La construction navale fait partie de l’histoire de Sorel-Tracy. Mais d’ici quelques années, la déconstruction de navires pourrait aussi marquer le paysage. La municipalité, le Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI) et de nombreux acteurs de la région souhaitent développer cette expertise. Le point avec Claude Maheux-Picard, directrice générale du CTTEI.

Pourquoi la région veut-elle se spécialiser en déconstruction navale ?

Géographiquement parlant, la région est très bien positionnée : elle est au confluent de la rivière Richelieu et du fleuve Saint-Laurent. Pour acheminer du matériel ou (dé)construire des navires, c’est très intéressant. En plus, on construit un port à Contrecœur. On possède plusieurs espaces dans les parcs industriels. Et le CTTEI amène une expertise en économie circulaire.

Quel est le potentiel de cette industrie ?

Les données sont en train d’être récoltées et confirmées, mais on sait qu’il y a une grande demande. Il pourrait s’agir de 5000 navires en attente de démantèlement au Canada.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Claude Maheux-Picard, directrice générale du Centre de transfert technologique en écologie industrielle

Comment peut-on déconstruire les bateaux sans nuire à l’environnement ?

ArcelorMittal pourra recycler l’acier des navires. Le CTTEI est spécialisé en pratiques durables, en économie circulaire et en recyclage. Le cégep a des spécialistes en hygiène et en sécurité industrielles. On a un beau panel d’experts pour faire du démantèlement avec des pratiques dignes de 2025. Pas comme ça se fait dans certains pays qui ont des pratiques douteuses qui mettent en péril la santé des travailleurs.

Que ferez-vous avec les matières autres que l’acier ?

Comme les bateaux ont été conçus il y a des décennies, on va certainement trouver des matériaux qu’on n’a plus le droit d’utiliser aujourd’hui. Le CTTEI va devoir trouver les bons débouchés pour ces matériaux et s’assurer qu’ils soient gérés adéquatement. On va vouloir confirmer qu’ils sont envoyés aux bons endroits et que c’est fait dans les règles de l’art.

L’objectif est de maximiser le réemploi de certains composants dans de nouvelles constructions, dans le secteur naval ou non. On va sans cesse devoir s’ajuster en fonction de la multitude de bateaux et de composants qu’on va dénicher.

À quel point est-ce polluant de déconstruire des bateaux ?

Il n’y a pas si longtemps, les bateaux n’étaient pas démantelés, mais carrément coulés au fond des océans. Ça pouvait être très problématique. Le démantèlement d’un navire est réalisé en partie pendant que le navire est encore sur l’eau. On doit donc organiser le tout pour ne pas retourner des contaminants dans l’environnement, en ayant la sécurité de la nature et du personnel à cœur. Tout cela aura un coût. Il faudra être compétitif.

Quelles seront les autres retombées potentielles ?

On est encore en mode exploratoire, mais c’est certain que ça va créer des emplois et une expertise unique dans la région. C’est pour ça qu’on veut aller voir ce qu’il se fait à l’étranger, comme au Danemark, où ils procèdent à un démantèlement intelligent. On veut s’en inspirer pour l’implanter au Québec et y donner notre couleur.