Si vous aviez l’assurance de ne pas échouer, que choisiriez-vous de faire ?

À cette question pigée au hasard lors d’une retraite de travail avec ses collègues en 2016, Deanna Stellato-Dudek a spontanément répondu : « Gagner une médaille d’or olympique. »

Personne n’a réagi autour de la table. Après tout, l’esthéticienne médicale de Chicago, qui travaillait depuis plusieurs années dans une clinique de chirurgie spécialisée dans les soins de la peau, avait été l’une des meilleures patineuses artistiques au monde à la fin de son adolescence. Médaillée d’argent en simple aux Championnats du monde juniors de 1999, celle qui devait succéder à Michelle Kwan s’était retirée en 2001, victime d’une blessure chronique à la hanche.

Seize ans plus tard, ce désir de monter sur la plus haute marche d’un podium olympique n’était pas qu’une parole en l’air. Dorénavant mariée et âgée de 33 ans, elle avait néanmoins été surprise d’exprimer ce souhait. Elle en a été habitée pendant deux semaines, jusqu’à ce qu’elle se décide à appeler sa mère pour qu’elle ressorte ses vieux patins rangés dans une boîte au sous-sol. « Juste pour le plaisir », lui a-t-elle menti. Avec leur support en bois massif, les patins étaient très lourds, mais ils lui allaient toujours.

Depuis sa retraite prématurée, l’Italo-Américaine avait gardé une forme impeccable en pratiquant le pilates et en visitant le centre de conditionnement physique tous les jours. Elle n’avait cependant jamais remis des lames sur une glace, même pas sur un étang ou une patinoire de quartier.

Sans le dire à sa mère ni à ses proches, elle a renoué avec les séances de patinage à l’aube avant de rentrer à la clinique pour des quarts de 12 heures. Elle s’est astreinte à ce régime pendant quelques mois avant de se rendre en Floride pour obtenir l’opinion de son ancienne entraîneuse : « Dis-le-moi franchement, cette idée d’un retour a-t-elle du sens ou non ? »

Après quelques figures et tours de patinoire, la coach l’a assurée qu’elle ressemblait à une athlète qui revenait d’une convalescence de quelques mois plutôt qu’à une patineuse qui n’avait pas touché la glace pendant 16 ans. La graine était plantée.

Sentiment d’inachevé

Par un pur hasard (un autre), le directeur de la haute performance de la Fédération américaine se trouvait à l’aréna ce jour-là. Manifestement inspiré par la petite stature de la femme devant lui, le technicien lui a suggéré de tenter sa chance en couple, une discipline totalement différente qu’elle n’avait encore jamais pratiquée.

En compagnie de Nathan Bartholomay, qui se cherchait une nouvelle partenaire après une 12e place aux Jeux de Sotchi en 2014, Stellato-Dudek a donc entrepris une deuxième carrière sur glace.

Quelques mois après sa formation, la paire s’est qualifiée pour les Championnats américains, finissant au pied du podium. L’année suivante, elle a remporté le bronze, ce qui l’a menée à une participation aux Championnats du monde (17e). Après une autre médaille de bronze en 2019, Bartholomay a annoncé la fin de la collaboration avec sa partenaire, souhaitant entre autres soigner une blessure à un genou.

Après un retour aussi enivrant qu’improbable, Stellato-Dudek avait un sentiment d’inachevé. À bientôt 36 ans, la passion l’animait encore. Après des recherches infructueuses, elle était prête à tout pour trouver quelqu’un avec qui la partager. Même à sauter dans le premier avion pour Montréal afin de rencontrer un patineur québécois dont elle n’avait jamais entendu parler.