Tous les points sont sur les i, toutes les barres sont sur les t. Les gouverneurs de la LNH ont donné leur feu vert à la vente des Coyotes de l’Arizona, confirmant ainsi leur déménagement vers Salt Lake City, en Utah.

Cette dernière étape marque la fin d’une saga qui s’est étirée sur presque trois décennies, au cours desquelles les Coyotes ont joué leurs matchs locaux dans trois villes et changé six fois de propriétaires.

La transaction est complexe. En réalité, la Ligue a acquis la franchise, jusque-là propriété du milliardaire Alex Meruelo, et l’a rendue « inactive », selon le communiqué publié jeudi après-midi. La Ligue a ensuite attribué une nouvelle équipe au Smith Entertainment Group (SEG), mené par Ryan et Ashley Smith.

Selon des informations publiées par différents médias au cours des derniers jours, le coût d’achat par la Ligue aurait été de 1 milliard de dollars, et le droit d’entrée de la nouvelle équipe, de 1,2 milliard.

La différence serait redistribuée entre les propriétaires des 31 autres clubs du circuit. Ryan Smith est propriétaire du Jazz de l’Utah, dans la NBA, et copropriétaire du Real Salt Lake, dans la MLS.

SEG acquiert ainsi tout ce qui a trait aux opérations hockey de l’organisation, à commencer par son personnel, ses joueurs et ses choix au repêchage. La nouvelle équipe disputera ses parties locales au Delta Center, domicile du Jazz. Dans une entrevue à ESPN, Ryan Smith a indiqué que la capacité de l’édifice pour les matchs de hockey serait de 12 000 places la saison prochaine, mais que des travaux de réaménagement la feraient ensuite augmenter considérablement. La Ligue exigeait une capacité supérieure à 17 000 sièges, a-t-il précisé.

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Le logo de la LNH a été apposé sur la vitrine du Delta Center, jeudi à Salt Lake City.

Le même communiqué indique que Meruelo se verra réattribuer une franchise s’il réussit à construire un aréna « neuf, ultramoderne et approprié pour une équipe de la LNH » d’ici cinq ans. Il conserve par ailleurs le nom, la marque de commerce et le logo des Coyotes.

« La confiance de la LNH envers l’Arizona n’a jamais faibli, a assuré le commissaire de la LNH, Gary Bettman. Nous remercions Alex Meruelo pour son engagement envers la franchise, et nous lui offrons notre soutien dans ses efforts pour trouver un nouveau domicile dans le désert pour les Coyotes. »

« Nous nous engageons à bâtir une équipe aspirant à la Coupe Stanley et nous sommes emballés d’accueillir les joueurs, les membres du personnel et leur famille en Utah, ont quant à eux déclaré Ashley et Ryan Smith dans la même note. C’est un grand jour pour l’Utah et pour le hockey. »

En soirée, Ryan Smith a écrit sur X que 11 000 personnes avaient déjà fait un dépôt dans le but d’obtenir des abonnements, et ce, quelques heures à peine après que la LNH eut officialisé le déménagement.

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La mascotte Howler sur la patinoire à la fin du dernier match des Coyotes

Dénouement

Après des années de piétinement, au cours desquelles la LNH a tenu par tous les moyens à garder l’équipe en Arizona, le dossier a évolué très vite. Il y a environ un mois, écrivait lundi le média Athletic, le commissaire Gary Bettman et son bras droit Bill Daly sont allés rencontrer Alex Meruelo en personne pour discuter du sort de l’organisation.

Au cours des semaines précédentes, la direction du club avait manifesté son intention de miser, dans le cadre d’un encan en juin prochain, sur un terrain public à Phoenix, afin d’y construire un aréna neuf. Des maquettes ont même été diffusées sur les réseaux sociaux. Le projet avait toutefois rapidement soulevé l’opposition des autorités municipales, à commencer par le maire de Scottsdale, ville voisine, qui a fustigé le plan des Coyotes dans une lettre ouverte.

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Mercredi, les Coyotes ont disputé le dernier match local de leur histoire contre les Oilers d’Edmonton. Cette soirée haute en émotions s’est conclue par une victoire de 5-2 des favoris de la foule.

Selon Athletic, Bettman a demandé à Meruelo s’il pouvait lui garantir qu’il serait en mesure de bâtir un amphithéâtre afin que les Coyotes quittent le Mullett Arena, à Tempe, édifice de 4600 places conçu à l’origine pour le hockey universitaire. Meruelo aurait répondu par la négative.

