Les entreprises québécoises du secteur de la transformation de l’aluminium sont des expertes de l’innovation par possibilités. Ne disposant pas des ressources considérables des grands producteurs d’aluminium, ces PME parviennent à apporter de nouvelles solutions sur le marché grâce à leurs capacités à adapter leurs savoir-faire.

L’innovation en aluminium a deux visages au Québec. Il y a celui, connu, des grands producteurs d’aluminium, qui déploient des projets d’envergure considérable, comme Elysis, qui doit permettre de fabriquer de l’aluminium à partir d’un procédé décarboné.

L’autre visage de l’innovation québécoise en aluminium est celui de multiples PME du secteur de la transformation, qui s’y prennent bien différemment pour mettre au point leurs trouvailles. « Ces entreprises adoptent des démarches ponctuelles, en se lançant dans des créneaux qu’elles ont bien identifiés », souligne François Racine, président d’AluQuébec, le centre québécois d’expertise et d’innovation sur l’aluminium.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

François Racine, président d’AluQuébec

Maillage serré

Pour innover et séduire de nouveaux marchés, ces PME peuvent s’appuyer sur la richesse de l’écosystème québécois dans le domaine de l’aluminium. « Les centres de recherche et les programmes de financement peuvent accompagner le développement de nouveaux produits », salue François Racine. Les PME peuvent aussi s’appuyer sur l’agilité propre à leur petite taille, qui les rend capables de saisir des occasions prometteuses.

Parmi ces PME innovantes, A3 Surfaces symbolise ce type de démarche conjuguant d’importants efforts de recherche et la détection de possibilités sur des marchés autres que son marché naturel. Cette entreprise de 14 employés établie à Chicoutimi a déposé des brevets pour son traitement de surfaces antimicrobien par anodisation de l’aluminium.

Son procédé UmanProtek vise à limiter et éliminer les risques de contamination croisée des maladies bactériennes ou virales. Le marché est considérable : il suffit de penser au bénéfice d’un traitement appliqué aux poignées de porte et aux mains courantes dans les hôpitaux, aux barres d’appui dans le métro et à nombre d’objets touchés fréquemment par des personnes différentes.

L’entreprise travaille déjà pour percer le marché de l’Europe, où trois employés développent l’activité, et pour le Brésil. Son procédé suit présentement le processus réglementaire de Santé Canada en vue de pouvoir être proposé au pays.

Appliquer ailleurs son savoir-faire

Tout en suivant ce processus réglementaire rigoureux – « très long et très dispendieux », précise Myriam Auclair-Gilbert, directrice générale d’A3 Surfaces –, l’entreprise a cherché le moyen d’adapter ses savoir-faire à d’autres marchés. Et la PME chicoutimienne s’est aperçue que le traitement de surfaces par anodisation de l’aluminium intéresse de nombreuses industries telles que les secteurs de la défense, de l’aérospatiale, de l’automobile, de la photonique, de l’optique et de la télédétection par laser, aussi appelée lidar.

Ces différentes industries ont besoin de traiter des pièces en aluminium pour les rendre plus résistantes, par exemple pour être utilisées dans un aéronef, ou conformes à certaines spécifications, comme le respect du noir ultra-profond en optique. Or, A3 Surfaces sait déjà faire de tels traitements. L’entreprise a seulement dû adapter sa technologie en retirant l’aspect antimicrobien pour être en mesure de servir des clients sur de nouveaux marchés.

Comme dans le secteur de la santé, ces industries de pointe apprécient la traçabilité de la production, notamment l’automatisation qui assure le suivi des lots.

Myriam Auclair-Gilbert, directrice générale d’A3 Surfaces

La PME de Chicoutimi vient de lancer sa division A2 Surfaces, spécialisée dans le traitement de surfaces sans l’effet antimicrobien. L’anodisation permet d’appliquer une couche qui peut être aussi fine que cinq micromètres d’épaisseur, soit cinq millièmes de millimètre. L’entreprise peut ainsi exploiter à fond son usine inaugurée en 2021, qui abrite une chaîne d’anodisation automatisée et 21 bassins de traitement de surface.

Pour aborder ces nouveaux marchés, A3 Surfaces a pu compter sur le maillage serré de l’industrie de l’aluminium au Saguenay. « Tout le monde se connaît. On a tous notre rôle à jouer à différents niveaux », observe Myriam Auclair-Gilbert. « Pour chaque projet, on peut trouver de l’aide. Cela aide à monter les marches plus vite », se félicite-t-elle.