Patrick Mahomes, des Chiefs de Kansas City, et Brock Purdy, des 49ers de San Francisco, seront les quarts-arrières partants du 58match du Super Bowl, dimanche à Las Vegas.

Si chacun d’eux a su faire le nécessaire pour propulser son équipe jusqu’à l’affrontement ultime, ils en sont quand même à des stades bien différents de leur carrière. L’issue de cette rencontre pourrait dicter le destin, la réputation et l’image de ces jeunes athlètes au sommet de leur discipline, pour le meilleur et pour le pire.

Si Patrick Mahomes gagne…

PHOTO JULIO CORTEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Patrick Mahomes

Il passera à la postérité comme l’un des grands quarts-arrières de l’histoire de son sport. La capacité d’avoir traîné son équipe jusqu’en finale de conférence pour la sixième fois en six saisons comme partant est une réussite extraordinaire.

Les Chiefs sont assurément la franchise la plus prolifique de la décennie actuelle. Un troisième titre du Super Bowl en cinq ans ferait de Mahomes un immortel. S’il remporte une autre bague, l’ancien de Texas Tech prendrait le quatrième rang des quart-arrières les plus titrés de l’histoire, à égalité avec Troy Aikman, juste derrière Joe Montana et Terry Bradshaw. Tom Brady est loin devant, presque injoignable, avec sept triomphes.

Mahomes est une étoile dont la splendeur et la brillance n’ont pas d’égal présentement. Il deviendrait, d’une certaine façon, le Tom Brady d’une génération ayant raté l’ancienne gloire des Patriots de la Nouvelle-Angleterre. Le plus remarquable, en cas de victoire des Chiefs, c’est qu’on pourra dire que Mahomes a tenu seul cette attaque à bout de bras. Sur le plan statistique, la saison du quart-arrière de 28 ans a été l’une de ses pires, toutes proportions gardées, depuis son entrée dans la NFL. Or, il s’est quand même rendu au bout de la route, encore une fois, et sans réelles munitions.

Contrairement à certains de ses homologues, Mahomes a éclipsé toute concurrence sans porteur de ballon ni receveur de 1000 verges. L’ancien 10e choix du repêchage de 2017 fait des miracles avec une bonne attaque, rien de plus. C’est sans doute ce qui pourrait forger sa légende en cas de victoire.

Si Patrick Mahomes perd…

Ce pourrait être la fin d’une ère. La fenêtre des Chiefs, donnant sur une place en finale de conférence chaque hiver, serait sur le point de se refermer. Comme Tom Brady et les Patriots entre 2006 et 2011, l’abonnement annuel des joueurs de Kansas City au Super Bowl pourrait arriver à échéance. Déjà que la banque d’espoirs et de jeunes talents des Chiefs est presque à sec, plusieurs joueurs pourraient partir pour d’autres cieux en cas de défaite.

Le plaqueur Chris Jones, le secondeur Drue Tranquill et le demi de coin L’Jarius Sneed seront parmi les 25 joueurs des Chiefs ayant droit à l’autonomie à la fin de l’hiver. L’ailier rapproché Travis Kelce vieillit et son rendement s’est amenuisé considérablement cette saison. Isiah Pacheco et Rashee Rice sont de bons soldats, mais l’échantillon est encore trop mince pour dire s’ils pourront devenir des joueurs d’impact.

Aussi absurde que cela puisse paraître, il ne reste pas beaucoup de temps à l’organisation pour emmagasiner les conquêtes avec cette équipe sous sa forme actuelle. Et que dira-t-on de Mahomes s’il s’incline une autre fois lors du match le plus important de la saison ? Si on vante sans cesse ses capacités et son leadership, en plus de faire valoir son éventuel héritage, Mahomes s’est déjà montré faillible par le passé.

