Peut-être êtes-vous, comme bien des Québécois, un orphelin politique. Moi, je suis un orphelin de la NFL.

Je n’ai aucune équipe préférée. Pourtant, j’adoooooore le football, qu’il soit canadien, américain, universitaire ou professionnel. Je regarde les parties à la télé. Je me déplace même dans les stades.

Pour mes 40 ans, mon amoureuse m’a offert un voyage à Columbus, où nous avons assisté à un match entre Ohio State et Penn State. La plus belle expérience de spectateur de ma vie. Nous sommes aussi allés voir les Bills, à Buffalo, avec les enfants. Ce jour-là, il est tombé 10 mm de pluie en une heure. Au début du quatrième quart, il ne restait que quatre irréductibles en poncho dans la section 337.

Nous.

J’ai déjà appuyé les Bills. Au début des années 1990, période Scott Norwood. Trop cruel pour mon cœur fragile d’adolescent. Je me suis retourné vers les Panthers de la Caroline, pour Tshimanga Biakabutuka, qui, comme moi, venait de Longueuil. Malheureusement, il était souvent blessé. À 27 ans, il était déjà à la retraite.

Après, j’ai butiné. Des Packers aux 49ers, en passant par les Titans, les Vikings et les Saints. Ah oui, les Patriots, aussi. Sans conviction aucune. C’était juste pour enquiquiner mon collègue Miguel, dont l’amour pour les Steelers n’avait d’égal que le vôtre pour Cole Caufield. Ça m’amusait, jusqu’au jour où les Patriots se sont fait pincer pour avoir dessoufflé des ballons. Ma balloune a dégonflé.

PHOTO ANDREW WEBER, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Tom Brady (12) et Ryan Wendell (62), des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, en 2013

Redevenu orphelin de club, je me suis inscrit dans le pool du bureau. Mon raisonnement : peut-être qu’en suivant toutes les équipes, j’allais enfin trouver un match parfait. Le hic ? Je me suis retrouvé en tête dès la première semaine. Je sais, je sais, sur l’échelle de gravité des problèmes, ça se retrouve au même niveau que les enjeux de congestion automobile à Saint-Tharcisius. Sauf qu’en occupant le premier rang, je ne pouvais pas seulement choisir mes équipes préférées, comme les Chiefs et les Titans. Je devais parfois miser contre elles, pour rester devant le peloton. C’était plate. J’ai quitté le pool – après avoir inscrit mon nom sur le trophée, évidemment.

Aujourd’hui ?

J’aime un peu les Bills. Un peu les Seahawks. Un peu les Cardinals. Mais non, pas les Cardinals. En fait, je suis un peu perdu. Découragé. Tanné de souffrir de partisanerie difficile.

Est-ce que ça se traite ?

J’ai espoir que oui. Dans son essai Sports Fans (2001), le professeur de psychologie Daniel Wann s’est intéressé aux sources de la partisanerie. Il a interrogé 91 étudiants pour comprendre les origines de leur attachement à leur équipe préférée.

Le facteur le plus important ? L’allégeance des parents. Rien d’étonnant. On remarque souvent le même phénomène en politique et en religion également. Dans ma famille élargie, il n’y avait pas vraiment de grand amateur de football. L’aiguille a bougé lors de l’arrivée de la Machine à Montréal, en 1991. Nous étions allés en famille au Stade olympique. C’était mon premier match de football à vie.

La Machine s’était fait écraser 44-0.

Nous n’y sommes plus jamais retournés.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La Machine de Montréal (en foncé) a joué deux ans au Stade olympique.

Par contre, enfant, mon père était un partisan des Yankees de New York. Entre sa naissance et sa rentrée à l’école secondaire, les New-Yorkais ont remporté neuf fois la Série mondiale. J’ai hérité de son amour pour les Yankees. C’était mon équipe préférée dans les années 1980, et si ma passion pour elle s’est estompée avec le temps, ça reste aujourd’hui la formation que je suis le plus assidûment.

Le deuxième critère d’attachement ? Le talent et les caractéristiques des joueurs. Pensez à la popularité soudaine de l’Inter Miami depuis l’embauche de Lionel Messi. Ou à la popularité des Chiefs de Kansas City, au Québec, lorsque Laurent Duvernay-Tardif jouait pour eux.

La géographie joue aussi un rôle dans la partisanerie. C’est évidemment plus simple d’encourager l’équipe locale, qui joue à une demi-heure de la maison, qu’un club qui évolue à l’autre bout du continent, et dont les matchs ne sont pas tous télédiffusés dans votre marché. Or, l’équipe de la NFL la plus proche de Montréal est à cinq heures de route – hors heure de pointe.

PHOTO JEFF DEAN, ASSOCIATED PRESS

Jeune partisan des Colts d’Indianapolis

Et les performances ? Est-ce un facteur déterminant ? Pas tant, non. Du moins, pas pour attirer de nouveaux partisans. En revanche, c’est le critère de décrochage le plus fréquemment cité dans les travaux du professeur Wann. D’ailleurs, au milieu des années 2010, les Alouettes de Montréal en arrachaient. Leurs assistances chutaient. L’organisation a sondé ses partisans afin de comprendre pourquoi ils quittaient le nid. Résultat : 83 % des partisans ayant annulé leur abonnement ont invoqué les contre-performances sur le terrain.

Dans une autre étude sur la partisanerie, les professeurs de marketing Kenneth Hunt, Terry Bristol et Edward Bashaw ont divisé les amateurs en cinq grands groupes : les occasionnels, les locaux, les dévoués, les fanatiques et les dysfonctionnels. Chérie, je tiens à te rassurer, je n’aspire pas au niveau dysfonctionnel. Par contre, j’aimerais bien passer d’occasionnel à dévoué.

Il ne me manque qu’une chose.

Une équipe.

D’où mon appel à l’aide. Quel club de la NFL appuyez-vous ? Pour quelle raison ? Et pourquoi devrais-je prendre, moi aussi, pour votre club ?

Convainquez-moi.

Apprenez-moi à aimer votre équipe préférée.

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