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C’est le nombre de spectateurs qui ont assisté à un match de volleyball féminin, mercredi, au stade de l’Université du Nebraska. L’équivalent de toute la ville de Brossard, bébés naissants et centenaires inclus. Du jamais vu pour une compétition féminine. Un coup d’éclat magistral dont devraient s’inspirer nos cégeps et nos universités.

Bien sûr, on ne remplira pas le Stade olympique le mois prochain pour une partie entre les volleyeuses d’Édouard-Montpetit et celles de Bois-de-Boulogne. Ni même le Centre Bell. On part de trop loin. Mais est-ce à la portée de nos cégeps et universités que chacun organise un évènement majeur, cet automne, autour d’une partie féminine ?

Absolument.

Rêvons grand. 1000 personnes à Saint-Jean pour un match de flag football. 2500 étudiants au CEPSUM pour une partie de hockey. Impossible? L’équipe de volleyball de l’Université Laval a déjà joué devant 3000 personnes, et le PEPS accueille des foules impressionnantes cette semaine au Championnat continental Norceca. Et si le Rouge et Or réussissait maintenant à convaincre 10 000 spectateurs de se déplacer au Stade Telus-UL pour encourager sa formidable équipe de rugby?

Faisons-le pour nos filles. Oui, pour celles qui jouent, mais aussi pour toutes les autres. Car les jeunes Québécoises bougent peu. Trop peu.

Deux adolescentes sur trois n’atteignent pas le critère minimal d’activité physique recommandé. C’est le pire bilan au pays – et de loin. Pire encore, ces chiffres datent d’avant la pandémie. Aujourd’hui ? Je n’ose même pas imaginer. Les campagnes de sensibilisation ne font pas bouger l’aiguille. Et si on essayait quelque chose de différent ? En mettant en évidence les succès de leurs camarades de classe, auxquelles elles peuvent s’identifier plus facilement qu’à des vedettes internationales ?

Ça coûterait trois fois rien. Essentiellement, de la passion et de la persuasion. Les directions des collèges sont mieux organisées qu’en 1995. Elles ont des listes de distribution. Elles ont plusieurs plateformes de diffusion. Elles peuvent aussi joindre facilement les anciens, par courriel ou sur les réseaux sociaux.

Les associations étudiantes peuvent aussi pousser à la roue. Leurs dirigeants sont archidoués pour mobiliser leurs membres. Imaginez si le huitième de l’énergie déployée pour remplir le Ministère, le Dagobert ou le Bar du Chat Noir pour le party de mi-session était consacré à paqueter le gymnase pour UNE partie de basket de leurs compagnes d’études.

Mieux : lancez-vous des défis entre collèges et associations étudiantes. Qui, de Garneau ou de Sainte-Foy, soutiendra le mieux son équipe féminine de soccer ? Qui, entre Chicoutimi et Jonquière, attirera la meilleure foule au volley ? Et au flag football : Maisonneuve ou Ahuntsic ?

C’est d’ailleurs une rivalité qui est à l’origine du match de volleyball de mercredi. Les Badgers de l’Université du Wisconsin venaient de battre le record des Cornhuskers du Nebraska de la plus grande foule à un match de volleyball féminin de la NCAA (16 833 spectateurs). D’où le projet des Cornhuskers de pulvériser la nouvelle marque des Badgers – ce qu’elles ont réussi avec panache.

Revenons ici. Organiser un gros évènement autour d’une partie locale ne présenterait que des avantages.

D’abord, pour les étudiants. Ça renforcerait leur sentiment d’appartenance au collège. Mes meilleurs souvenirs du secondaire ? Les grandes communions que furent le tournoi de handball chez les gars et celui de basket chez les filles, auxquels tous les finissants assistaient sur l’heure du dîner.

Ensuite, pour la direction. C’est un outil de plus dans son coffre pour recruter de futurs étudiants. Une vidéo de spectateurs en délire pendant un match de volley, ça fait son effet au moment de choisir entre deux établissements. Sans compter que 1000, 2000, 5000 spectateurs dans un stade pendant deux heures, ça mange et ça boit. Une table, deux bénévoles, des boissons et des sacs de chips, ça peut faire des miracles dans le budget d’une équipe de flag football.

Mais surtout, surtout, ce serait une belle tape dans le dos pour ces jeunes qui pratiquent leur sport dans la marge depuis 5, 10, 15 ans. Pour un athlète amateur, il n’y a rien de plus grisant que de jouer devant une grosse foule. Prenez 30 secondes pour regarder la vidéo ci-dessous.

C’est la marche des volleyeuses de l’Université du Nebraska, du vestiaire au terrain. Portez attention à la numéro 8, à gauche de l’écran. Elle incarne la fierté. La confiance. La béatitude. La dernière fois que j’ai vu un sourire comme le sien, c’était quand mon amoureuse et moi montions le son pendant le solo de guitare de Where the Streets Have No Name et que nos enfants apparaissaient dans le salon avec leur pyjama du Canadien, en se prenant pour Alex Kovalev ou Saku Koivu.

Je vous propose donc un marché.

Si votre cégep ou votre université réussit à écouler 1500 billets pour un match d’une équipe féminine cette session, invitez-moi. Ça pourrait faire l’objet d’un reportage.

D’ici là, au stade, étudiants !