Marchons. Tous ensemble, unis contre la haine. Descendons dans la rue comme en France pour dénoncer le racisme et plus particulièrement l’antisémitisme, qui connaît une dangereuse recrudescence depuis les attaques du Hamas qui ont semé la terreur en Israël et déclenché une riposte encore plus sanglante à Gaza.

Malheureusement, Montréal n’échappe pas à la vague de haine planétaire qui a réveillé la sinistre mémoire des pogroms et de l’Holocauste.

Des écoles juives visées par des coups de feu.

Une synagogue ciblée par des cocktails Molotov.

Un chargé de cours de l’Université de Montréal qui crie face à des étudiants juifs « Retourne en Pologne ! » lors d’une échauffourée à l’Université Concordia.

Le sulfureux imam Adil Charkaoui qui harangue une foule de manifestants réunis au centre-ville en clamant en arabe : « Allah, charge-Toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous, puis extermine-les. Et n’épargne aucun d’entre eux ! »

Partout à travers le monde, cette même haine des Juifs souille les murs où sont apparus des étoiles de David et des graffitis à la gloire d’Hitler.

Cette haine pollue aussi les réseaux sociaux, comme en témoigne une vidéo montrant une bande d’adolescents qui entonnent, en plein métro de Paris, un chant antisémite odieux : « Nique les Juifs et les grands-mères, on est des nazis et fiers ».

Si le conflit Hamas-Israël a provoqué une montée de l’antisémitisme, il faut bien voir que ce n’est qu’un révélateur de préjugés déjà bien ancrés. Ce n’est qu’un argument qui a offert une forme de légitimité ou d’explication rationnelle à ceux qui détestent les Juifs depuis toujours.

Et ils sont nombreux.

Ici au Canada, avant même l’explosion de la violence en Israël, les Juifs étaient la cible de la moitié des crimes haineux visant des communautés religieuses, même s’ils ne forment que 1 % de la population, selon Statistique Canada.

Aujourd’hui, la haine des Juifs est ravivée par un fallacieux amalgame.

On met dans le même panier tous les Juifs du monde, en tenant pour acquis que ceux qui vivent ici depuis des générations approuvent automatiquement les politiques du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, qui ne cesse de s’approprier toujours plus de territoire palestinien.

Rien n’est moins vrai. Bien des Juifs ont d’ailleurs pris part à des manifestations en soutien aux Palestiniens après les bombardements de Gaza.

Quoique profondément attristés par l’attaque du Hamas contre Israël, beaucoup de Juifs sont aussi atterrés par la réponse implacable d’Israël, expliquait justement le professeur émérite Yakov M. Rabkin dans les écrans de notre section Dialogue1.

Ainsi, on ne peut pas tenir responsables les Juifs du monde entier des agissements du gouvernement israélien, qui tient en place grâce aux ultra-orthodoxes et à l’extrême droite. Et encore moins leur faire subir la haine, la peur, la discrimination…

Un autre dangereux amalgame guette les Juifs tout comme les membres des communautés arabo-musulmanes qu’on met dans le même panier. Les deux communautés sont accusées d’importer dans leur terre d’accueil les conflits étrangers et de menacer la paix sociale, en donnant préséance à leur religion plutôt qu’à leur citoyenneté.

Regardons plutôt la situation par l’autre bout de la lorgnette.

À l’écart des passions et des souffrances du Moyen-Orient, les diasporas juives et arabes sont bien placées pour jouer un rôle positif en parvenant à tisser des liens et à créer des espaces de dialogue pour désamorcer le conflit.

Pour cela, il faut tendre la main à tous et dénoncer la violence de part et d’autre.

À ce chapitre, la commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique de la Ville de Montréal, Bochra Manaï, a raté une belle occasion d’être utile. Alors que la vague d’actes antisémites déferlait à Montréal, elle était aux abonnés absents, cachée derrière un prétendu devoir de réserve à géométrie variable qui ne l’a pas empêchée de prendre position sur les réseaux sociaux pour la cause palestinienne.

La confiance est sérieusement ébranlée.

Pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme chez nous, pourquoi ne pas commencer par une marche comme celle qui a rassemblé 182 000 Français la fin de semaine dernière ? Un geste transpartisan enverrait un message de solidarité aux Juifs de chez nous qui vivent dans la peur.

Nous avons vécu le traumatisme de la grande mosquée de Québec. Nous ne voulons pas en vivre un autre dans une synagogue de Montréal.

N’oublions pas qu’au tournant du millénaire, des terroristes avaient comploté pour faire exploser une mégabombe dans un camion-citerne, à l’angle des avenues du Parc et Laurier, en plein cœur d’Outremont, un quartier qui abrite une importante communauté juive hassidique. L’homme avait finalement préféré prendre pour cible l’aéroport de Los Angeles, avant d’être intercepté à la frontière américaine dans un véhicule rempli d’explosifs.

Tout cela fait frémir.

On ne veut pas importer la violence chez nous. Alors, descendons dans la rue pour nous élever contre la haine. Marchons.

1. Lisez « Pourquoi tant de Juifs dénoncent-ils la guerre d’Israël contre Gaza ? »

La position de La Presse

Pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme, le Québec pourrait commencer par une grande marche transpartisane à l’image de celle qui a eu lieu en France.

En savoir plus
  • 104
    Nombre de crimes et incidents haineux contre les Juifs entre le 7 octobre et le 14 novembre 2023
    Source : Service de police de la Ville de Montréal
    30
    Nombre de crimes et incidents haineux contre les arabo-musulmans entre le 7 octobre et le 14 novembre 2023
    Source : Service de police de la Ville de Montréal