Le gouvernement caquiste a une occasion en or de combiner deux mesures qui aideraient le Québec, soit instaurer des écotaxes pour financer les transports en commun tout en baissant nos impôts.

Depuis plusieurs mois, le gouvernement Legault s’est montré ferme dans l’idée de réduire les impôts sur le revenu des Québécois. L’idée est critiquée, vu les besoins de financement des services publics, mais le Québec est au 3e rang sur 32 États de l’OCDE pour les impôts sur le revenu les plus élevé⁠1.

Et quoi qu’on dise, l’idée de baisser les impôts sur le revenu a été proposée par 3 des 5 principaux partis au Québec (CAQ, PLQ, PCQ), qui ont obtenu ensemble 68 % du vote aux élections d’octobre 2022.

En parallèle, le gouvernement semble résolu à mieux financer le transport collectif, qui a été écorché par la pandémie et le télétravail, mais ce financement passerait par… une hausse de certains impôts.

La semaine dernière, en effet, la ministre Geneviève Guilbault a suggéré d’exiger des entreprises un « versement mobilité » pour combler les déficits des réseaux de transport collectif, somme qui serait prélevée selon la masse salariale des entreprises. Bref, ce serait une nouvelle taxe.

L’idée est vivement critiquée pour deux raisons, essentiellement. D’une part, le Québec est l’un des endroits au monde où, encore une fois, la taxe sur la masse salariale est le plus élevée (4e sur 32 États de l’OCDE)⁠1. Il correspond à 57 % du total des impôts payés au Québec par les entreprises.

D’autre part, cet impôt finit par être refilé aux employés, notamment par des augmentations de salaire moindres⁠2.

Dans un monde fiscal idéal, suggèrent des économistes, le Québec baisserait ses impôts sur le revenu, mais hausserait sa taxe à la consommation (TVQ) pour compenser.

Les taxes à la consommation sont plus efficaces et moins dommageables pour l’économie. Et des impôts moindres sur le revenu stimuleraient le travail, ce qui serait une bénédiction en cette période de pénurie de main-d’œuvre.

À la place de la taxe sur la masse salariale, Québec devrait donc opter pour des écotaxes, qui s’apparentent aux taxes à la consommation. Non seulement de telles taxes auraient pour effet d’inciter les consommateurs émetteurs de GES à modifier leur comportement, mais les recettes qui en seraient tirées pourraient servir à combler le déficit des transports en commun. En cette période inflationniste, elles pourraient aussi être mieux perçues qu’une hausse de la taxe de vente.

Le poids de l’écofiscalité, faut-il savoir, est relativement petit au Québec comparé au reste du monde (29e sur 32 États de l’OCDE). De telles taxes environnementales représentent 1,2 % du PIB ici contre 3,6 % aux Pays-Bas et 3,2 % au Danemark⁠1.

Avec un tel plan, Québec ferait d’une pierre quatre coups : il recalibrerait nos impôts, contribuerait à réduire les GES, résoudrait le financement des transports en commun et inciterait au travail (et au recul de la pénurie de main-d’œuvre).

L’écofiscalité prend diverses formes. La taxe sur l’essence est le meilleur exemple – et le plus simple –, mais il pourrait aussi y avoir certaines des taxes suivantes : une taxe sur l’achat des véhicules polluants, un péage sur des autoroutes, une taxe kilométrique sur le transport par camion lourd, une taxe sur les stationnements, une taxe sur les déplacements en avion, une taxe inversement proportionnelle à la densité des villes, une taxe carbone comme au fédéral (ou une baisse des quotas du marché du carbone québécois), etc.

N’est-ce pas une bonne offre ?

Cela dit, la baisse d’impôt sur le revenu proposée par les caquistes pourrait être mieux ciblée, selon une étude d’économistes de l’Université de Sherbrooke⁠3. Ils proposent deux options qui stimuleraient mieux le travail et réduiraient davantage l’écart avec l’Ontario, cible chère à François Legault.

Au Québec, ce sont les contribuables qui gagnent entre 20 000 $ et 85 000 $ qui ont les écarts de taux d’imposition les plus élevés avec l’Ontario (7,5 points de pourcentage d’écart). Et en plus, ce sont les 35 000 $-60 000 $ qui ont les taux effectifs d’imposition marginaux les plus élevés.

En campagne électorale, la CAQ a proposé d’abaisser chacune des deux premières tranches d’imposition d’un point de pourcentage. Cette réduction d’impôts de 1,86 milliard de dollars offrirait les plus fortes réductions d’impôts à ceux qui gagnent 100 500 $ et plus (814 $ par contribuable).

Pour cibler davantage les 20 000 $-80 000 $, l’étude suggère de réduire la 3tranche d’imposition de 2 points de pourcentage (plutôt qu’un seul) et de devancer à 84 000 $ (plutôt que 98 540 $) le seuil à partir duquel s’appliquerait le 3taux. Ce 3e taux serait haussé de 4 points de pourcentage entre 84 000 $ et 98 540 $.

Ce faisant, les plus grands bénéficiaires de la baisse d’impôts seraient ceux qui touchent 86 000 $ de revenus imposables, avec un gain de 1013 $, tandis que les 100 000 $ et plus n’obtiendraient que 413 $ de réduction d’impôts. La deuxième de leurs suggestions donne des résultats assez semblables.

Le gouvernement Legault a indiqué vouloir financer sa baisse d’impôts par une réduction des versements au Fonds des générations (et donc par l’endettement). Selon l’étude, avec cette baisse d’impôts, le Québec devra prévoir 15 ans (d’ici 2038) pour rejoindre l’endettement net moyen des provinces canadiennes (29,1 % du PIB), contre 10 ans sans cette baisse d’impôts (2033).

Au 31 mars 2023, le Québec aura une dette nette de quelque 199 milliards, au 3rang des provinces canadiennes (après Terre-Neuve-et-Labrador et l’Ontario), ce qui équivaudra à 36 % de son PIB.

Valeur d’Hydro-Québec

L’étude ne fait pas mention de la valeur marchande d’Hydro-Québec, un actif détenu par l’État québécois qui n’a pas de comparable dans les autres provinces. En tenant compte de cette valeur marchande, notre ratio dette/PIB serait réduit de l’équivalent de 9 points de pourcentage, ce qui la ramènerait dès aujourd’hui sous la moyenne des autres provinces, ai-je calculé⁠4.

Mon offre, bref : pour une baisse d’impôts, une hausse des écotaxes et une réduction modérée de notre dette relative. Marché conclu ?

1. Consultez le Bilan de la fiscalité au Québec 2. Lisez « Une fausse bonne idée » 3. Consultez un mémoire présenté au ministre des Finances 4. Lisez « Notre dette est surestimée de 46 milliards »