Ce qu’ils sont mauvais, les Athletics d’Oakland. Un très grand cru de perdants. Le fin du fin de l’insignifiance. Le nec plus ultra de la médiocrité.

La dernière fois qu’il y a eu un club aussi pourri dans les ligues majeures de baseball, c’était à la fin du XIXe siècle. Les Yankees de New York n’existaient pas. Les Red Sox de Boston non plus. C’est vous dire à quel point l’édition actuelle des Athletics est tout aussi unique qu’exécrable. Jamais, de mon vivant, je n’ai vu une équipe générer autant de statistiques incroyables, insolites et inutiles. Attention : votre cerveau pourrait exploser !

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D’abord, les faits. Les Athletics d’Oakland sont installés très confortablement dans le fond du classement. Leur fiche ? 12 victoires et 45 défaites. Brrrrrrrr. Si la tendance se maintient, ils termineront la saison avec seulement 34 gains. C’est ridicule. Les Rays de Tampa Bay, les Orioles de Baltimore et les Rangers du Texas ont déjà surpassé ce total – et il leur reste chacun une centaine de parties à jouer !

Dans les circonstances, qui souhaite assister aux matchs à domicile des Athletics ? À peu près personne. Même lorsque les Expos recevaient les soins palliatifs, à la fin de leur séjour à Montréal, le Stade olympique accueillait plus de spectateurs que l’Oakland Coliseum aujourd’hui.

Quelques foules récentes : 3261 spectateurs, 2949, 2685, 2583, 2064… Oubliez la vague. Il n’y a même pas assez de monde pour faire une vaguelette, comme dans Brice de Nice. Pire encore, le 15 mai, les Athletics ont attiré 2600 spectateurs de moins que leur club-école de cinquième division, les Ports de Stockton.

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Les Athletics d’Oakland, c’est pourtant une grande franchise dans l’histoire des ligues majeures. Trois championnats de suite au début des années 1970. Trois présences consécutives en Série mondiale à la fin des années 1980. Les A’s, c’est aussi Moneyball et la révolution des statistiques avancées avec leur DG de l’époque, Billy Beane, aujourd’hui consultant auprès de l’équipe. Alors, que s’est-il passé ?

PHOTO JEFF CHIU, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des partisans des Athletics manifestent leur mécontentement envers la direction. L’équipe a récemment acheté un terrain à Las Vegas, pour y construire un nouveau stade dans lequel elle souhaite jouer à partir de la saison 2027.

La direction est chiche. Elle n’investit plus suffisamment pour conserver ses meilleurs joueurs, qu’elle échange contre des espoirs qui ne cassent rien. C’est certain que si vous remplacez Sean Murphy, Matt Olson, Marcus Semien et Matt Chapman par des réservistes de 33 ans et des jeunes qui en arrachent, c’est possible que la chaîne déraille.

L’attaque est anémique. Plusieurs frappeurs affichent une moyenne au bâton inférieure à leur poids. Non, ce n’est pas bon signe.

  • Tony Kemp : ,155 / 160 lb
  • Kevin Smith : ,184 / 190 lb
  • Seth Brown : ,186 / 223 lb
  • Aledmys Díaz : ,194 / 195 lb
  • Jace Pederson : ,195 / 215 lb
  • Jesús Aguilar : ,221 / 277 lb

Tsssss. Tsssss. Votre cerveau grésille ? Pourtant, nous ne sommes qu’aux hors-d’œuvre.

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De tous les frappeurs titulaires des Athletics, le cas de Tony Kemp est le plus fascinant. Le joueur de deuxième but a entamé la saison avec une séquence inusitée : 0 en 41 lors des matchs disputés en après-midi. L’équivalent d’un mois et demi sans coup sûr avant 18 h.

Personne n’a même effleuré cette marque de médiocrité depuis 100 ans. Qu’a fait Kemp après avoir finalement frappé son premier coup sûr de jour, la semaine dernière ? La réponse à la fin de la chronique.

PHOTO KELLEY L COX, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Tony Kemp

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Vous trouvez que les frappeurs des Athletics sont pourris ?

