La nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) a réussi sa première impression haut la main. Les résultats sont serrés. Le spectacle est excitant. L’ambiance dans les arénas, survoltée. Pour seulement 25 $ par billet, c’est la meilleure aubaine en ville.

La LPHF s’avère aussi être un laboratoire fascinant pour l’avenir du hockey. C’est que la ligue teste de nouvelles règles pour favoriser le jeu offensif. La première fois, ça surprend. Mais après une demi-douzaine de matchs, elles m’ont convaincu. Tellement que je propose leur adoption dans la Ligue nationale de hockey.

Qu’en pensent les joueurs et l’entraîneur-chef du Canadien ?

L’avantage numérique complet

La règle (testée dans le tournoi préparatoire, mais non retenue en saison) : les pénalités mineures étaient purgées en entier, même si l’adversaire comptait un but

C’était le règlement en vigueur dans la LNH jusqu’en 1956. Pourquoi l’avoir modifié ? Parce que le Canadien était devenu trop fort pour la ligue. Il venait d’enfiler des saisons de 53 et 66 buts en supériorité numérique. C’était alors les deux meilleurs ratios de buts en avantage numérique par match, dans toute l’histoire du circuit. En novembre 1955, Jean Béliveau a même compté trois buts lors d’une seule pénalité ! Tous les clubs ont voté en faveur du changement – sauf, bien sûr, le Tricolore.

Il est raisonnable de penser que son application dans la LNH, le nombre de buts connaîtrait une bonne hausse. D’ailleurs, malgré la fin de la pénalité après un but, le ratio historique du Canadien de 1956 a été battu plus de 200 fois depuis. Imaginez les dégâts avec un avantage numérique complet.

Je ne serai pas celui qui pleurera des matchs de 6-5.

Chez le Canadien, la nouvelle règle de la LPHF ne suscite pas l’enthousiasme. « Je ne suis pas certain », lance l’entraîneur-chef Martin St-Louis. « S’il y a un but en supériorité numérique, la pénalité devrait prendre fin », estime Nick Suzuki. « Sinon, ce serait trop difficile. Des équipes pourraient compter deux ou trois buts. Ça changerait la partie », enchaîne Joshua Roy.

Rafaël Harvey-Pinard, qui joue plus de deux minutes par match en infériorité numérique, montre une plus grande ouverture pour la nouvelle règle. « Ça pourrait être pas pire pour l’équipe en attaque [rires]. D’un autre côté, quand c’est toi qui dois défendre et que tu viens de t’en faire compter un, c’est choquant de rester encore en infériorité numérique. Mais ça fait réfléchir. On va voir comment ça évoluera, et si c’est une belle règle, qui sait ? Ça pourrait suivre [dans la LNH]. »

La sortie de prison

La règle : si l’équipe en infériorité numérique compte, sa pénalité mineure prend fin

Les anglophones surnomment cette règle le Jailbreak. La sortie de prison. Jolie métaphore. Son impact sur une partie peut être énorme. On l’a constaté lors du premier match local, à l’Auditorium de Verdun. Montréal menait 2-0. Boston était dans le trouble, avec une pénalité de deux minutes. Le but de Taylor Girard, en infériorité numérique, a cassé l’élan des Montréalaises. Non seulement l’écart était réduit, mais en plus, les deux équipes étaient de retour à forces égales. Une minute plus tard, Boston égalisait le pointage.

« J’aime ça ! », s’exclame Martin St-Louis, auteur de 29 buts en infériorité numérique dans la LNH. « C’est intéressant, renchérit Michael Matheson. Je ne sais pas si ça changerait vraiment ta façon de jouer en infériorité numérique, mais j’aime le fait que la punition prenne fin. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Mike Matheson est plutôt favorable à la règle de la LPHF en infériorité numérique : « Je ne sais pas si ça changerait vraiment ta façon de jouer en infériorité numérique, mais j’aime le fait que la punition prenne fin. »

Le capitaine Nick Suzuki est aussi un partisan de la nouvelle règle. « Pour être différent, ça l’est. Je crois que c’est un bon changement. C’est un très bon incitatif pour tenter de compter un but en désavantage numérique. »

C’est une belle façon de récompenser l’équipe qui fait un effort défensif. En même temps, la règle actuelle est implantée depuis tellement longtemps… Je ne sais pas.

