La hausse des taux d’intérêt touche les gens, mais aussi les entreprises, qui se retrouvent à devoir payer quelques points de pourcentage de plus pour leurs emprunts. Continuent-elles à aller de l’avant avec leurs projets d’investissement ? Négocient-elles des conditions plus souples ? Tour d’horizon.

La Distillerie Noroi a lancé un projet d’agrandissement de son usine et de son bureau en 2021 et elle vient de le bonifier. Il passe ainsi de 12 millions de dollars à près de 23 millions. La raison est simple : pour continuer à croître, notamment dans le domaine des produits non alcoolisés, l’entreprise a décidé d’aller chercher la certification Safe Quality Food (SQF). Pour y arriver, Distillerie Noroi automatise complètement l’embouteillage et l’encannage à haut débit.

Lorsque la Distillerie Noroi a commencé son projet, les taux d’intérêt étaient bas. Mais la hausse n’a pas inquiété le président, Jonathan Robin, qui vient d’aller chercher plus de financement.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Jonathan Robin, président de la Distillerie Noroi

« Nous avons négocié un moratoire : donc nous n’avons pas encore à rembourser le capital, explique-t-il. Nous nous inquiétons plus de l’inflation en raison de la hausse des coûts de nos matières premières. Mais l’investissement nous permettra de réduire nos coûts de production, donc de rester concurrentiels malgré l’inflation, et de multiplier par cinq notre capacité de production. »

Chez Investissement Québec, on a remarqué un petit ralentissement dans la réalisation de projets l’automne dernier, lorsque les taux ont commencé à monter. « La hausse des taux s’est ajoutée aux enjeux de main-d’œuvre et aux problèmes d’approvisionnement, alors c’est normal que les entrepreneurs aient pris le temps de regarder ce qu’il se passait », affirme Jocelyn Beauchesne, premier vice-président, réseau régional, Investissement Québec.

Mais il remarque que les projets ont maintenant repris leur vitesse de croisière.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Même si on parle de ralentissement économique, on n’a jamais eu une récession avec le plein emploi. Le volume d’affaires, il est là. Les entreprises continuent donc à innover et à améliorer leurs façons de procéder.

Jocelyn Beauchesne, premier vice-président, réseau régional, Investissement Québec

Les prêteurs s’ajustent

Investissement Québec met aussi différentes stratégies en place pour s’assurer que les organisations aient du financement avec des conditions adaptées à la situation. « Nous avons facilité l’accès au moratoire sur le capital, nous proposons aussi des amortissements plus longs, puis nous avons plusieurs programmes pour répondre à différents besoins », ajoute Jocelyn Beauchesne.

Par exemple, ESSOR, dont l’objectif est d’augmenter la croissance et la productivité des entreprises, a été bonifié en décembre.

« C’est un programme qui peut offrir jusqu’à 30 ou 40 % du prêt à 0 % d’intérêt, précise Jocelyn Beauchesne. Nous avons élargi la gamme d’entreprises admissibles pour inclure par exemple celles du secteur du commerce de détail et de la construction. »

Si certaines organisations se portent bien et pensent à investir, d’autres réalisent toutefois qu’elles sont largement endettées après ces années de pandémie. Pour elles, les intérêts à payer peuvent être lourds. « C’est une période difficile à traverser pour plusieurs de nos membres, mais nous sommes là pour les accompagner et ils ne doivent pas hésiter à en parler avec leur directeur de compte pour tenter de trouver des solutions pour alléger leur fardeau », affirme Jean-Yves Bourgeois, premier vice-président, services aux entreprises, chez Desjardins.

Il précise que, parfois, il est possible de changer le terme du prêt, alors que, d’autres fois, il pourrait être question d’un refinancement. « Cela dépend des besoins : c’est du cas par cas », ajoute Jean-Yves Bourgeois.

Investir pour se démarquer

Si les taux d’intérêt sont en hausse actuellement, Investissement Québec tient toutefois à remettre le tout en perspective.

« L’économie roule, les entreprises ont beaucoup d’équité, mais elles se sont habituées à payer du 2 % ou du 3 % d’intérêt alors que la normale est plus autour de 5 % ou 6 %, affirme Jocelyn Beauchesne. La hausse n’est donc pas si grande, surtout avec toutes les conditions qu’on offre pour l’adoucir. Les organisations doivent continuer à innover pour améliorer leur productivité et être moins dépendantes de la main-d’œuvre. »

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Équipements de la Distillerie Noroi

Pour la Distillerie Noroi, fondée en 2018, c’est même le moment idéal pour se démarquer. « Lorsqu’il y a une crise, il faut s’améliorer, sortir de nouveaux produits, affirme Jonathan Robin. La pire chose à faire, c’est de ne pas bouger. Une entreprise ne fait pas de surplace : elle avance ou elle recule. C’est pourquoi il faut se casser la tête pour continuer à avancer. »