La SEPAQ a sérieusement réduit le nombre de chevreuils dans les parcs des Îles-de-Boucherville et du Mont-Saint-Bruno. Il reste maintenant à savoir à quel rythme la végétation reprendra ses droits.

« Ça va prendre quelques années et il va falloir se mettre à quatre pattes au début pour le réaliser parce que ça va être de petits semis qui vont s’établir », affirme Jean-Pierre Tremblay, professeur au département de biologie de l’Université Laval.

Les parcs des Îles-de-Boucherville et du Mont-Saint Bruno avaient un sérieux problème de surpopulation de chevreuils (ou de cerfs de Virginie, pour être plus exact). À l’hiver 2022-2023, on a recensé 436 cerfs au parc des Îles-de-Boucherville et 353 au parc du Mont-Saint-Bruno.

Or, la densité optimale est de 5 cerfs par kilomètre carré. On peut aller jusqu’à 10. Compte tenu de sa superficie, le parc des Îles-de-Boucherville ne devrait abriter que de 40 à 80 cerfs. Pour le parc du Mont-Saint-Bruno, on parle de 45 à 90 cerfs.

Une telle surpopulation a des conséquences sur la biodiversité de ces parcs : les cerfs, en trop grand nombre, broutent toutes les pousses. Dans le parc des Îles-de-Boucherville, on a installé quelques « exclos », qui protègent la végétation contre la gourmandise des cerfs.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Les visiteurs du parc national des Îles-de-Boucherville adorent observer les cerfs de Virginie, mais ils ignorent souvent les dommages liés à une surpopulation.

« Quand tu regardes la diversité de la végétation qu’il y a à l’intérieur de ces exclos, quand tu vois la hauteur des pousses, tu prends la mesure de la perte de biodiversité sur le territoire à l’extérieur des exclos », fait valoir Simon Boivin, porte-parole de la SEPAQ.

Il compare également le parc du Mont-Saint-Bruno au parc d’Oka, qui n’a pas le même problème de surpopulation de cerfs.

« À Oka, on voit au printemps un tapis de trilles blancs, une fleur dont on a presque perdu la trace au Mont-Saint-Bruno. »

Ce dernier parc a pratiquement perdu ce qu’on appelle la strate arbustive basse, soit le premier mètre de végétation à partir du sol. C’était un milieu prisé pour des espèces comme la paruline bleue, qui a presque disparu du Mont-Saint-Bruno.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le trille blanc pourrait effectuer un retour au parc du Mont-Saint-Bruno avec une réduction du cheptel de cerfs de Virginie.

Jean-Pierre Tremblay note que des plantes envahissantes, comme le nerprun à feuille d’Aulne, ont pu proliférer parce qu’elles étaient résistantes au broutage des cerfs.

En décembre dernier, la SEPAQ a fait appel à une firme d’experts qui a respecté la méthode recommandée par le Conseil canadien de protection des animaux et l’American Veterinary Medical et a procédé à l’abattage de 319 cerfs au parc des Îles-de-Boucherville et de 80 cerfs au parc du Mont-Saint-Bruno.

Le programme Chasseurs généreux de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs a transmis 14 000 livres de venaison aux banques alimentaires, ce qui représente plus de 89 000 portions.

Toutefois, avec les naissances de ce printemps, la densité est encore beaucoup trop élevée dans les deux parcs.

Compte tenu de l’ampleur des cheptels, c’était impossible de penser qu’on pouvait faire tout le travail nécessaire en une année. Il est clair qu’il va falloir faire une autre opération pour se rapprocher des densités optimales.

Simon Boivin, porte-parole de la SEPAQ

Le projet Parcs en santé, qui regroupe des organisations, des municipalités et des scientifiques d’universités différentes, documentera les impacts de ces opérations. L’équipe de Jean-Pierre Tremblay vient de placer des groupes de plantes sentinelles, soit des pousses de chêne rouge, au Mont-Saint-Bruno et des pousses d’érable argenté aux Îles-de-Boucherville, afin de suivre mensuellement le degré de broutage et le taux de survie.

L’année dernière, la SEPAQ avait suivi le protocole proposé par M. Tremblay et avait placé de premiers groupes de plantes sentinelles dans les deux parcs.

« Ça nous permet d’avoir une année zéro, avant l’opération de réduction, indique Simon Boivin. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais ça a été brouté assez rapidement. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Lorsqu’il y a surpopulation de cerfs, il y a une augmentation des incidents aux abords des parcs.

Martin Leclerc, professeur associé au département de biologie de l’Université de Sherbrooke, développe quant à lui un programme de recherche sur les mouvements des cerfs dans les divers parcs de la région métropolitaine.

« On ne connaît pas beaucoup les déplacements des cerfs de Virginie dans une matrice périurbaine, indique-t-il. Tout autour des parcs, il y a beaucoup d’agriculture, des routes, des autoroutes, des quartiers résidentiels. On veut savoir comment les cerfs se déplacent à l’intérieur du parc, mais aussi comment ils utilisent les habitats à proximité. »

Les chercheurs installeront des colliers GPS au cou de cerfs des divers parcs de la région. Il sera intéressant de voir si des cerfs de l’extérieur des parcs viendront remplacer ceux qui ont été abattus, notamment au Mont-Saint-Bruno.

« C’est possible que les déplacements soient difficiles, par exemple à cause de l’autoroute 30 et de l’autoroute 20, indique M. Leclerc. Il y a eu une réduction de densité, mais ça ne veut pas dire que ça va se remplir rapidement. La végétation a sûrement été dégradée, ce n’est peut-être pas aussi attirant que ça pour les cerfs. »

Suggestion vidéo

Kayak rouge, terre verte

Une petite vidéo toute simple, mais très esthétique

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Le chiffre de la semaine

125

C’est la profondeur moyenne, en mètres, de la baie d’Hudson, ce qui est bien peu profond