Rafaël Harvey-Pinard, moins convaincu de la règle de la LPHF

Joshua Roy, lui, préfère le statu quo. « Je n’adopterais pas la règle. C’est bien comme c’est là. Sinon, ça changerait la façon de jouer en supériorité numérique. [La mission], quand tu as un avantage d’un homme, c’est de compter des buts. Pas de te défendre. »

Les tireuses à répétition

La règle : aucune limite sur l’utilisation d’une joueuse pendant les tirs de barrage

Contre les Torontoises, samedi dernier, Marie-Philip Poulin a tenté non pas un, pas deux, pas trois, mais quatre des six tirs de barrage de Montréalaises. Considérant qu’elle venait de jouer la fin de la troisième période et presque toute la prolongation, aurais-je pris la même décision que l’entraîneuse Kori Cheverie ? Probablement pas. Mais pour le suspense et le spectacle, ça méritait une note de A+++.

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

Marie-Philip Poulin s’est exécutée quatre fois en tirs de barrage samedi dernier contre Toronto.

J’adore cette nouvelle règle. Rien n’est imposé aux entraîneurs. Ceux-ci disposent simplement d’une option supplémentaire.

« J’aime ce règlement », s’enthousiasme le joueur du Canadien le plus souvent employé en tirs de barrage, Nick Suzuki. « Si tu as un joueur dans ton équipe que tu crois être capable de compter 50 % des fois, c’est intéressant.

— Aimerais-tu pouvoir tirer plus d’une fois dans un match ?

– Oui. Ce serait différent. Je ne sais pas si la LNH irait jusque-là. »

La règle dans la LNH oblige un club à utiliser tous ses attaquants et défenseurs avant de ramener un tireur pour un deuxième tour. Personne ne s’est jamais rendu là. Dans les tournois internationaux, c’est autre chose. Les cinq premiers tireurs de chaque équipe doivent être différents. Si l’égalité persiste, une équipe peut renvoyer un tireur autant de fois qu’elle le souhaite. C’est ce qui s’est produit au Championnat mondial junior de 2007, lorsque Jonathan Toews a compté trois buts consécutifs en demi-finale, pour vaincre les Américains.

Qu’en pense Martin St-Louis ?

« Peut-être que [le tireur de barrage] deviendrait une position de spécialiste. Je ne sais pas. Il me semble que j’aime mieux avoir différents joueurs. Du côté international, après cinq [tirs], tu peux revenir. Ça, peut-être. »

Pour un entraîneur, la règle de la LPHF présente des enjeux de gestion. En faisant confiance au même tireur à répétition, on peut décevoir les autres compteurs de la formation, cloués au banc au moment décisif de la partie.

Je préfère la règle de la Fédération internationale. Ça permet à plus de joueurs de tenter leur chance, et si après cinq tirs, c’est encore l’égalité, là, tu peux envoyer la même personne.

Joshua Roy

Sauf que si tu as quelqu’un « comme Marie-Philip Poulin qui excelle en tirs de barrage », fait valoir Rafaël Harvey-Pinard, « tu veux qu’elle tire souvent. Ça te donne plus de chances de gagner. C’est une belle règle. Honnêtement, c’est le fun à voir ».

Bien d’accord.

Le spectacle s’en trouve amélioré.

Rectificatif
Dans une première version du texte, il n’était pas indiqué que l’avantage numérique complet a été testé dans les matchs du tournoi préparatoire de la LPHF, mais qu’il n’a pas été retenu pour la saison.