Le milieu des affaires s’oppose pour le moment à l’idée d’un « versement mobilité » basé sur la masse salariale des entreprises, évoquée par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. Dans l’Hexagone, la mesure finance déjà la moitié des dépenses d’Île-de-France Mobilités (IDFM) – l’équivalent parisien de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

Au Conseil du patronat, le président et chef de la direction, Karl Blackburn, affirme que « le fardeau fiscal des entreprises est déjà très élevé au Québec ». « On est la 4e juridiction, avec 1,8 % en pourcentage du PIB, sur 32 économies de l’OCDE, qui est la plus taxée en matière de poids des impôts sur les salaires. Augmenter le fardeau fiscal des entreprises ne doit pas être la voie à suivre, surtout que le tissu économique québécois est composé en grande majorité de PME », affirme-t-il.

M. Blackburn réagissait ainsi à des propos tenus dans La Presse par la ministre des Transports Geneviève Guilbault qui, en visite à Paris, s’est montrée inspirée par le « versement mobilité » d’IDFM.

Cette somme, tirée à même la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés, permet de réinjecter des milliards d’euros dans l’expansion et le fonctionnement du réseau de métro et de bus parisien. Cela représente, chaque année, plus de 50 % des dépenses de l’organisme. « Ça dépend comment tu l’amènes, mais moi, je dis que c’est une contribution constructive [de la part des entreprises]. J’ai trouvé ça intéressant. Ça mériterait d’être regardé », a soutenu Mme Guilbault en entrevue.

Le tout survient à quelques semaines du prochain budget du gouvernement Legault, et au moment où l’ARTM, aux prises avec un manque à gagner de 500 millions, demande aux opérateurs du Grand Montréal de mettre en commun leurs ressources pour réduire les dépenses.

Écofiscalité d’abord ?

Pour Karl Blackburn, le Québec « devrait plutôt multiplier les mécanismes d’écofiscalité pour inciter les bons comportements chez les travailleurs et ainsi augmenter l’achalandage » en transport collectif. Par exemple, illustre-t-il dans la foulée, « certains employeurs qui offrent de rembourser la carte OPUS mensuelle de leurs employés auraient des crédits d’impôt ».

« On a des entreprises fragiles et nerveuses en ce moment, avec toute l’incertitude économique. Ce n’est pas le moment d’aller vers ce qu’on pourrait appeler une nouvelle taxe mobilité. Je serais prudent », juge de son côté le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc.

À ses yeux, si Québec allait dans cette direction, il lui faudrait aussi « moduler cette taxe en fonction de la disponibilité du transport collectif ». « En France et à Paris, ça ne se pose pas, cette question-là, mais ici, on a encore une desserte inégale sur le territoire. Le débat devrait davantage être sur comment on incite les employés à revenir au bureau », croit M. Leblanc.

Il déplore que trop d’entreprises n’imposent encore qu’une ou deux journées obligatoires de travail au bureau. « Le transport collectif, en ce moment, c’est d’abord une problématique de manque de clientèle. C’est la question qu’il faut se poser : en ce moment, beaucoup d’entreprises ont des exigences de présence très légères, à un ou deux jours en moyenne », persiste le président.

Bien reçu en transport

L’ARTM, elle, accueille l’idée plutôt positivement. « La congestion routière représente une perte de productivité de plus de 4,2 milliards annuellement dans la région métropolitaine. C’est énorme. Les entreprises de la région bénéficient d’une mobilité plus fluide pour leurs employés, clients et marchandises », nous répond le porte-parole, Simon Charbonneau.

Il soutient que « la participation du milieu économique doit être analysée », mais que, « cela dit, il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble afin de bien évaluer les impacts socioéconomiques, peu importe les solutions étudiées ».

Même son de cloche à la STM, où la conseillère corporative Justine Lord-Dufour « salue l’ouverture de la ministre Guilbault à en apprendre davantage sur les sources de financement des sociétés de transport européennes ». Elle soutient que l’exercice est essentiel « pour repenser et revoir le financement des sociétés de transport collectif au Québec, afin qu’elles puissent compter sur des sources de financement indexées et récurrentes ».

Rappelons que la ministre Geneviève Guilbault doit entamer ce mois-ci une tournée de consultations auprès des opérateurs et des acteurs en transport collectif, afin de trouver des solutions à la crise du financement qui secoue l’industrie depuis des mois.