(Nouméa) Le contrôle de plusieurs quartiers en Nouvelle-Calédonie « n’est plus assuré », a reconnu vendredi le représentant de l’État dans l’archipel français du Pacifique sud, même s’il a estimé la situation « plus calme » après quatre nuits d’embrasement contre la réforme électorale et un bilan de cinq morts.

« Des renforts vont arriver […] pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers, dont le contrôle n’est plus assuré », a déclaré devant la presse le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc

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« L’état d’urgence a permis, pour la première fois depuis lundi, de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le grand Nouméa », la capitale de l’archipel, avait-il indiqué plus tôt vendredi dans un communiqué.

Après trois nuit d’émeutes, le mouvement de contestation a été « plus calme » dans la nuit de jeudi à vendredi même si l’incendie d’une école et de deux entreprises est a déploré, a-t-il précisé.  

La grave crise qui secoue l’archipel depuis lundi avec de violentes émeutes a fait une cinquième victime jeudi, avec la mort d’un gendarme tué accidentellement par un collègue lors d’une mission de sécurisation.  

Une personne soupçonnée d’un homicide lors des émeutes s’est rendue aux forces de l’ordre, a indiqué vendredi Louis Le Franc.

L’armée a été déployée autour des ports et de l’aéroport du territoire et l’état d’urgence a été instauré dans cet archipel, colonisé par la France au XIXe siècle.

Près d’un millier d’effectifs de sécurité intérieure, notamment des policiers et des gendarmes, sont arrivés sur le Caillou dans la nuit de jeudi à vendredi, s’ajoutant aux 1700 membres des forces de l’ordre déjà sur place.

Ces renforts devraient permettre de rétablir le contrôle sur trois zones de l’agglomération de Nouméa peuplés majoritairement d’autochtones.

Le Haut-commissaire a décrit ces quartiers comme « des zones où il y a plusieurs centaines d’émeutiers qui n’attendent qu’une seule chose, c’est le contact avec les forces de l’ordre, pour maintenir leurs positions » et « leurs exactions ».

Les mesures d’interdiction de rassemblements, de transport d’armes et de vente d’alcool, ainsi qu’un couvre-feu nocturne ont été maintenues.

Le réseau social TikTok, prisé par les émeutiers, a été interdit sur l’archipel.

La télévision publique en Nouvelle-Calédonie a annoncé vendredi qu’elle renforçait la sécurité de ses journalistes, après un incident lors duquel une vingtaine d’hommes cagoulés s’en sont pris au matériel d’une équipe en reportage et l’ont obligée à partir.

Réunion avec Macron annulée

PHOTO DELPHINE MAYEUR, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’agglomération de Nouméa a de nouveau été la proie des pillages et des incendies.

Les émeutes ont éclaté lundi soir après une mobilisation indépendantiste contre une réforme constitutionnelle du collège électoral, rejetée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Un premier gendarme de 22 ans avait été tué mercredi, touché par une balle à la tête et un deuxième est décédé jeudi après avoir été atteint par d’un « tir accidentel » d’un collègue, selon les autorités.

Au total, cinq personnes sont décédées depuis le début des émeutes lundi sur le Caillou : deux hommes de 20 et 36 ans, une adolescente de 17 ans et les deux gendarmes.

64 gendarmes et policiers ont été blessés depuis le début de la semaine, selon un bilan datant de jeudi et plus de 206 personnes ont été interpellées.

Malgré une décroissance des violences observée dès mercredi, la situation « reste très tendue, avec des pillages, des émeutes, des incendies, des agressions qui sont évidemment insupportables et inqualifiables », avait estimé le premier ministre Gabriel Attal jeudi à Paris.

Le chef du gouvernement a promis « les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards ».

Il doit recevoir vendredi les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un « échange » sur la crise.

Une visioconférence proposée par le président Emmanuel Macron aux élus calédoniens n’a pas pu se tenir jeudi, les « différents acteurs ne souhaitant pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment », selon l’Élysée qui a assuré jeudi soir que ces discussions devraient intervenir vendredi.

Selon Gérald Darmanin, les forces de l’ordre ont procédé à de nombreuses interpellations et « dix leaders mafieux » de la CCAT, la mouvance indépendantiste la plus radicale, ont été assignés à résidence.

Pénuries alimentaires

Devant l’explosion des violences depuis lundi dans l’agglomération de Nouméa, les riverains ont organisé la protection de leurs quartiers et érigé des barricades de fortune.  

Faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires provoquent de très longues files d’attente devant les magasins.

Les émeutiers « vivent avec le sentiment d’être exclus, la colère, l’échec et ils n’attendent qu’une occasion » pour tomber dans la violence, a estimé sur Radio France Internationale (RFI) Daniel Goa, le président du parti indépendantiste Union calédonienne (UC), les jugeant « sans conscience politique ».  

Point de crispation des indépendantistes, le projet de réforme constitutionnelle élaboré par le gouvernement vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».  

Sans faire de lien direct avec les violences, le ministre de l’Intérieur a par ailleurs accusé l’Azerbaïdjan d’ingérence en Nouvelle-Calédonie, Bakou répliquant en dénonçant des accusations « infondées ».  

L’Azerbaïdjan, en froid avec Paris, avait convié à Bakou en juillet 2023 les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie et d’autres territoires français d’Outre-mer.  

Le territoire du Pacifique Sud est stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel, minerai indispensable à la fabrication des véhicules électriques notamment.