L’inclusion du Chantier Davie Canada, à Lévis, dans la Stratégie nationale de construction navale fait poindre une relance aussi inespérée qu’inattendue à Sorel-Tracy : celle de l’industrie maritime. La ville mise sur ses infrastructures portuaires existantes et ses trois siècles d’expertise en la matière pour renouer avec son passé.

En devenant le troisième partenaire de la Stratégie navale du Canada, le Chantier Davie s’est garanti des contrats de 8,5 milliards de dollars pour construire sept brise-glaces et deux traversiers. De cette somme, 70 % devraient être investis dans la chaîne d’approvisionnement.

Le maire de Sorel-Tracy, Patrick Péloquin, se réjouit de la renaissance de l’économie maritime au Québec. « La construction navale, c’est un peu un fantôme du passé ici, raconte-t-il. L’annonce a résonné. On a tout ce qu’il faut pour y contribuer. »

Celui-ci souligne notamment qu’un écosystème est déjà en place dans la région. « Ce n’est pas pour rien qu’on appelle la 30 l’autoroute de l’Acier. Sorel-Tracy, c’est la métallurgie, les grandes aciéries, des PME qui tournent autour de l’industrie maritime. L’expertise est grande. On a des travailleurs, des ingénieurs qui ont travaillé sur les navires. C’est un terreau fertile pour un retour. »

Tout un héritage

Il faut dire que des entreprises, comme des armateurs, travaillent encore dans le domaine. Même si Marine Industries Limited a fermé ses portes il y a près de 40 ans, ses installations perdurent. On retrouve par exemple dans le parc industriel Ludger-Simard des quais et une rampe de mise à l’eau d’une capacité de 5000 tonnes.

On est déjà capables d’expédier et de recevoir des pièces hors normes, qui pourraient difficilement voyager par les routes. On a en plus des chemins de fer privés reliés au CN.

Nancy Annie Léveillée, directrice de la Société des parcs industriels de Sorel-Tracy

Elle donne en exemple l’édifice Sylvain-Simard, rue de la Marine, qui a été bâti expressément pour faire des frégates de l’armée canadienne. « C’est un édifice de dimensions exceptionnelles, dit-elle. On parle d’une baie intérieure de 78 pieds sur 500, avec deux ponts roulants de 50 tonnes chacun. Très peu de bâtiments au Québec ont cette envergure. »

Les quais présents permettent pour leur part d’ériger des navires de moyenne taille. « Une entreprise pourrait s’installer ici pour construire des petits remorqueurs ou des bateaux de plus petites dimensions que la Davie. On pourrait aussi y réparer ou démanteler des navires. »

PHOTO FOURNIE PAR GROUPE OCÉAN

Groupe Océan a choisi l’an dernier d’implanter sa filiale Travaux maritimes Océan à Sorel-Tracy.

Travaux maritimes Océan déménage

Groupe Océan a choisi l’an dernier d’implanter sa filiale Travaux maritimes Océan à Sorel-Tracy. Deux principaux éléments ont motivé cette décision, selon le directeur des affaires publiques et corporatives, Philippe Filion.

On connaît bien les installations et la capacité de Sorel-Tracy. On voit depuis quelques années un grand intérêt à reconstruire l’expertise du milieu maritime dans la région. Il y avait également le fait que notre secteur de travaux maritimes était dispersé en plusieurs endroits au Québec. En regroupant une majorité des activités sur un seul site, on gagne en efficacité.

Philippe Filion, directeur des affaires publiques et corporatives du Groupe Océan

L’entreprise prévoit procéder principalement à de l’entreposage d’équipement, que ce soit des barges ou des bateaux de travail, à de la maintenance et à de la déconstruction. « On est le plus gros possesseur de barges dans l’est du Canada, explique Philippe Filion. On loue des équipements pour de grands contrats, comme la construction du pont Samuel-De Champlain. »

Ces barges doivent évidemment être entreposées, entretenues et réparées quelque part. À partir de maintenant, ces opérations auront lieu à Sorel-Tracy.

La région se prépare

La Ville est prête à accueillir de nouvelles entreprises. En plus de l’édifice Sylvain-Simard offert en location à moyen terme, un terrain de 350 000 pieds carrés acquis par la municipalité sera décontaminé cette année. « Il sera prêt en 2025. On pourra y retrouver des ateliers pour un ou plusieurs joueurs », précise Nancy Annie Léveillée.

Comme son nom l’indique, Développement économique Pierre-de-Saurel s’occupe de son côté du développement des affaires. « On a participé à deux missions économiques, une en France avec l’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada (AFCDC) et l’autre avec les armateurs du Saint-Laurent », précise le directeur général, David Plasse.

Ces rencontres ont déjà eu des retombées, selon lui. Des négociations sont en cours avec différentes entreprises souhaitant s’établir dans la région. David Plasse se montre optimiste, mais préfère laisser le temps de faire les choses avant de s’avancer.

Le maire, lui, espère rebâtir une fierté locale et devenir un pôle de l’industrie maritime. « Tous les acteurs de la région sont mobilisés. On a de bons espoirs parce que ce n’est pas un domaine qui va s’éteindre bientôt, avance Patrick Péloquin. Avec la situation géopolitique actuelle, il faut que le Canada se réapproprie son savoir et sa flotte. C’est important pour protéger la souveraineté de l’Arctique, par exemple. »