Une entreprise de Sorel-Tracy prépare des vêtements pour qu’ils puissent redevenir de la matière utile pour d’autres secteurs industriels.

Quoi ?

« Il manquait ce maillon-là à la chaîne », lance Alexandra Gagné, responsable du projet de conditionnement des textiles à l’entreprise d’économie sociale Recyclo-Centre.

Il y a un réel problème de surplus de vêtements invendus dans les friperies québécoises. Plusieurs finissent dans des dépotoirs, ici ou à l’autre bout du monde.

Le phénomène est bien connu de tous, mais particulièrement des organismes et entreprises qui travaillent dans ce domaine – les surplus existent dans l’ensemble des commerces. Idéalement, le vêtement en surplus serait vendu pour être transformé le plus près de sa forme originale, dans un processus de « surcyclage ». Un exemple : faire des guenilles avec le coton. Mais ça n’est pas toujours possible.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Le projet sur lequel on travaille est plus bas dans l’échelle, mais ça reste de l’économie circulaire parce qu’on va valoriser la matière », dit Alexandra Gagné, directrice générale adjointe, Recyclo-Centre.

Chez Recyclo-Centre, à Sorel-Tracy, environ la moitié des vêtements reçus pour la friperie ne peuvent même pas se rendre au magasin parce qu’ils sont en mauvais état. Le hic, c’est que pour que des vêtements puissent redevenir de la fibre, il faut qu’ils soient préparés : pas de boutons, pas de fermetures éclair ou autres artifices.

C’est de ce maillon que parle Alexandra Gagné. Car aucune entreprise n’a investi dans cette étape, un peu ingrate.

« Du recyclage de textile, il y en a au Québec, précise-t-elle. Mais c’est avec du textile post-industriel. Des rouleaux de tissu, des fins de ligne, mais pas de la post-consommation. »

Recyclo-Centre a une entreprise sœur de travail adapté et c’est elle qui fait désormais ce conditionnement, en sous-traitance. Une fois prêts, les vêtements sont vendus à des transformateurs qui leur donneront une nouvelle vie, parfois bien loin de leur première.

« On ne peut pas reproduire de vêtements avec cette fibre-là parce qu’elle est trop courte », dit Alexandra Gagné, qui précise que ça pourrait toujours devenir du feutre, mais aussi un emballage pour les œufs, par exemple.

La fibre cellulosique, la fibre naturelle de textile, se comporte comme la fibre de carton. Les propriétés sont similaires.

Alexandra Gagné, directrice générale adjointe, Recyclo-Centre

Et les débouchés, très nombreux.

Ce projet est soutenu par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec par l’entremise de son programme de soutien à l’économie sociale, et l’entreprise travaille avec le Centre de transfert technologique, qui se trouve aussi à Sorel-Tracy.

Qui ?

Recyclo-Centre compte une vingtaine d’employés permanents, en plus d’une quarantaine d’employés qui font partie d’un programme de réinsertion. Ceux-ci y trouvent un lieu pour s’initier au marché du travail ou y revenir – le programme dure 26 semaines. Plusieurs font carrière chez Recyclo-Centre ensuite.

Après des années difficiles, l’entreprise est maintenant rentable – son chiffre d’affaires tourne autour de 2,5 millions de dollars, précise Mario Fortin, directeur général. Une partie de cette somme est réinvestie pour faire le développement de projets innovateurs, dans l’esprit et les valeurs de l’entreprise – les subventions en recherche et développement en économie sociale étant rares, tient à préciser Mario Fortin.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le centre reçoit plus de 800 tonnes de dons par année – environ 90 donateurs s’y rendent quotidiennement. La matière est triée par les employés.

Et maintenant ?

Le projet de conditionnement des textiles en est à sa première étape, et les partenariats initiaux seront annoncés dès ce mois-ci.

Est-ce que l’entreprise pourrait se mettre à transformer les surplus d’autres vendeurs de vêtements de partout au Québec ? Ça serait une excellente chose, répondent ses deux gestionnaires.

« Nous autres, on l’a, la solution, dit Mario Fortin. On va les prendre, les vêtements. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Ça va bien, on vend beaucoup ici, mais on met quand même des choses à la poubelle et ça va à l’encontre de nos valeurs », lance Mario Fortin, directeur général du Recyclo-Centre.

Recyclo-Centre ne veut pas s’en tenir qu’au textile. Son entreprise adaptée fait déjà de la décontamination et le démantèlement des appareils réfrigérés – seulement cinq entreprises le font au Québec. Les pièces sont vendues, mais des plastiques inutiles pourraient aussi trouver une autre vie.

Recyclo-Centre va aussi ouvrir une quincaillerie l’été prochain, pour augmenter les ventes du matériel reçu, autant pour les vêtements que pour tous les autres objets.

« Comment peut-on valoriser les matières à 100 % ? Et ne plus jeter ? », demande Alexandra Gagné. « Il y a toujours quelque chose à faire », croit-elle.