Travis Kelce attire encore une fois l’attention de la galerie, mais cette fois, ce n’est pas à cause d’un attrapé spectaculaire.

Le joueur des Chiefs de Kansas City a convaincu la chanteuse la plus populaire de l’heure, Taylor Swift, d’assister à une de ses parties. Dans une loge. Avec la maman de Kelce. Le rendez-vous doux s’est poursuivi dans un restaurant, où le duo a payé tous les clients pour qu’ils s’en aillent, afin d’être seul.

Ne sautons pas trop vite aux conclusions.

C’est peut-être juste de l’amitié.

Qui, après tout, n’a jamais ramassé des dizaines de factures simplement pour avoir du temps de qualité avec un copain ? On a tous déjà fait ça pour un pote, n’est-ce pas ?

Pas vous ?

Bon, d’accord. C’est peut-être un flirt. Une idylle. Un amour naissant. Et je vous connais assez bien, amis amateurs de football, pour savoir que ça vous préoccupe. Surtout si vous avez Travis Kelce dans votre pool de football. S’il tombe amoureux fou de Taylor Swift, votre équipe en souffrira-t-elle ?

PHOTO ED ZURGA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Travis Kelce célèbre son touché, dimanche.

L’idée reçue, c’est que les amours naissantes nuisent aux athlètes. Une perception renforcée par les œuvres de fiction, dans lesquelles les amoureuses sont présentées comme des enjôleuses, des envoûteuses, voire des corruptrices.

Prenez Lance et compte. Dominique Cartier trouble Pierre Lambert. Valérie Nantel pousse Danny Bouchard à se tirer une balle dans la tête. Natasha Mishkin séduit les Soviétiques pour mieux les espionner. Ce n’est pas exclusif à l’œuvre de Réjean Tremblay. Dans Bull Durham, Friday Night Lights, Footballers’ Wives et Ted Lasso, les conquêtes sont au cœur des intrigues. Et souvent, l’amour exerce le même effet sur les athlètes que la kryptonite sur Superman.

Il efface les superpouvoirs.

Bien sûr, la réalité rattrape parfois la fiction. L’ancien entraîneur-chef des Bruins de Boston Mike Milbury a déclaré pendant le confinement que la bulle était une bonne idée, car « il n’y a même plus de femmes pour distraire les joueurs ». Des propos qui lui ont coûté son poste d’analyste à NBC. On a aussi vu des joueurs du Canadien se retrouver dans des amourettes abracadabrantes. Alex Galchenyuk, par exemple. Et si l’amour naissant implique un triangle amoureux entre coéquipiers, ça peut foutre le bordel dans une équipe. Encore pire : un triangle impliquant un joueur et son patron. Alors là, c’est la cata. Comme le chantait Bob Bissonnette à l’ancien défenseur du CH Chris Chelios : « T’en as brassé de la marde dans ta vie. »

En contrepartie, il y a plein d’athlètes qui excellent lorsqu’ils sont en amour. Tom Brady a rencontré la mannequin Gisele Bündchen en 2006. Dans les mois suivants, l’ancien quart-arrière des Patriots de la Nouvelle-Angleterre a été élu joueur de l’année dans la NFL, et il a établi un record personnel, avec 50 passes de touché. Serena Williams, elle, a rencontré son futur mari au printemps de 2015. Dans les semaines qui ont suivi, elle a remporté coup sur coup les tournois de Roland-Garros et de Wimbledon. Et je connais un paquet d’olympiens qui ont remporté une médaille alors qu’ils étaient en amour par-dessus la tête.

Qu’en dit la science ?

En 2015, 20 olympiens ont participé à une étude sur l’impact des relations amoureuses sur les résultats sportifs. Quinze d’entre eux ont affirmé que leurs performances étaient meilleures lorsqu’ils étaient en amour.

« Ma partenaire vit avec moi et m’aide à mieux soutenir la pression », a confié un répondant. D’autres ont souligné que la présence d’un être cher à leurs côtés était une source de motivation supplémentaire. C’est logique. Plusieurs travaux ont démontré que l’entourage d’un athlète (entraîneur, parents, coéquipiers) exerce une influence sur les performances.

De même, les encouragements d’un entraîneur peuvent accroître l’estime de soi, et augmenter le plaisir de pratiquer un sport. Imaginez maintenant le pouvoir d’un amour intense.

Sauf que 20 athlètes, ça reste un échantillon trop mince pour tirer des conclusions générales. Les quatre chercheuses ont aussi souligné qu’il était difficile d’établir un lien direct entre une relation amoureuse et les résultats sportifs. Comme l’explique un athlète cité dans leur étude : « Je suis maintenant en couple. Je m’entraîne beaucoup plus. Je pense que mes performances sont meilleures à cause de mon entraînement, mais je n’en suis pas sûr. »

Sur le terrain, qu’observe-t-on ?

L’ex-joueur de tennis Jocelyn Robichaud, qui a été entraîneur national et qui s’occupe aujourd’hui du développement des moins de 15 ans à Tennis Canada, pense qu’une relation amoureuse peut être bénéfique pour un athlète. « Ça te place dans un bon état d’esprit, qui peut t’inspirer positivement. »

Il reconnaît toutefois qu’il peut y avoir des risques. « Le danger, c’est de changer ses intérêts primaires envers le processus d’entraînement et de préparation. Ça peut avoir des effets néfastes sur la performance à moyen et long terme. »

Pour éviter de se rendre là, « il faut que ton amour embarque dans ton projet, et soit prêt à accepter le pour et le contre ». Pas pour rien qu’on voit tant de couples d’athlètes. Entre eux, ils se comprennent mieux. Ils vivent les mêmes enjeux. L’éloignement, par exemple. Pas facile de conserver une relation à distance, plusieurs mois par année.

Lorsqu’un athlète est en amour, ajoute Jocelyn Robichaud, il a tendance, dans ses moments libres, à passer plus de temps avec son partenaire, et moins de temps avec son équipe. « Ça peut être positif », souligne-t-il. La personne peut être plus relaxe. Plus confiante. Ça peut aussi être négatif, si ça nuit à la préparation.

L’intensité du sport et de son amour influence l’orientation de ses priorités.

Jocelyn Robichaud, de Tennis Canada

La médaillée olympique Nathalie Lambert, qui a été cheffe de mission du Canada aux Jeux de Vancouver, croit que chaque cas est différent.

« Ça dépend tellement de l’athlète. Je crois qu’à ce niveau, et surtout dans ce genre de sport glamour [qu’est le football de la NFL], la gestion de la distraction fait partie du coffre à outils standard des athlètes. » Après, dans le cas de Taylor Swift et de Travis Kelce, « on est à un autre niveau de distraction, évidemment », précise-t-elle.

N’empêche que s’il y a un footballeur bien outillé pour gérer cette distraction, c’est Travis Kelce. En 2016, il était la vedette d’une émission de téléréalité, Catching Kelce, dont l’objectif était de lui trouver une nouvelle amoureuse. Le tapage médiatique ne lui avait pas nui. Au contraire. Cette année-là, il avait atteint le plateau des 1000 verges de gains pour la première fois de sa carrière. Et dimanche dernier, même si tous les projecteurs étaient sur lui – et son invitée – , il a capté sept des huit passes dirigées vers lui, et inscrit un touché.

Alors, craignez-vous toujours pour votre pool ?

Ne vous en faites pas.

Comme le chante Taylor Swift dans Shake It Off : « It’s gonna be alright. »

Ça va bien aller.