Les gestionnaires de fonds de placement et des investisseurs se sont lancés tous azimuts depuis quelques années dans les investissements ESG, ces entreprises qui incorporent dans leurs activités les bonnes pratiques environnementales, sociétales et de gouvernance. Mais les performances boursières de ces entreprises, dont font partie les producteurs d’énergies renouvelables, ont laissé à désirer en 2022. Faut-il craindre que l’enthousiasme des investisseurs s’amenuise ?

Beaucoup d’exubérance

On peut comprendre que les investisseurs aient été déçus des rendements réalisés sur leurs placements dans les titres d’énergies renouvelables depuis un an ou deux. Mais il importe de placer les choses en perspective, explique Anne Perreault, gestionnaire de portefeuille principale chez Desjardins. « Si on retourne quelques années derrière, on peut voir comment l’exubérance des investisseurs avait fait bondir la valeur des titres du secteur », dit-elle. Nos entreprises québécoises, entre autres Boralex et Innergex, avaient vu leurs cours boursiers quadrupler entre le début de l’année 2019 et la fin de l’année 2020. Et ce phénomène n’était pas uniquement québécois. Le fonds négocié en Bourse ICLN, un fonds mondial d’énergie propre dont les actifs sous gestion totalisent 5 milliards de dollars et qui se négocie sur le NASDAQ, a presque triplé durant l’année 2020, pour ensuite perdre plus de 40 % de sa valeur.

Le retour du balancier

Il ne fallait donc pas s’étonner d’assister à un certain retour du balancier, explique Anne Perreault. Toutefois, les titres individuels canadiens n’ont pas fait pire au cours de la dernière année que l’indice phare de la Bourse canadienne, le S&P/TSX. Les titres d’énergies renouvelables ont reculé en moyenne d’environ 5,8 %, un recul semblable à celui de l’indice, estime-t-elle. De même pour le fonds ICLN. Les raisons pouvant justifier un recul des titres du secteur étaient réunies, explique-t-elle. « La hausse rapide des taux d’intérêt a causé une contraction des multiples d’évaluation dans plusieurs secteurs, dont celui des énergies renouvelables », dit-elle. Et c’était sans compter la hausse du prix du pétrole déclenchée par l’invasion russe en Ukraine qui a redirigé les investisseurs vers les entreprises exploitant les énergies fossiles.

Un rapport risque/rendement favorable

Mais à la suite de cette hausse du prix du pétrole, le rapport risque/rendement penche maintenant en faveur de l’énergie renouvelable, explique Frédéric Angers, directeur principal à la direction principale des infrastructures chez Desjardins. « Compte tenu du risque d’un recul éventuel du prix du pétrole, les profits que générera le secteur des énergies renouvelables pourraient certainement être moins volatils et plus prévisibles que ceux du secteur des énergies fossiles », dit-il. Ce qui ne manquera pas de plaire aux investisseurs à long terme. La trame de fond est certainement favorable maintenant au secteur des énergies renouvelables, selon lui.

Le risque d’une jeune industrie

Autant le secteur des énergies renouvelables apparaît porteur à long terme, autant il ne faut pas oublier qu’il s’agit là d’une jeune industrie, dont il importe d’évaluer les risques si l’on désire y investir, explique An-Lap Vo-Dignard, conseiller principal en gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale. « Les firmes du secteur ont pour la plupart un niveau de dette assez élevé, et la hausse des taux d’intérêt ne peut qu’affecter négativement les profits futurs », dit-il. La diminution de l’appétit pour le risque au cours de la dernière année a aussi nui à la performance boursière du secteur. Cela dit, le secteur constitue une tendance lourde à long terme compte tenu de l’intérêt des individus pour les projets environnementaux et les investissements que les gouvernements ne manqueront pas d’y faire, croit M. Vo-Dignard. « Mais il ne faut pas croire que ce soit sans risque. Les individus doivent s’assurer que tout investissement dans ce secteur soit conforme à leur tolérance au risque », prévient-il. La meilleure façon de s’impliquer dans ce secteur est de le faire par l’entremise de fonds négociés en Bourse, étant donné que ceux-ci assurent à l’investisseur une bonne diversification, conclut le gestionnaire de la Financière.