L’échange ci-dessous s’est déroulé mardi, lors de l’annonce de la présentation de deux parties préparatoires des Kings de Los Angeles à Québec, en octobre 2024. Le ministre Eric Girard, qui venait de dévoiler une subvention de 5 à 7 millions pour la tenue de l’évènement, répondait aux journalistes.

Mikaël Lalancette, du Soleil : « Derrière votre tête, j’imagine qu’il y a aussi le retour de la Ligue nationale à Québec. [Voulez-vous] montrer un signal fort à la LNH que le gouvernement est intéressé, qu’il est encore actif ? »

Eric Girard : « Il n’y a pas de signal pour la LNH. Il y a une semaine de hockey pour les gens de Québec. Moi, je vois ça plus comme une célébration du hockey. Peut-être qu’on aura l’occasion de faire des évènements autour de la présence des Kings pour le hockey mineur, ou le hockey universitaire, ou le hockey féminin. »

Un autre journaliste a renchéri. « On n’est plus dans le test ? On n’est plus dans sonder l’intérêt des amateurs de Québec ? »

Eric Girard : « Je ne pense pas. S’il y a une expansion, on va essayer d’avoir un groupe crédible pour obtenir une équipe. Mais s’il y a une expansion, qu’il y ait la semaine des Kings ou non, il n’y a pas de lien direct. »

C’était, mardi, la position officielle du gouvernement. Celle que nous avons décortiquée, analysée, critiquée. Sauf que jeudi, un ministre de la région de Québec, Bernard Drainville, a proposé une lecture différente de la situation.

« Je fais partie d’un gouvernement qui a pris cette décision-là, et la raison pour laquelle on l’a prise, c’est qu’on voulait envoyer un signal à la Ligue nationale », a-t-il dit.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Le ministre Bernard Drainville

Le contraire de ce qu’affirmait Eric Girard, 48 heures plus tôt.

« Imaginez si Montréal avait perdu les Canadiens, a ajouté M. Drainville. C’est ça qui nous est arrivé, à Québec. On a perdu notre club. Et on aimerait ça, franchement, le retrouver un jour. Alors oui, ça passe par des décisions comme celle-là, qui ne font pas l’unanimité, mais qui envoient un signal très clair que pour nous, c’est important, le retour. »

Vous êtes confus ?

Démêlons cela ensemble.

Depuis l’annonce de mardi, plusieurs sources impliquées dans le dossier ont tenu auprès de représentants de La Presse des propos semblables à ceux de Bernard Drainville. La subvention, explique-t-on, s’inscrit dans un contexte plus large. On souhaite convaincre la LNH de redonner une franchise à Québec. Le premier ministre François Legault a d’ailleurs fait une déclaration en ce sens, vendredi.

« Les gens de Québec aimeraient ça avoir une équipe de hockey. Ils aimeraient ça que les Nordiques de Québec reviennent. Je pense que le geste qui est posé, [c’est] de montrer l’amphithéâtre extraordinaire de Québec aux Kings de Los Angeles, aux Bruins de Boston, aux Panthers de la Floride. On espère que [Gary] Bettman viendra nous visiter pendant ces matchs-là. Ce qui est visé, c’est qu’on a un amphithéâtre de classe mondiale, de classe de la LNH, [et] il est temps que la ligue accepte de donner une franchise [à Québec]. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le premier ministre François Legault

Ça commence à ressembler à quelque chose comme un test. Du moins, à une opération de séduction. Notez qu’en parallèle, le commissaire Gary Bettman a répété pour une énième fois, cette semaine, que la LNH « n’est pas dans un mode d’expansion ».

Le gouvernement veut renforcer la réputation de Québec comme ville de hockey, un évènement à la fois. Il y aura d’abord des parties présaison qui impliquent d’autres équipes que le Canadien de Montréal, dont les derniers matchs préparatoires au Centre Vidéotron, en 2018, ont suscité un intérêt mitigé. Le gouvernement souhaite ensuite attirer des compétitions internationales. Eric Girard a évoqué le Championnat mondial junior, le Championnat mondial féminin et le Championnat mondial sénior.

Cette stratégie d’étapisme a déjà fonctionné ailleurs. Au soccer et dans le milieu olympique, notamment. C’est l’approche qu’avait adoptée l’ancien maire de Montréal, Denis Coderre, pour rapatrier un club des ligues majeures à Montréal. La ville avait accueilli des parties hors concours des Blue Jays de Toronto au Stade olympique et s’était dotée d’une politique du baseball, qui avait permis de rénover des terrains amochés. Malgré ces efforts, le baseball majeur avait refusé de transférer une franchise ici.

Ça reste néanmoins une stratégie valable. Plus facile à expliquer qu’une subvention de 5 à 7 millions qui, comme annoncé mardi, semblait être complètement aléatoire. Surtout quand on découvre que les gouvernements locaux d’Halifax et Wichita n’ont rien payé pour accueillir des parties préparatoires de la LNH cet automne, comme l’a révélé mon collègue Julien Arsenault.

Alors, pourquoi avoir patiné, en début de semaine ? Pourquoi avoir affirmé que la subvention n’était pas liée au projet de retrouver un club de la LNH ? Craignait-on de créer des attentes trop élevées chez les amateurs de Québec ? De susciter des réactions négatives ailleurs ? C’est quand même difficile d’imaginer un pire ressac que celui auquel nous avons assisté ces derniers jours. Sinon, trouve-t-on embêtant d’allonger d’autres millions, après avoir financé la construction d’un aréna de 370 millions qui n’a pas encore fait bouger l’aiguille ?

Maintenant que nous comprenons mieux les intentions réelles de la Coalition avenir Québec, nous pourrons avoir le débat sur le véritable enjeu.

Faut-il continuer d’investir des millions pour séduire un commissaire qui a repoussé toutes nos avances ?