technologie et comment. Mais c’est un défi parce que beaucoup de jeunes ne font pas leurs cours de mathématiques essentiels pour étudier dans des domaines techniques. Il y a un déficit de compétences techniques dans les PME au Québec, surtout dans les régions », affirme M. Sabourin.

PureSphera peut pour sa part compter sur une équipe de cinq ingénieurs et de trois techniciens. « C’est important parce qu’ils connaissent bien la réalité de l’entreprise et qu’ils aident à bien cerner les besoins, évalue Mathieu Filion. Puis, ils peuvent faire une bonne partie du travail d’un projet d’innovation. On va aussi chercher des consultants externes, mais nous pouvons faire un vrai partenariat. »

François Gingras souligne aussi l’importance de s’assurer avant d’investir que la solution est adaptée à la réalité de l’entreprise. « Il faut faire attention aux solutions miracles, dit-il. Ce n’est pas parce que c’est bon pour le voisin que c’est bon pour soi. Et l’intelligence artificielle fait de bien belles choses, mais elle ne règle pas tout. »