C’était au début de la saison. Le Canadien se faisait broyer soir après soir. Neuf défaites en douze parties. La catastrophe, après une finale de la Coupe Stanley. Tous les partisans cherchaient un bouc émissaire.

Ce fut Dominique Ducharme.

Pourquoi ? Parce que le nouvel entraîneur-chef « étouffait » ses jeunes surdoués au sein d’un système de jeu défensif. Pourtant, Ducharme n’avait pas l’embarras du choix. Carey Price, Shea Weber, Joel Edmundson, Mike Hoffman, Paul Byron et Jonathan Drouin étaient absents. Phillip Danault, Jesperi Kotkaniemi et Corey Perry étaient partis. La formation ne débordait pas de talent. Ducharme savait qu’en ouvrant les vannes, ses joueurs allaient se retrouver la tête sous l’eau.

Je l’ai défendu. Vigoureusement.

Ça m’a valu une pluie de tomates.

Pas juste les petites groseilles qui pincent.

De grosses Beefsteak pas tout à fait mûres, aussi.

Lisez la chronique « Le problème, ce n’est pas Dominique Ducharme »

Dans les semaines suivantes, la situation a empiré. Le Canadien a même disputé un match avec seulement 17 joueurs – dont 8 de son club-école, et 2 réclamés au ballotage. On aurait dit une formation de balle-molle pendant les vacances de la construction.

Ducharme a été congédié. Martin St-Louis l’a remplacé. Deux styles complètement différents. Ducharme était calme, taciturne. St-Louis est volubile, exubérant. Ducharme fermait le jeu. St-Louis l’ouvre. Résultat ?

Après un léger sursaut, le Canadien se fait de nouveau écrabouiller.

Il vient de perdre ses neuf derniers matchs. Tous en temps règlementaire. La dernière fois que ça s’est produit à Montréal, Maurice Richard était dans le junior, Jean Béliveau, dans l’atome, et Guy Lafleur n’était pas né.

Le problème du Canadien, ce n’est pas son entraîneur-chef.

Ni le système de jeu.

C’est le manque de talent, causé par des années de mauvais recrutement.

J’ai déjà fait le procès de l’ancien responsable du repêchage Trevor Timmins. Depuis, il est parti. Je vais le laisser tranquille. Aussi, si le Canadien manque de talent, il n’en est pas dépourvu non plus. Nick Suzuki a du talent. Cole Caufield a du talent. Jonathan Drouin a du talent. Carey Price a du talent. Justin Barron et Kaiden Guhle sont prometteurs. Sauf que, collectivement, le Canadien compte moins de talent – en quantité et en qualité – que les autres clubs de la Ligue nationale.

Toujours pas convaincu ?

Cette saison, le Canadien n’a :

· aucun compteur de 25 buts ;

· aucun défenseur de 30 points ;

· aucun ailier de plus de 40 points (Caufield est à 40).

L’attaque est famélique. Seuls les Coyotes de l’Arizona marquent moins de buts par partie. En défense, c’est la première fois dans sa riche histoire que le Tricolore accorde plus de 300 buts. Sans surprise, c’est le pire résultat de la Ligue nationale cette saison. Même les gardiens – longtemps la force de l’organisation – en arrachent. Ils ont arrêté seulement 88,7 % des tirs dirigés vers eux. Ça les place dans la cave de la ligue, avec ceux des Devils du New Jersey et du Kraken de Seattle.

Il faut dire que, comme Dominique Ducharme avant lui, Martin St-Louis gère un alignement amputé. Quatre vétérans sont partis pendant la période des transactions. Jonathan Drouin s’est fait opérer à un poignet. Joel Armia est retourné en Finlande. Quant à Carey Price, il n’est plus l’ombre du gardien qu’il était en séries l’été dernier. Il vient d’accorder 12 buts en deux matchs. Son ancien instructeur Stéphane Waite a confié dans notre émission balado Sortie de zone être « inquiet ». « Je ne sais pas s’il s’est refait mal au genou ou si, instinctivement, il protège son genou. C’est ça qui m’inquiète le plus. »

Où peut-on en trouver, rapidement ? Avant la saison prochaine, mettons ?

Il n’existe pas quarante-douze solutions. Ou bien le club sacrifie des espoirs pour de l’aide immédiate. Ça n’arrivera probablement pas. Ou bien il se tourne vers le marché des joueurs autonomes. L’enjeu, c’est que les joueurs talentueux sont rarement attirés par les équipes en reconstruction – à moins qu’elles ne paient le gros prix.

Il y a eu quelques cas récemment. Les Kings de Los Angeles, avec Phillip Danault (33 millions). Les Devils du New Jersey, avec Dougie Hamilton (63 millions). Les Sabres de Buffalo, avec Jeff Skinner (72 millions). Les Rangers de New York, avec Artemi Panarin (81,5 millions).

Sauf que le Canadien a moins de marge de manœuvre sous le plafond salarial. Les gros contrats de Carey Price, Brendan Gallagher, Jeff Petry et Mike Hoffman pèsent lourd. Tellement que le Tricolore se retrouve dans une position inusitée : premier dans les dépenses, dernier au classement général.

C’est une situation difficile pour Martin St-Louis. Il est une recrue, un entraîneur-chef nommé par intérim, qui fait de son mieux, avec des cartes nettement moins fortes que celles de ses adversaires. J’espère que ses récents insuccès n’inciteront pas la nouvelle direction à le remplacer dès l’été.

Le problème du Canadien, il n’est pas derrière le banc.

Il est sur le banc.