Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) réclame la démission de Bochra Manaï, commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique à la Ville de Montréal.

« Le CIJA n’a aucune confiance en Bochra Manaï et lui demande de démissionner après des semaines de conduite inexcusable et disqualifiante », écrit Eta Yudin, vice-présidente de l’organisme, sur le réseau social X mardi.

« Le silence et l’inaction de la commissaire antiraciste après une semaine historique de terrorisme antisémite sont choquants », ajoute-t-elle. « La réponse de Mme Manaï aux cocktails Molotov frappant les institutions juives : le silence. Sa réponse aux balles qui ont frappé des écoles juives : le silence encore », explique le CIJA.

Bochra Manaï a été nommée commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, lorsque le poste a été créé en 2021. Sa nomination avait été contestée, car deux ans plus tôt, elle avait été l’un des visages de la contestation de Loi sur la laïcité de l’État. Elle avait notamment affirmé que le « Québec est devenu une référence pour les suprémacistes extrémistes ».

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, Mme Manaï est restée plutôt invisible malgré l’augmentation du nombre de crimes haineux à Montréal. Le CIJA lui reproche toutefois d’avoir partagé, sur Instagram notamment, des publications propalestiniennes d’un groupe ayant célébré les attentats du Hamas contre Israël.

À la suite de cet appel à une démission, Bochra Manaï a fait parvenir une lettre ouverte aux médias dans laquelle elle condamne les violences islamophobes et antisémites des dernières semaines. Elle explique aussi avoir pris part à une manifestation soutenant un cessez-le-feu à titre personnel.

« Je rappelle, encore une fois, que mon rôle à la Ville de Montréal, comme fonctionnaire, concerne le changement interne et que je n’ai pas un rôle de représentation publique. J’ai été nommée pour travailler avec l’ensemble de l’appareil municipal pour accélérer la transformation pour une administration exempte de racisme et de discriminations systémiques. Cette mission elle m’habite, et j’y consacre tous mes efforts et mes énergies… », a souligné Mme Manaï. Elle termine sa lettre en lançant un appel au calme et à la raison.

Mardi, Aref Salem, chef de l’Opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal, a critiqué le travail de la commissaire. « En plus de deux ans à ce poste inédit, elle n’a pas réussi à proposer un plan d’action fiable pour lutter contre le racisme systémique », a souligné le chef intérimaire d’Ensemble Montréal.

« Le poste de commissaire appelle à un devoir de réserve, à rassembler et à concerter les communautés montréalaises, pas à les diviser. Après les récentes prises de position publiques de Mme Manaï, l’administration doit se poser la question à savoir si elle a toujours la légitimité et l’autorité morale pour occuper cette fonction », a ajouté M. Salem.

Des stations de métro vandalisées

Plus tôt en journée, 16 stations de métro ont d’ailleurs été vandalisées, dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas. Des affiches portant le slogan « Génocide en Palestine, Canada complice » ont été placardées par dizaines sur les édicules du métro durant la nuit.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) confirme avoir reçu plusieurs appels concernant ces affiches dès 5 h mardi matin, soit une demi-heure avant l’ouverture du métro.

Les stations touchées

  • Jean-Talon
  • Villa-Maria
  • Sherbrooke
  • Jarry
  • Mont-Royal
  • Beaubien
  • Édouard-Montpetit
  • Frontenac
  • Pie-IX
  • Viau
  • Fabre
  • Université-de-Montréal
  • Du Parc
  • De Castelnau
  • Acadie
  • Préfontaine

« On considère que c’est un méfait, mais c’est la section des crimes haineux qui prend cette enquête en charge et qui déterminera si c’est de la haine ou non », explique Sabrina Gauthier, porte-parole du SPVM.

Les enseignes sont toutes dotées de codes QR qui mènent vers des sites internet soutenant la Palestine. Certains présentent des manifestations à venir ou des pétitions.

Les panneaux sont tellement collants que les employés de la Société de transport de Montréal (STM) ont eu de la difficulté à les enlever. Ils ont été apposés sur les portes d’entrée et les fenêtres des stations de métro. « Ce qu’on essaye de faire en ce moment, c’est de les caviarder ou de les cacher parce qu’on nous a rapporté qu’elles ne se décollent pas facilement du tout », ajoute Mme Gauthier.

La STM confirme de son côté que des équipes responsables de l’entretien ont été déployées sur le terrain, mardi matin, pour retirer les affiches. « Bien sûr, nous déplorons ce genre de geste de vandalisme », a souligné Amélie Régis, porte-parole de la STM.

En fin de journée, le SPVM s’est voulu rassurant en affirmant que des patrouilleurs sont déployés près des lieux de cultes et des écoles des communautés juives et arabo-musulmanes. « Le SPVM réitère son appel au calme et tient à rassurer la population : nous redoublons de vigilance et nous disposons de tous les effectifs nécessaires, au niveau opérationnel, pour remplir notre mission. Toutes les communautés sont en droit de vivre en sécurité. Les gestes à caractère haineux sont inacceptables, nous les prenons avec grand sérieux et nous ne ménageons aucun effort pour nous y attaquer », a déclaré le directeur adjoint Vincent Richer, dans un communiqué de presse.

« Des gestes inacceptables »

Sur X, Valérie Plante a mentionné que « les stations de métro de la STM sont la porte d’entrée du quotidien des Montréalaises et des Montréalais ». « Nous ne tolérerons pas qu’elles soient vandalisées et que le sentiment de sécurité des usagères et des usagers soit affecté par des gestes inacceptables. »

Le chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville, Aref Salem, a quant à lui exprimé son inquiétude. « Cocktails Molotov, tirs, violence entre étudiants, vandalisme dans une quinzaine de métros… C’est inquiétant et surtout inacceptable de constater que les actes haineux liés au conflit israélo-palestinien se multiplient dans notre métropole. Cela doit cesser », a écrit sur X le chef intérimaire d’Ensemble Montréal.

Le CIJA a indiqué que les actes de vandalisme liés au conflit entre Israël et le Hamas « ne font qu’encourager davantage un climat toxique ». « Nous faisons confiance au SPVM et à la STM pour s’assurer que notre système de transport en commun est exempt de messages haineux », a écrit l’organisme.

L’organisme Voix juives indépendantes s’est pour sa part désolé que CIJA fasse un parallèle entre le slogan sur les affiches dans le métro et l’antisémitisme. « Soyons clairs, il y a des discours qui sont solidaires avec la cause palestinienne qui sont antisémites et il faut les dénoncer. Mais ce ne sont pas tous les discours en solidarité avec le peuple palestinien qui sont antisémites », a nuancé Niall Clapham Ricardo, porte-parole de l’organisme.

Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse