Et maintenant, Neymar.

Le Brésilien est la dernière vedette du soccer à quitter l’Europe pour l’Arabie saoudite. Ce qui l’a convaincu de déménager à Al-Hilal ? Un salaire de 100 millions d’euros par saison. Plus un accès à un jet privé. Plus un manoir. Plus 500 000 euros pour chaque message vantant l’Arabie saoudite sur ses réseaux sociaux. De la démesure. Neymar rejoint ainsi dans le désert saoudien :

· le meilleur buteur de l’histoire (Cristiano Ronaldo) ;

· le meilleur joueur au monde en 2022 (Karim Benzema) ;

· le meilleur joueur africain en 2022 (Sadio Mané) ;

· une pléiade d’étoiles, comme N’Golo Kanté, Riyad Mahrez, Roberto Firmino, Fabinho, Marcelo Brozović et Rúben Neves.

Ça va bien prendre fin bientôt, ce grand exode, non ?

Euh… non. Du moins, pas avant la fin du pétrole. Maintenant que l’Arabie saoudite a le pied dans la porte, elle ne le retirera pas. Le régime au pouvoir continuera de noyer les grands clubs du pays sous les pétrodollars de son Fonds d’investissement public, jusqu’à ce que le royaume devienne une superpuissance du soccer.

Et il réussira.

C’est une prédiction que j’écris à contrecœur. Pas parce que l’Arabie saoudite est trop riche. Parce que c’est un pays avec un épouvantable bilan en matière de droits de la personne. C’est là que le blogueur Raif Badawi a été condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet pour ses critiques envers l’islam. C’est aussi dans une ambassade d’Arabie saoudite que le journaliste Jamal Khashoggi a été torturé, assassiné puis démembré par les forces spéciales du pays.

Aujourd’hui, l’Arabie saoudite tente de redorer son image. Cette opération passe notamment par des investissements exorbitants dans le sport. Impossible de faire semblant que ça n’existe pas. Presque chaque jour, depuis le début de l’été, les clubs saoudiens proposent des offres délirantes à des joueurs étrangers. Ces équipes voient grand. Très grand. Elles ciblent des joueurs de Manchester City, champion d’Europe. De l’Inter Milan, finaliste. De Barcelone. Du Paris Saint-Germain. De Liverpool. Du Real Salt Lake et du Real Madrid.

Ben non, pas du Real Salt Lake.

Sauf qu’il y a quand même un club qui a recruté un des meilleurs joueurs de la MLS, Lucas Zelarayán, au beau milieu de la saison. En fait, la règle pour le recrutement est simple. Vous êtes bons ? Les Saoudiens vous veulent, peu importe où vous jouez.

PHOTO AMBER SEARLS, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Lucas Zelarayán

Selon le site Transfermarkt, les équipes de l’Arabie saoudite ont dépensé davantage en transferts cet été (604 millions d’euros) que celles d’Espagne (329 millions). Comme leur fenêtre d’achat ne ferme que le 20 septembre, trois semaines après celle de l’Europe, on peut prévoir que les investissements saoudiens dépasseront aussi ceux des Français (633 millions) et des Allemands (618 millions). L’Arabie saoudite souhaite maintenant devenir une superpuissance du soccer.

Ses chances de réussir ?

Elles sont excellentes.

Tous les entraîneurs et athlètes d’élite vous le confirmeront : c’est en affrontant les meilleurs qu’on s’améliore. Les Saoudiens viennent d’acquérir beaucoup, beaucoup, beaucoup de talent pour entourer les joueurs locaux. Pas juste des vétérans sur le déclin, comme on l’a vu jadis en MLS.

Roger Ibañez n’a que 24 ans. Rúben Neves, Franck Kessié, Allan Saint-Maximin et Malcom, 26 ans. À 31 ans, Sadio Mané et Neymar ont encore de belles saisons devant eux. Leur expertise profitera aux jeunes Saoudiens.

C’est un modèle qui a déjà fonctionné dans le passé. Avant les années 1970, les États-Unis étaient des minous sur la scène internationale. La création d’une ligue professionnelle, suivie de l’embauche d’étoiles comme Pelé, Franz Beckenbauer et Johan Cruyff, a changé la dynamique. « À partir de ce moment, les Américains se sont de plus en plus intéressés au soccer », rappelle le chroniqueur Simon Kuper dans son essai Soccernomics. « L’équipe nationale s’est mise à jouer plus souvent, surtout contre des nations européennes, et les résultats se sont améliorés. […] Pendant ces décennies, les États-Unis ont appris du reste du monde et d’entraîneurs étrangers. Le soccer américain a émergé de son isolement. »

Vous me direz que la Chine a aussi tenté cette stratégie, il y a 10 ans, et qu’elle a échoué. J’en conviens. Le passage de Didier Drogba et d’une centaine de Brésiliens n’a pas fait bouger l’aiguille. Sauf que la Chine partait presque de zéro. L’Arabie saoudite, elle, embrasse le soccer depuis longtemps. Le pays a déjà participé six fois à la Coupe du monde, et ses clubs ont atteint 16 fois la finale de la Coupe d’Asie.

Pourquoi entend-on si peu parler des vedettes saoudiennes, alors ?

Parce que tous les membres de l’équipe nationale, sans exception, évoluent en Arabie saoudite. C’est un peu comme les hockeyeurs européens avant les années 1970. Il y en avait des bons. C’est juste qu’on ne les connaissait pas. Les Saoudiens ont d’ailleurs gagné une partie, l’automne dernier, à la Coupe du monde. Pas contre n’importe qui. Contre les Argentins et Lionel Messi, 2-1. Les Saoudiens sont d’ailleurs les seuls à avoir vaincu les futurs champions. On peut raisonnablement croire qu’avec un championnat national plus relevé, les succès s’enchaîneront.

Les Saoudiens veulent conquérir le soccer, comme ils l’ont fait récemment avec le golf. Ils s’intéressent aussi à la F1, au tennis et à la lutte. Heureusement, comme il n’y a que quatre patinoires dans le pays, il y a peu de risques de voir Cole Caufield partir pour Riyad. Fiou. Quoique savez-vous quel évènement sera présenté dans le désert saoudien en 2029 ?

Les Jeux asiatiques… d’hiver.

Les plus gros transferts de l’été vers l’Arabie saoudite

PHOTO ABDULLAH MAHDI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Malcom

  • Neymar (PSG), 90 millions d’euros
  • Malcom (Saint-Pétersbourg) : 60 millions
  • Rúben Neves (Wolverhampton) : 55 millions
  • Fabinho (Liverpool) : 46,7 millions
  • Sergei Mikinković-Savić (Lazio) : 40 millions
  • Riyad Mahrez (Manchester City) : 35 millions
  • Sadio Mané (Bayern Munich) : 30 millions
  • Jota (Celtic) : 29,1 millions
  • Roger Ibañez (AS Rome) : 28,5 millions
  • Allan Saint-Maximin (Newcastle) : 27,2 millions