La crise de l’approvisionnement qui a éclaté pendant la pandémie a été la goutte qui a fait déborder le vase pour Solutions murales Proslat, un fabricant de produits de rangement pour le garage. Alors que ses articles en acier étaient manufacturés en Chine, l’entreprise a décidé en 2022 de rapatrier le travail au Québec en construisant une usine à Salaberry-de-Valleyfield.

« Il y avait toujours eu des défis à travailler avec la Chine notamment sur le plan de la qualité et de la flexibilité », raconte Éric Letham, président fondateur de Solutions murales Proslat, joint à Las Vegas, où il assistait à une foire commerciale.

Lui qui fait déjà fabriquer ses produits de PVC dans la couronne nord de Montréal remarque que la Chine est très bonne pour produire toujours le même article. « Mais dès qu’on veut changer quelque chose, ou ajouter une couleur, c’est compliqué, ajoute-t-il. Or, l’industrie du garage est en grand changement. C’était difficile d’obtenir ce que je voulais quand je le voulais de la Chine. »

En même temps, il était bien conscient de l’ampleur du défi de fabriquer au Québec, où la main-d’œuvre qualifiée est rare et chère. Pour s’assurer de pouvoir vendre ses produits à des prix concurrentiels, il s’est tourné vers la technologie.

Pour rapatrier la production au Québec, on a mis des robots et on a embauché seulement huit personnes pour fabriquer 100 armoires par jour. Il a fallu choisir chaque employé avec soin, et on doit bien s’en occuper. Si j’en perds un, c’est plus de 12 % de ma force de travail qui disparaît.

Éric Letham, président fondateur de Solutions murales Proslat

L’entrepreneur, qui vend ses produits principalement aux États-Unis, à des particuliers comme à de grandes enseignes, se réjouit de voir qu’il a relevé son pari d’augmenter sa qualité. « J’ai même développé des produits plus haut de gamme, affirme-t-il. Je peux aussi offrir plus de modèles, en plus petites quantités. »

Une crise latente

Il est certain que chercher des fournisseurs locaux ou rapatrier sa production au Québec ne se fait pas en un tour de main. Mais chez Investissement Québec (IQ), on est d’avis que la crise de l’approvisionnement demeure, même si elle n’est pas aussi aiguë que pendant la pandémie.

« La crise est un peu masquée actuellement par l’inflation, les enjeux de main-d’œuvre et l’augmentation des taux d’intérêt qui nuisent aux investissements », remarque Stéphane Drouin, vice-président, achat québécois et développement économique, chez IQ.

Mais avec le contexte géopolitique actuel, notamment dans la mer Rouge, il constate que le prix des conteneurs est reparti à la hausse. « Il y a aussi l’augmentation des cours du pétrole, puis les changements climatiques qui amènent de plus en plus d’exigences en matière de développement durable, dit-il. Il y a plusieurs menaces à la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises qui se tournent vers le Québec se prémunissent contre la prochaine crise. »

Claudia Rebolledo, professeure spécialisée en chaîne d’approvisionnement à HEC Montréal, voit aussi plusieurs avantages à chercher au Québec.

Lorsque le fournisseur est proche, il y a moins d’incertitude par rapport à quand on recevra le produit et à sa qualité parce que c’est facile de vérifier et de corriger des choses au besoin. Mais si on a un problème avec ce qu’on a fait faire en Chine, on ne retournera pas le conteneur !

Claudia Rebolledo, professeure spécialisée en chaîne d’approvisionnement à HEC Montréal

Elle énumère également les enjeux de gestion des stocks, de sécurité et de développement durable, que ce soit par exemple sur le plan du travail forcé ou des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Pour aider les entreprises à faire des choix plus verts en matière d’approvisionnement, IQ vient d’ailleurs de lancer un calculateur de GES pour le transport. « L’entrepreneur peut comparer différents scénarios d’approvisionnement, indique Nicolas Turgeon, directeur, productivité durable, chez IQ. Le calculateur prend en considération le lieu d’approvisionnement, le mode de transport, le type de carburant et le nombre de kilomètres parcourus. »

Consultez le site d’Investissement Québec

Rester ouvert aux possibilités

Les avantages de s’approvisionner localement ne signifient pas toutefois, aux yeux de Claudia Rebolledo, que les entreprises québécoises doivent se fermer au reste du monde.

« Il faut toujours réévaluer la situation en fonction des fournisseurs disponibles, de l’inflation, du taux de change, des politiques et des accords, dit-elle. Et parfois, si on ne peut pas s’approvisionner au Québec, on peut le faire en Ontario, aux États-Unis ou en Amérique centrale, par exemple. C’est certain qu’on n’aura pas les prix du Bangladesh, mais il peut tout de même y avoir des avantages. »