Baptisée Nusantara, la nouvelle capitale indonésienne s’annonce comme une « ville-forêt » moderne, écolo, intelligente. Le fantasme de bien des urbanistes…

On ne passe pas facilement de l’enfer au paradis. Mais avec beaucoup d’argent et une sérieuse volonté politique, tout devient possible. Parlez-en au président indonésien, Joko Widodo, qui s’apprête à inaugurer une nouvelle capitale, Nusantara, construite en pleine jungle, à 2000 kilomètres de la capitale actuelle.

Un projet ambitieux, certes, mais apparemment justifié.

Avec ses 10 millions d’habitants, Jakarta est devenu surpeuplé et surpollué. Sa position géographique rend la ville particulièrement vulnérable aux tremblements de terre. Sans compter qu’elle ne cesse de s’enfoncer, en raison de la montée des eaux et du pompage incontrôlé de ses nappes phréatiques. On estime que d’ici 2025, le tiers de la ville sera submergé.

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Un garçon marche au bord d’un canal pollué dans un quartier pauvre de Jakarta.

À ces enjeux structurels et environnementaux s’ajoutent des enjeux économiques. En déménageant le centre administratif dans l’île de Bornéo, plus centrale géographiquement, le gouvernement souhaite favoriser une meilleure redistribution des richesses, pour l’heure essentiellement concentrées dans l’île de Java, où se trouve Jakarta.

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Le « point zéro » (titik nol en indonésien) de Nusantara, d’où a démarré la construction de la nouvelle capitale, en mars 2022.

Annoncée en 2019, la nouvelle capitale doit être inaugurée le 17 août, jour de la fête nationale de l’Indonésie. Il s’agira vraisemblablement du plus important legs de Joko Widodo, qui s’apprête à laisser sa place à son successeur Prabowo Subianto, après 10 années de pouvoir.

La ville, toujours en construction, prévoit accueillir ses 10 000 premiers fonctionnaires dès le mois de septembre, puis 1,9 million de personnes à plus longue échéance.

Un déménagement spectaculaire pour un projet qui l’est tout autant.

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Le président de l’Indonésie, Joko Widodo

Si l’on en juge par les campagnes de marketing qui accompagnent ce projet, Nusantara sera plus qu’une simple capitale. Enthousiasmé par son « bébé », Joko Widodo parle plutôt d’une « d’un nouvel état d’esprit » indonésien, axé sur l’avenir et la planète.

Sur papier, Nusantara a en effet tous les attributs d’un paradis futuriste, capable de faire fantasmer à la fois architectes, urbanistes et écologistes le moindrement allumés.

Construit dans la région du Kalimantan oriental, dans la partie indonésienne de Bornéo, sur un territoire de 2500 kilomètres qui doit laisser une large place à la nature, Nusantara se présente comme une « ville-forêt intelligente », conçue dans une optique écologiste globale.

Avec la promesse d’atteindre la neutralité carbone dès 2045, la nouvelle capitale prévoit dépendre à 100 % des énergies renouvelables, fonctionner à 80 % au moyen des transports en commun (avec trottoirs en hauteur censés faciliter la circulation) et réserver minimalement 65 % de son territoire aux espaces verts.

On parle par ailleurs de déchets recyclés à 60 % et d’un réseau souterrain pour éliminer le reste des ordures. Sans parler des bâtiments administratifs, qui épouseront dans la foulée la tradition et la mythologie indonésienne, dans le respect de la jungle environnante.

« Avec Nusantara, nous allons établir de nouveaux standards par lesquels vivre », a résumé Bambang Susantono, président de la nouvelle autorité de la capitale nationale, faisant écho au discours du président Jojo Widodo.

La naissance progressive de ce projet doit s’échelonner sur cinq phases. La ville doit être officiellement « terminée » en 2045, pour le centième anniversaire de la naissance de l’Indonésie. Mais cet ambitieux projet, dont le coût est estimé à 35 milliards US, est peut-être trop beau pour être vrai.

Derrière son inspirant rideau vert, cette cité tout droit sortie du film Avatar est loin de faire l’unanimité.

273,5 millions

Population de l’Indonésie

17 000

Nombre d’îles que compte l’archipel indonésien