« Je suis d’accord avec Gary Bettman : il était simplement injuste pour nos joueurs, nos entraîneurs, notre personnel hockey et les autres équipes du circuit de continuer à jouer dans un aréna qui n’est pas adéquat pour du hockey de la LNH », a indiqué Meruelo dans le communiqué publié jeudi par la Ligue.

« Mais ce n’est pas la fin du hockey de la LNH en Arizona », a-t-il assuré, ajoutant qu’il souhaitait toujours construire un aréna « de première classe » ainsi qu’un « quartier du divertissement » dans la région, et ce, « sans l’aide de fonds publics ».

Les Coyotes vivent dans l’instabilité depuis leur arrivée dans la région de Phoenix en 1996, et ça ne s’est pas amélioré sous le règne de Meruelo, qui a acheté la franchise pour quelque 300 millions de dollars en 2019.

L’organisation s’est brouillée avec des fournisseurs et avec la Ville de Glendale, propriétaire de l’aréna où ont été disputés les matchs locaux de 2003 à 2022. L’équipe a même été menacée d’en être expulsée en décembre 2021 si elle n’acquittait pas sur-le-champ une dette de 1,3 million en taxes et impôts, et elle a dû quitter le Gila River Arena après la conclusion de la saison 2021-2022.

Depuis deux saisons, elle évolue au Mullett Arena. Aucun projet de nouvel amphithéâtre n’ayant encore fonctionné à ce jour, l’avenir du club était hautement incertain. On connaît maintenant la suite.

Grande vitesse

Le processus de mise en vente s’est déroulé à la vitesse grand V.

Il faut dire que Ryan Smith avait, depuis longtemps, affiché ses couleurs. On savait, à travers la LNH, que le milliardaire désirait attirer une franchise à Salt Lake City. En janvier dernier, il avait publié un communiqué dans lequel il assurait être prêt à accueillir une franchise dès la saison prochaine.

« Si vous m’aviez dit, au début de l’année, que nous en serions là aujourd’hui, je vous aurais répondu : vous êtes fou ! », a lancé Smith dans une entrevue à ESPN publiée quelques instants après que la nouvelle a été officialisée.

À ses yeux, un tel revirement de situation, se soldant par une transaction du genre, est « sans précédent ». « C’est un processus différent, a-t-il poursuivi. Je ne crois pas que personne l’ait déjà fait. Mais nous sommes à bord, nous y allons sans retenue [all in]. »

Mercredi, les Coyotes ont disputé le dernier match local de leur histoire contre les Oilers d’Edmonton. Cette soirée haute en émotions s’est conclue par une victoire de 5-2 des favoris de la foule.

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L'entraîneur-chef des Coyotes, André Tourigny

Dans une entrevue avec l’animateur Mario Langlois au 98,5 FM, l’entraîneur-chef André Tourigny a rappelé, comme il l’a souvent fait par le passé, le fossé qui sépare la perception « de l’extérieur » de l’Arizona et l’expérience réelle vécue sur place.

« Les gars aiment beaucoup vivre ici, a-t-il souligné. Il y en a qui sont ici depuis longtemps, les enfants sont à l’école. Ce n’était pas le souhait des joueurs de quitter. Mais le nouveau défi est énergisant, excitant, tu vois l’engouement. Ça donne des ailes. C’est un feeling inexplicable. »

« On est tristes et on est excités et on a hâte de voir ce que le futur nous réserve, a-t-il repris. On voulait savourer l’émotion du moment, jouer le dernier match, être là pour les partisans. J’étais plus nerveux pour ce match-là que pour le match de médaille d’or l’an passé [au Championnat du monde]. Je ne voulais tellement pas laisser tomber les partisans. »

Plusieurs anciens joueurs ont exprimé leur tristesse. Shane Doan, visage de la franchise pendant presque 20 ans, a parlé aux médias locaux de la relation unique liant les athlètes et la communauté. « Les fans, les gens qui ont passé toute leur carrière ici, les agents de sécurité, les employés de la billetterie, a-t-il énuméré. C’est tout le monde. C’est un petit groupe ici, tissé très serré. C’est ce qui rend ça si difficile. »

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Shane Doan et Carey Price en 2016

« Le hockey est davantage qu’un sport », a-t-il ajouté.

Aujourd’hui analyste à la télévision, l’ex-dur à cuire Paul Bissonnette a retenu un sanglot en ondes en rendant hommage à l’équipe qui lui a donné sa chance dans la LNH. Il a émis le souhait qu’une équipe revienne dans ce marché, mais s’est désolé des conditions de la vente.

« Je sais que le hockey a sa place dans le désert, a-t-il dit. Je sais qu’il reviendra. Mais pas avec ce propriétaire-là. »