Le Sentier national, ce long ruban plus ou moins continu qui traverse une bonne partie du Québec, est en bonne voie de s’étoffer. En juillet dernier, le gouvernement québécois a annoncé un investissement de 2,7 millions de dollars pour développer de nouvelles sections et mettre à niveau des sections existantes.

Les gestionnaires de sentiers établis avaient jusqu’au 10 novembre pour soumettre des projets. Ils ne se sont pas privés. « Il y a vraiment une grande mobilisation du milieu », se réjouit Grégory Flayol, directeur des programmes chez Rando Québec, la fédération qui analysera les projets et fera des recommandations au ministère du Sport, du Loisir et du Plein air.

« Ça nous permet de passer à un niveau supérieur, affirme M. Flayol. Il y avait eu des aides financières ces dernières années, dans le cadre des programmes normés du ministère de l’Éducation, mais maintenant, avec une mesure consacrée au Sentier national, on peut avoir des plans de développement plus structurants localement et régionalement. Ça a permis aussi de remobiliser beaucoup d’acteurs. »

En Outaouais, les municipalités de Val-des-Bois, Lac-Simon, Montpellier et Duhamel se sont concertées pour raccorder Val-des-Bois à Duhamel. Si le projet est retenu, c’est un important tronçon de 70 kilomètres qui traversera la réserve faunique Papineau-Labelle.

« Un sentier avait déjà existé pour le ski de fond », note Richard Chartrand, un des créateurs de la Route des Zingues, une portion du Sentier national qui s’élance de Duhamel vers le nord. « La réserve ne s’en est pas occupée, il y a eu des coupes forestières, alors finalement, ça a découragé tout le monde. Le programme de subvention de 2,7 millions, qui vise à rabouter des bouts de sentier qui ne sont pas connectés l’un à l’autre, ça tombe en plein dans le mille ! »

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Le Sentier national est presque complet dans Lanaudière, mais il faudrait faire de la mise à niveau à quelques endroits.

Richard Chartrand a un autre projet en tête : raccorder le terminus nord de la Route des Zingues, au lac Marie-Lefranc, au terminus sud du sentier L’Héritage, à Labelle. C’est un petit tronçon de 15 kilomètres qui permettrait de relier l’Outaouais aux Laurentides et à Lanaudière. « J’ai suggéré un nom un petit peu comique, la traversée Oulala. »

La municipalité de La Minerve, où passerait le nouveau tronçon, s’est toutefois montrée peu intéressée. Cela ne décourage pas M. Chartrand. « On va revenir avec ça l’année prochaine, affirme-t-il. Je suis comme un brochet, je ne lâche pas. »

Rando Québec espère effectivement que le gouvernement poursuivra le programme avec une nouvelle subvention l’année prochaine.

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On voudrait relier la Vallée Bras-du-Nord (qu’on voit ici) au parc régional de Portneuf.

En attendant, des projets sont en branle dans d’autres régions du Québec.

« Il y a un collectif qui s’organise dans la région de Rimouski pour éventuellement proposer un itinéraire de Rimouski jusqu’au canyon des Portes de l’enfer, puis jusqu’à la chute Neigette [Saint-Anaclet], affirme Grégory Fayol. Il y a aussi du travail qui se fait avec le parc régional de Portneuf pour qu’il puisse se connecter à la Vallée Bras-du-Nord. »

Dans Lanaudière, on aimerait compléter de petits tronçons, quelques kilomètres à peine, mais on cherche surtout à remettre à niveau des infrastructures qui commencent à vieillir.

Un corridor écologique souhaité

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La passerelle Réal-Martel salue la contribution d’un des pères du Sentier national.

À Rando Québec, on veut pérenniser les infrastructures et les sentiers existants. « Il y a beaucoup de menaces lorsque le sentier passe par des terres publiques, explique M. Flayol. L’acteur principal, c’est le ministère des Ressources et des Forêts, qui peut disposer comme il le souhaite de ce qui se fait en forêt. »

À l’heure actuelle, le Sentier national ne dispose que d’une protection de 30 mètres de chaque côté. « Cette bande riveraine peut s’écrouler au moindre coup de vent, déplore Grégory Flayol. Donc, on perd le sentier, on perd la qualité du paysage et on perd la biodiversité. »

Rando Québec s’est donc alliée avec la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) pour évaluer les écosystèmes traversés par le sentier et étudier les mécanismes pour le protéger.

Les partenaires préconisent une zone de protection de 300 mètres de chaque côté du sentier. Cela ferait en sorte de protéger 35 espèces fauniques et 71 espèces floristiques à statut précaire.

« C’est plus que ce qu’on trouve dans le parc du Mont-Tremblant, le plus grand parc national du Québec, avec une superficie qui est inférieure », note M. Flayol.

On parlerait d’un véritable corridor écologique. « Avec 300 mètres de part et d’autre, on pense que le manque à gagner pour les autres acteurs de la forêt publique, que ce soit l’industrie forestière ou minière, serait vraiment minime par rapport aux gains écologique, de santé, de patrimoine, de culture et de tourisme qu’on pourrait faire en protégeant ce territoire », soutient M. Flayol.

Rando Québec a une autre carte dans son jeu pour faire valoir le Sentier national : un court métrage d’Annie-Claude Roberge, L’aventure à pied, sur le point de sortir à Montréal, puis dans les régions traversées par le sentier.

Consultez l’évaluation de Rando Québec et de la SNAP

Rectificatif
Dans une première version de ce texte, il était indiqué que les municipalités et organismes étaient admissibles pour soumettre des projets. Il s'agit plutôt des gestionnaires de sentiers établis.

Chiffre de la semaine

94

C’est le nombre d’aires protégées traversées ou côtoyées par le Sentier national.

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Dur labeur

Les castors travaillent fort pour réaliser des travaux de foresterie.

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