Angeline Bilodeau est devenue vice-présidente opérations de Northvolt le 8 janvier dernier, ce qui lui a permis de rentrer au Québec après un long exil de 20 ans au cours duquel elle a dirigé plus d’une dizaine d’usines en Asie, en Amérique du Sud et en Europe pour Pratt & Whitney Canada, United Technologies et Amazon. Un retour souhaité et un défi de taille d’orchestrer le démarrage de la production de batteries pour véhicules électriques à Saint-Basile-le-Grand.

En fait, Angeline Bilodeau n’est pas rentrée directement au Québec lors de sa nomination, parce qu’elle est plutôt partie trois mois en Suède pour s’immerger dans l’univers de la fabrication de batteries électriques.

Revenue depuis deux semaines à son condo du centre-ville de Montréal, celle qui supervisera toutes les opérations de la nouvelle usine de Northvolt doit repartir dans deux semaines pour la Suède afin de poursuivre son immersion et ses rencontres avec les hauts responsables de l’organisation.

Diplômée en génie de l’Université de Sherbrooke, spécialiste en ingénierie simultanée, Angeline Bilodeau a amorcé sa carrière chez Pratt & Whitney Canada à titre de conceptrice de moteurs d’avion avant d’occuper d’autres fonctions dans le secteur des fusions et acquisitions. Elle obtiendra durant cette période un MBA à HEC Montréal et aura trois enfants.

« En 2004, Pratt & Whitney m’a demandé de devenir responsable de tout le service client pour l’Asie du Sud-Est-Pacifique. On est partis toute la famille s’établir à Singapour », raconte la nouvelle VP de Northvolt.

Après cinq ans dans le service après-vente avec plus de 800 clients aux flottes diverses – hélicoptères, jets d’affaires, avions régionaux –, Angeline Bilodeau se voit offrir de prendre la direction d’une usine qui fabrique et répare des pièces de moteur pour tout le groupe Pratt & Whitney.

Elle dirigera de front deux autres usines à Singapour avant que la maison mère de Pratt, United Technologies, lui demande d’aller au Brésil superviser une usine de réparation de nacelles de moteur.

« En 2016, on m’a demandé de revenir à Singapour diriger une usine de pièces complexes. C’est là que j’ai compris que j’étais sur mon X, que j’adorais assumer le leadership d’une opération manufacturière », me résume la gestionnaire.

Mais l’ingénieure voulait se familiariser avec les logiciels d’ingénierie et devient donc la directrice d’un site robotique d’Amazon à Toronto avant d’assurer la supervision de l’implantation d’un nouveau site d’Amazon à Metz, en France.

« On est passé de 0 à 5000 employés dans l’espace de 15 semaines. Ç’a été tout un démarrage et c’est devenu le site à plus haut volume d’Amazon pour toute l’Europe », relate Angeline Bilodeau.

Le prochain défi

Le prochain défi d’Angeline Bilodeau est de procéder au lancement d’une vaste opération industrielle dans la nouvelle usine qui doit entrer officiellement en production le 1er juillet 2026.

« Je ne m’occupe pas de la construction, j’ai un collègue qui est vice-président projet. Moi, je bâtis les équipes de direction, je rencontre les fournisseurs et on prépare l’échéancier de façon très serrée », précise Angeline Bilodeau.

Spécialiste de la production au plus juste (lean manufacturing), Angeline Bilodeau est en train de créer un grand tableau de toutes les étapes détaillées qui devront être franchies au cours des 110 prochaines semaines avec des objectifs précis et des jalons hebdomadaires à respecter et à adapter selon la situation.

Elle a déjà embauché des collaborateurs immédiats, un directeur de la numérisation, une directrice de l’ingénierie, une directrice de l’excellence opérationnelle, une directrice démarrage et enfin une directrice de la production de matériaux de cathode.

Bientôt, une autre équipe de cinq leaders va s’exiler durant un an en Suède pour bien intégrer toutes les étapes et les processus de fabrication des batteries. Au siège social nord-américain de Northvolt à Montréal, 115 personnes s’activent déjà, principalement dans le domaine de la construction.

Est-ce que la dirigeante est surprise de l’accueil extrêmement négatif que le projet d’usine de batteries à Saint-Basile suscite auprès de certains opposants plutôt vocaux ?

« Non, c’est légitime de s’exprimer si on est contre un projet. Nous, on doit donner l’information, on doit démontrer qu’on travaille pour la communauté. On veut être un bon voisin, un voisin qui contribue à rendre le Québec plus vert », suggère Angeline Bilodeau.

La nouvelle responsable des opérations a rencontré récemment quelque 200 fournisseurs québécois potentiels avec qui Northvolt prévoit de faire affaire, parce qu’il faudra les intégrer au processus de montage de l’usine. Elle doit aussi rencontrer les clients de lancement qui seront les premiers à utiliser les batteries Northvolt de Saint-Basile.

« On a la chance d’avoir une usine en Suède et de pouvoir compter sur leurs nombreux conseils. On a la chance de ne pas avoir à répéter les erreurs qu’ils ont commises. Moi, je retourne en Suède pour d’autres séances de formation et pour créer des alliances avec les gens là-bas », expose la nouvelle vice-présidente opérations.

Après avoir dirigé des opérations dans le secteur de l’aéronautique durant 15 ans et dans le domaine de la grande distribution durant 4 ans, Angeline Bilodeau s’estime choyée de réaliser un premier mandat au Québec en dirigeant l’entrée en production de la première usine de fabrication de batteries entièrement intégrée au Canada.