Les Coyotes de l’Arizona sont entourés de prédateurs. Pas ceux de Nashville, qui jouent dans des chandails jaune moutarde. Plutôt des investisseurs d’un peu partout, qui rêvent d’attirer un club de la Ligue nationale de hockey dans leurs villes.

Traqués, chassés, épuisés, les Coyotes auraient pu abandonner. Mais non. Les voici au contraire enragés, prêts à tout pour défendre leur territoire. Pour reprendre la formule employée par l’organisation sur les réseaux sociaux cette semaine, c’est maintenant « l’Arizona contre tout le monde ».

C’était déjà un peu le cas ces dernières années, me direz-vous. C’est vrai. Sauf que depuis quelques jours, l’affrontement a atteint des niveaux inégalés. C’est que les entrepreneurs derrière la candidature de Salt Lake City sont de plus en plus insistants. Le Smith Entertainment Group (SEG) se dit prêt à accueillir une franchise de la LNH dès l’automne prochain.

PHOTO PATRICK T. FALLON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Ryan Smith, propriétaire du Jazz de l’Utah et du Smith Entertainment Group (SEG), qui convoite une franchise de la LNH

« Le SEG envisage un avenir proche où la LNH prospérera dans l’Utah. Nous concentrons 100 % de nos efforts pour que cela se produise dès que possible », a affirmé récemment le président du conseil d’administration du groupe, Ryan Smith. La LNH se montre tout aussi enthousiaste. « Nous sommes impressionnés par l’engagement de Ryan et Ashley Smith envers leur collectivité, ainsi que par leur passion et leur vision de l’Utah, non seulement en tant que marché de hockey, mais aussi comme destination de premier plan pour le sport et le divertissement. L’Utah est un marché prometteur, et nous nous réjouissons de poursuivre nos discussions. »

Je ne me souviens pas avoir entendu des mots aussi doux du commissaire Gary Bettman envers Pierre Karl Péladeau ou le marché de Québec.

Le groupe de Salt Lake City pourrait évidemment obtenir une concession dans le cadre d’une expansion. Il a d’ailleurs déposé une demande officielle auprès de la LNH pour amorcer un processus en ce sens. Mais cette semaine, un des journalistes les mieux branchés dans les officines de la LNH, Frank Seravalli, a indiqué que Salt Lake City pourrait également récupérer les Coyotes à court terme. C’est l’un des trois scénarios à l’étude pour l’avenir des Coyotes. Une décision pourrait être annoncée dès ce week-end, ajoute-t-il, avant de citer le président de l’Association des joueurs, Marty Walsh : « S’il n’y a pas de plan en Arizona, j’encouragerais totalement un déménagement vers une autre destination. »

L’article a réveillé la bête.

« Si ça ne vient pas de nous, ce sont des #fakenews », a réagi l’équipe sur X. « Nous avons la ferme intention de rester en Arizona et d’apporter la Coupe Stanley dans ce grand État. Nous sommes remplis d’amour pour ceux qui nous soutiennent. Nous ne vous abandonnerons pas. »

Puis les Coyotes ont publié une image de la populaire série Succession, avec les mots suivants : « Désolé, on ne vous entend pas. Pouvez-vous parler plus fort ? » Un message passif-agressif puissant, vite devenu viral, qui en dit long sur l’esprit de survie qui doit régner dans les bureaux de l’organisation.

MESSAGE TIRÉ DU COMPTE X DES COYOTES DE L’ARIZONA

L’acteur Jeremy Strong joue le rôle de Kendall Roy dans la série télé Succession.

Pour les non-initiés, dans Succession, un homme, sa fille, ses fils, son gendre, son neveu, son ex, ses alliés et ses ennemis se battent pour le contrôle de l’entreprise qu’il a fondée. Un coup bas n’attend pas l’autre. C’est un feu roulant d’arnaques, de duperies, de mensonges, de tractations et de trahisons. En plus, le personnage choisi par les Coyotes est un punching bag humain, un jeune homme d’affaires ambitieux qui se fait rabaisser, écraser et humilier par son père, mais qui, après chaque coup, se relève les manches et reprend le combat.

Toute ressemblance avec la réalité n’est sûrement pas fortuite…

Cette pression exercée par la LNH et la candidature de Salt Lake City aura eu un effet positif : secouer les puces des Coyotes.

Car depuis des mois, il ne se passait plus grand-chose. L’équipe enchaînait les parties dans un aréna de moins de 5000 places, sans nouveau domicile à l’horizon, même à long terme. Après les développements des derniers jours, tiens, tiens, on a finalement eu droit à l’amorce du début de quelque chose qui pourrait ressembler à un plan. Les Coyotes reluquent désormais un terrain du gouvernement dans la vallée de Phoenix pour y construire un nouvel aréna. Vous aurez compris que nous sommes encore loin de la première pelletée de terre. Considérant toutes les tentatives qui ont échoué dans le passé, une bonne dose de scepticisme reste de mise.

À l’opposé, la candidature de Salt Lake City, elle, est emballante. C’est une des villes les plus dynamiques aux États-Unis. Depuis les JO de 2002, sa population a augmenté de 30 %. « Avec la croissance économique la plus rapide, la population la plus jeune au pays et sa longue histoire comme destination de sports d’hiver de premier plan, l’Utah est très enthousiaste à l’idée d’accueillir une franchise de la LNH », ont fait valoir les politiciens locaux dans une déclaration commune. Le Jazz (NBA) et le Real (MLS) jouent presque toujours devant des salles combles et la ville est bien positionnée pour obtenir les Jeux olympiques de 2034.

J’ai écrit, le printemps dernier, que la LNH devait tirer la plogue en Arizona. Je n’en démords pas, ce serait la meilleure décision d’affaires. Ce serait franchement triste pour les partisans locaux. Je peux les comprendre ; j’étais aux premières loges pour le départ des Expos. Mais là, nous avons atteint le point où l’acharnement à vouloir défendre l’indéfendable a assez duré.