Attendez.

Il y a pire.

Les lanceurs de l’équipe.

Ici, on atteint des sommets d’inefficacité. Les lanceurs des A’s sont ceux qui accordent le plus de coups sûrs, le plus de points et le plus de buts sur balles de toutes les ligues majeures. Ce sont aussi ceux qui atteignent le plus de frappeurs. Tout cela, j’insiste, avec des écarts dignes des résultats électoraux des plus grandes dictatures.

Les A’s par rapport aux avant-derniers

  • Points : 391 (Rockies, 311)
  • Circuits : 98 (White Sox, 79)
  • Buts sur balles : 262 (White Sox, 227)
  • Frappeurs atteints : 39 (White Sox, 33)
  • Moyenne de points mérités : 6,68 (Rockies, 5,52)

Les lanceurs des A’s sont partis pour accorder plus de 1100 points cette saison. Un chiffre énooooooorme. Une seule autre équipe, dans l’histoire, a accordé autant de points : les Phillies de Philadelphie, en 1930. Et encore là, c’était dans des circonstances particulières. Les Phillies jouaient dans un stade rectangulaire. La clôture dans le champ droit n’était qu’à 280 pieds – une distance qui sied à des joueurs de 15 ans, pas à des professionnels. D’ailleurs, cette saison-là, l’attaque des Phillies a établi un record de coups sûrs qui tient toujours, près d’un siècle plus tard.

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Vous avez mal à la tête ? Vos méninges surchauffent ? Promis, la fin approche.

On fait beaucoup de cas de l’angoisse du gardien de but au moment du penalty. Mais tout parent d’un jeune baseballeur vous confirmera qu’il y a encore pire : un lanceur qui se retrouve la tête sous l’eau, seul sur son monticule. Un moment atroce. Cruel. Insoutenable.

C’est arrivé quelques fois aux lanceurs des A’s cette saison. Mes trois séquences préférées ?

– Le 10 mai, Kyle Muller a vécu deux minutes particulièrement désagréables.

  • Lancer no 1 : circuit de trois points 
  • Lancer no 2 : balle 
  • Lancer no 3 : frappeur atteint
  • Lancer no 4 : balle automatique, pour avoir retardé la rencontre

– Le 14 mai, Hogan Harris a perdu le marbre. Juste légèrement.

  • But sur balles
  • But sur balles
  • But sur balles
  • Frappeur atteint
  • But sur balles
  • Double
  • But sur balles

Son entraîneur a eu pitié, et l’a remplacé par le releveur Chad Smith, qui a bien sûr atteint le frappeur suivant.

– Enfin, la pire séquence de la saison, survenue le 1er avril. Malgré les apparences, non, ce n’est pas un poisson d’avril. Voici la manche de Shintaro Fujinami :

  • But sur balles
  • Simple
  • Double
  • Simple
  • But sur balles
  • Simple
  • Ballon-sacrifice
  • But sur balles
  • Simple

L’entraîneur en avait assez vu. Il a fait appel au releveur Adam Oller, dont la sortie fut tout aussi divertissante :

  • Mauvais lancer
  • But sur balles
  • Simple
  • Ballon-sacrifice
  • Circuit
  • Roulant pour le troisième retrait (enfin…)

Et une petite dernière. Celle qui fera exploser votre cerveau.

Non, les Athletics ne forment pas la pire équipe de l’histoire.

Ce titre revient aux Spiders de Cleveland, édition 1899. Une formation qui fait passer les A’s d’aujourd’hui pour une superpuissance. Cette saison-là, les Spiders ont perdu 40 de leurs 41 derniers matchs. Ça permet de relativiser les léthargies du Canadien. Leur fiche finale ? 20-134. Leur différentiel ? -723 !!!

Merci, bonsoir, mon cerveau a explosé.

Réponse : après son coup sûr, Tony Kemp a demandé à la blague qu’on lui remette la balle en souvenir, comme s’il venait de frapper un circuit important. Rendu là, en effet, vaut mieux en rire.

Les statistiques ont été compilées avant les parties du 31 mai.