En cas de revers, il aurait autant de victoires que de défaites lors du match de championnat. En tel cas, il n’aurait pas besoin d’ouvrir son tiroir à bijoux dans sa résidence du Missouri pour y conserver son troisième caillou. Il resterait à deux, comme Jim Plunkett, Ben Roethlisberger et Eli Manning, entre autres. Les trois auront été de très bons quarts-arrières, sans pour autant avoir leur carte d’accès pour entrer au club des légendes.

Si Brock Purdy gagne…

PHOTO GODOFREDO A. VASQUEZ, ASSOCIATED PRESS

Brock Purdy

Son histoire deviendrait la plus merveilleuse du football moderne ; 262e et dernier choix du repêchage de 2022, Purdy pourrait passer de risée de sa cohorte à champion du Super Bowl en deux saisons. Un revirement de situation époustouflant pour le neuvième quart-arrière choisi dans cette cuvée. Sa trajectoire serait si belle que l’histoire de Tom Brady, repêché au 199e rang, deviendrait presque banale.

Ce serait aussi la confirmation que l’entraîneur-chef Kyle Shanahan et le directeur général John Lynch ont misé sur le bon cheval lorsqu’ils ont préféré Purdy à Trey Lance et Sam Darnold il y a quelques mois. En plus, les a priori à l’égard de l’ancien joueur de l’Université de l’Iowa le désavantageaient face aux deux autres candidats.

Purdy a quand même remporté 20 de ses 25 matchs disputés dans la NFL. Et si les 49ers l’emportent, peut-être cela pourrait-il convaincre certaines organisations de changer leur manière de bâtir une équipe gagnante ? La mode actuelle préconise la sélection du meilleur quart-arrière possible. Plus un pivot est intéressant dans les rangs universitaires, plus ses chances d’entendre son nom tôt lors du repêchage sont élevées. Avec raison, car le quart-arrière est le joueur le plus important d’une équipe.

Cependant, les Niners sont la preuve qu’une équipe polyvalente et bien outillée à toutes les positions, avec un quart-arrière au potentiel limité, est parfois plus adéquate et performante qu’une équipe au quart exceptionnel, mais mal entouré, comme on le voit à Chicago, en Arizona ou en Caroline. Mais s’il gagne, l’athlète de 24 ans aura surtout la certitude d’être dans la bonne chaise et d’être équipé pour gagner longtemps, et souvent.

Si Brock Purdy perd…

Il y aura évidemment un tas de personnes dans son entourage pour le réconforter, lui répétant probablement à quel point le fait de se rendre sur cette scène, si jeune, est un exploit monumental et que l’adversaire contre qui il est allé à la guerre en est un de taille. Or, les critiques les plus acerbes pourraient aussi soulever l’idée, dans l’espace public, que Purdy n’est peut-être pas le quart-arrière idéal et espéré.

Les 49ers sont à la recherche d’un sauveur depuis Steve Young. Les partisans de l’équipe sont passionnés, impliqués et surprenamment fidèles et patients. Le dernier sacre de l’organisation remonte à 1994. Les 49ers seront du grand bal pour la troisième fois en 12 ans et Purdy, malgré son histoire rocambolesque, n’aura peut-être pas en lui ce qu’il faut pour triompher. Après tout, il n’est pas issu d’un programme comme l’Alabama ou la Géorgie, où les joueurs apprennent à gagner.

Et on le sait, la NFL est une ligue dans laquelle chaque employé est posé sur un siège éjectable. En même temps, la faute pourrait-elle retomber sur les épaules de l’entraîneur-chef Kyle Shanahan ? Depuis son arrivée en poste en 2017, Shanahan n’a offert aucun championnat à la ville de San Francisco. Pis encore, son équipe s’est inclinée une fois au Super Bowl et deux fois en finale de conférence.

S’il est encore incapable de mener son équipe à la terre promise avec un effectif aussi complet et talentueux, dur de savoir ce qui lui permettra d’y arriver à court ou moyen terme.