Les vieux, 17. Les jeunes, 2.

Ça représente quoi ? La répartition des contrats chez les Penguins de Pittsburgh ? Celle des joueurs du Canadien sur la liste des blessés ? La défaite des Sharks de San Jose dans un match amical contre leurs parents ?

Non. En haut, c’est le nombre de trentenaires parmi les 50 meilleurs marqueurs de la Ligue nationale de hockey. En bas, le nombre de joueurs de 23 ans et moins dans le même classement. Un écart exceptionnel. Du jamais-vu ? Presque. Depuis un demi-siècle, on a vu ça une seule autre fois – en 2001.

J’ai déjà chroniqué sur le déclin de la production des jeunes. C’était au tout début de la reconstruction du Canadien, il y a deux ans. « Les jeunes ont du succès, mais plus autant entre 18 et 22 ans », m’avait fait remarquer le vice-président du club, Jeff Gorton. Il avait ciblé quelques facteurs. La vitesse du jeu. Le confinement. L’amélioration du travail des entraîneurs.

« La couverture en zone défensive, la transition en zone neutre, le déploiement offensif, les mises en jeu, c’est fou à quel point tout est détaillé, expliquait-il. Or, quand tu as 18 ans, tu ne te soucies pas des détails. Tu veux être un joueur offensif qui fait des jeux et qui compte des buts. C’est comme ça que tu veux être bon. Puis tu arrives dans la LNH. Et plus que jamais, on demande aux jeunes de bien comprendre le jeu en zone défensive. Alors qu’avant, quand le jeu était moins détaillé, on laissait peut-être plus jouer les jeunes en zone offensive. »

Ça peut expliquer pourquoi Jack Hughes et Noah Dobson sont les deux seuls jeunes parmi les 50 meilleurs marqueurs de la LNH. (Dobson vient d’avoir 24 ans, mais pour des raisons pratiques de compilation, j’ai tenu compte de l’âge des joueurs au 1er janvier de chaque année.)

À l’opposé, les trentenaires brillent. Nikita Kucherov est au premier rang des marqueurs. Artemi Panarin, au troisième échelon. Zach Hyman se dirige vers une saison de 50 buts. J.T. Miller, Victor Hedman, Ryan O’Reilly et Matt Duchene rebondissent. Sidney Crosby et Anze Kopitar, 36 ans chacun, maintiennent une moyenne d’un point par match.

Qui joue le plus de minutes ? Un trentenaire, Drew Doughty.

Qui sauve le plus de buts ? Un trentenaire, Connor Hellebuyck.

Les apprécie-t-on suffisamment ?

Peut-être pas. À Montréal, lorsqu’on parle des trentenaires, c’est surtout pour se plaindre. Ils ne sont plus bons. Ils nous coûtent trop cher. Ils volent la place de nos jeunes. Il y a du vrai là-dedans. Tout comme il est vrai qu’une immense majorité des hockeyeurs atteignent leur apogée entre 24 et 27 ans, et qu’à 30 ans, leur déclin est bien entamé.

Sauf que si on amorce la descente du sommet de l’Everest, plutôt que du Pain de sucre du Mont-Saint-Hilaire, le parcours sera pas mal plus long. Et on restera dans les hautes sphères plus longtemps.

Des exemples ?

Depuis son 30e anniversaire, Alexander Ovechkin a compté 355 buts. Pendant cette période, aucun adversaire n’a fait mieux. Marc-André Fleury a gagné plus de matchs comme trentenaire que Gerry Cheevers, Bill Ranford et Tim Thomas dans toute leur carrière. Joe Pavelski ? Il a réussi 200 points de plus dans sa trentaine que dans sa vingtaine.

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Marc-André Fleury a gagné plus de matchs dans sa trentaine que Gerry Cheevers, Bill Ranford et Tim Thomas dans toute leur carrière.

Les vétérans ont un avantage sur les jeunes : leur expérience. Pas juste dans le vestiaire. Sur la glace, aussi. Ils ont vu plus de jeux. Ils ont réagi à plus de situations. Ils ont eu droit à plus de répétitions. Cette accumulation de pratique et de savoir peut améliorer leur prise de décision.

En parallèle, les trentenaires sont en meilleure forme aujourd’hui qu’il y a 30, 40 ou 50 ans. Sortez vos vieilles cartes de hockey de Gump Worsley ou d’Henri Richard en fin de carrière. Comparez-les à celles de Marc-André Fleury ou de Sidney Crosby au même âge. Le contraste est frappant.

Les méthodes d’entraînement ont changé. La médecine a évolué. Nos connaissances sur le sommeil, la récupération et la nutrition, aussi. Dans les années 1980, John Garrett, des Nordiques de Québec, a déjà gardé les buts avec un hot-dog dans ses jambières. C’est la seule cachette qu’il a trouvée lorsqu’au moment d’engloutir son hot-dog, le gardien partant est rentré au vestiaire sans préavis. Permettez-moi de douter que Cole Caufield avale un burger quart de livre BBQ à l’érable entre deux périodes…

Les progrès de la science et des techniques d’entraînement permettent aux athlètes d’élite de prolonger leurs succès. Pas juste au hockey, d’ailleurs. Tom Brady a gagné son dernier Super Bowl à 43 ans. Tiger Woods a remporté son dernier tournoi des Maîtres au même âge. LeBron James, 39 ans, vient d’être nommé le meilleur joueur du tournoi intrasaison de la NBA. Lionel Messi, 36 ans, est le lauréat du plus récent Ballon d’or. Pendant leur trentaine, Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Serena Williams ont dominé le tennis.

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Tom Brady a remporté son dernier Super Bowl à l’âge de 43 ans.

Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait, dit le dicton.

Maintenant, la vieillesse peut briller un peu plus fort, un peu longtemps qu’avant. À retenir pour votre prochain pool de hockey – ou lorsque Montréal sera sens dessus dessous parce que le Canadien acquerra un vétéran qui pourrait voler la place hypothétique d’un espoir de 21 ans qui profiterait d’au moins deux saisons complètes dans la Ligue américaine.

Toutes les statistiques sont en date du lundi 8 janvier.