Les entrepreneurs qui financent des activités commerciales font face au même dilemme que les particuliers quand ils empruntent : taux fixe ou variable ? Lequel convient le mieux pour sa PME ? Discussion avec Mathieu Talbot, vice-président, services aux entreprises et financement corporatif, chez Desjardins.

Quels critères considérer avant de choisir un taux fixe ou variable ?

Une stratégie de financement est basée principalement sur la capacité de prévoir le comportement de plusieurs données dans le temps. Mathieu Talbot rappelle donc que si l’exercice est ardu en temps normal, il l’est encore davantage actuellement : « Gérer une compagnie en 2023 est une équation complexe. Il est important de bien comprendre la réalité de l’entreprise avant de prendre une décision. Plusieurs critères propres à celle-ci sont à considérer, dont l’horizon des besoins de financement, son niveau de confiance en la prévisibilité des flux de trésorerie, les projets associés au financement et sa capacité à supporter une hausse des paiements. »

Y a-t-il d’autres leviers à évaluer lors de la négociation de son prêt ?

Le taux fixe ou variable est l’une des données qui auront une influence sur sa stratégie financière, mais Mathieu Talbot souligne que chacune des composantes du financement est importante à soupeser. « Les conditions d’un prêt se résument ainsi : le montant, le taux, l’échéance et les autres engagements. La flexibilité des conditions associées au financement est déterminante, surtout en période de ralentissement économique ou d’incertitude quant aux entrées de fonds attendues. La capacité de faire des remboursements par anticipation sans pénalité peut, notamment, être un facteur prépondérant pour une entreprise ayant de la difficulté à établir ses entrées de fonds futures. Cette stratégie pourrait avoir un impact significatif sur la facture finale. »

Quelle est la durée idéale pour les taux fixes ?

Dans la situation instable actuelle, le spécialiste en financement d’entreprise de Desjardins recommande aux entrepreneurs de jouer au maximum sur les données qu’ils peuvent contrôler. « S’il est possible de contrôler l’une des variables de l’équation, comme son taux, pourquoi ne pas la fixer ? Miser sur le moyen terme n’est pas une mauvaise stratégie dans le contexte volatile d’aujourd’hui. Toutefois, doit-on vraiment geler son taux pour cinq ans ? Pas nécessairement. Un taux de trois ans peut être avantageux, car il permet de se protéger des nouvelles hausses tout en évitant de fixer un taux élevé pour une période prolongée. »

Entreprise en croissance : quelle est la meilleure approche ?

« Si un emprunt est nécessaire pour une courte durée, pour bonifier temporairement ses inventaires (fonds de roulement), une entreprise pourrait choisir un taux variable. Inversement, une entreprise désirant emprunter pour un horizon plus long, comme acquérir un bâtiment ou de l’équipement supplémentaire (actifs long terme), alors l’adoption d’un taux fixe sera plus prudente », illustre Mathieu Talbot. Il rappelle qu’il est aussi possible de combiner plusieurs stratégies simultanées selon chaque besoin. « La portion d’un financement qui ne peut être repayée rapidement pourrait faire l’objet d’un taux fixe, puis la partie remboursable plus vite pourrait être financée avec une marge à taux variable, par exemple. »