Quand il entre dans la danse, le Tango, à peine plus grand qu’une valise, peut soulever et mouvoir une charge équivalente à trois éléphants d’Afrique (mâles, les plus gros) sans que quiconque se fasse marcher sur les pieds.

L’innovation

L’appareil s’appelle un patin rouleur, à ne pas confondre avec patin à roulettes. Patin dans le sens de dispositif qui permet de faire glisser une charge.

Le nouveau patin rouleur motorisé Tango, de l’entreprise québécoise Foxtrot, soulève 20 tonnes et l’enthousiasme. Déjà à l’ouvrage chez Lion Électrique, le mince engin téléguidé peut se glisser sous le train avant d’un autobus scolaire, le soulever de 13 cm et le déplacer vers sa prochaine étape d’assemblage.

Qui

Foxtrot a fait ses premiers pas en 2020.

L’entreprise trouve son origine dans le projet de fin d’études d’une équipe d’étudiants de génie mécanique et électrique à l’Université de Sherbrooke, qui consistait à concevoir un mince dispositif téléguidé capable de déplacer des charges de plusieurs tonnes. Deux d’entre eux, Charles-Éric Raymond et Benoît Serrano-Parent, ont fondé en 2020 une entreprise pour parachever le concept et le mettre en marché. Ils lui ont donné le surnom de leur équipe universitaire : équipe F comme Foxtrot en alphabet phonétique.

PHOTO FOURNIE PAR FOXTROT

Le patin rouleur téléguidé Tango de l’entreprise québécoise Foxtrot ne mesure que 21 cm de hauteur en position basse et peut soulever une charge de 20 tonnes sur 13 cm.

Leurs deux premiers engins, les Solo-10 et Solo-20, d’une capacité de 10 et 20 tonnes, ont été lancés en 2022.

Ça va encore mieux que nos attentes. On est rendus avec une trentaine d’unités en marché en ce moment. Environ 50 % des Solo sont vendus aux États-Unis. Les gens ne se souviennent pas tant du Solo-20 ou du Solo-10. Par contre, ils vont dire : « On va prendre le Foxtrot pour faire ça ». Le nom commence à s’installer.

Charles-Éric Raymond, ingénieur, cofondateur de Foxtrot

Le besoin

Alimentés par des batteries rechargeables, les engins Solo se meuvent sur quatre rouleaux activés par des moteurs électriques.

Pour être déplacée, la charge doit être soulevée – par exemple avec des vérins hydrauliques – et déposée sur le patin rouleur.

« Notre produit solo a répondu à des besoins de chantier et des besoins de maintenance industrielle, indique Charles-Éric Raymond. Il y avait aussi de l’intérêt dans le milieu manufacturier, mais une fonctionnalité manquait pour satisfaire les clients de ce secteur : la capacité de l’appareil à soulever la charge. »

Le défi

Lion Électrique, constructeur québécois d’autobus scolaires et de camions électriques, avait été un des premiers manufacturiers à exprimer cette contrainte.

« Tout au long du développement, on a vraiment collaboré de près avec eux pour s’assurer de répondre à leurs besoins, mais finalement, il s’avère que les besoins étaient vraiment plus répandus que ce qu’on pensait », relate Charles-Éric Raymond.

Le défi consistait à ajouter un système de levage à un patin rouleur téléguidé sans accroître notablement sa faible hauteur.

« Ça a vraiment apporté son lot de complexité, surtout parce qu’on avait un critère de hauteur prédéfini par Lion. C’est ce qui a mené à l’innovation. Si on n’avait pas eu cet enjeu, il y aurait eu des moyens bien plus simples de faire un système de levage. »

La réponse

Le patin rouleur Tango réussit l’exploit de soulever une charge de 20 tonnes sur environ 13 cm en moins de 10 secondes.

L’engin mesure 83,5 cm (32 po) de largeur sur 102 cm (40 po) de longueur.

Son système de levage, d’une épaisseur fermée de 5 cm, est en quelque sorte déposé sur la plateforme mobile, elle-même haute de 16 cm.

La hauteur hors-tout de l’appareil est de 21 cm en position basse et de 34 cm à son déploiement maximal.

Ces caractéristiques « permettent au robot de se faufiler dans des espaces exigus et de soulever assez haut pour dégager, par exemple, les pneus de l’autobus du sol, décrit Charles-Éric Raymond. C’est un mécanisme de levage que je peux difficilement décrire en détail, parce qu’on est en processus de brevet ».

La fabrication

Fondée à Sherbrooke, Foxtrot a déménagé à Saint-Hyacinthe en juin 2022. Elle compte à présent sept employés. L’entreprise conçoit, fabrique et teste ses produits à l’interne, assure Charles-Éric Raymond.

La fabrication du Tango a été lancée en juin 2023, au terme d’un an de conception.

Il [le robot souleveur Tango] est déjà présent chez Lion et deux autres manufacturiers québécois. Lion Électrique en a aussi un aux États-Unis, à son usine de Joliet, dans l’Illinois.

Charles-Éric Raymond, ingénieur, cofondateur de Foxtrot

L’avenir

« On se rend compte que le Tango a un marché potentiel qui est vraiment plus grand que le Solo parce qu’il s’adresse à toutes les usines où il y a de grosses charges, affirme l’entrepreneur Charles-Éric Raymond. La beauté de la chose, c’est qu’on est probablement capables de rester au Québec plus longtemps qu’avec le Solo, pour lequel il a fallu aller cogner à des portes à l’étranger plus rapidement. »

La polyvalence du Tango facilite également les adaptations aux applications spécifiques, par exemple avec l’ajout d’un accessoire qui lui permettrait de déplacer une charge aux formes incongrues. « Il y a beaucoup de place pour ce genre de projet, dit-il. C’est ce qu’on voit pour les prochaines étapes : il s’agit vraiment de le faire connaître et de le faire rayonner. »