Vous le réclamiez à grands cris. Et bien, le voici, le voilà !

Le retour d’Audrey-Louise à Star Académie ?

Non. Le projet de reconstruction du Canadien de Montréal.

L’équipe vient d’échanger son meilleur défenseur (Ben Chiarot), son meilleur marqueur la saison dernière (Tyler Toffoli) et deux titulaires (Artturi Lehkonen, Brett Kulak) contre suffisamment d’espoirs et de choix au repêchage pour démarrer un troisième club-école.

Le retour est franchement inespéré. Surtout pour Artturi Lehkonen.

L’année dernière, à la même date, l’attaquant finlandais n’était plus dans la formation partante. On se demandait même si le Canadien allait lui offrir un nouveau contrat pendant la saison morte. Lundi, il a été transféré à l’Avalanche du Colorado. Pas au prix de la pyrite. Au prix de l’or. Contre Justin Barron, un défenseur mobile formé dans la LHJMQ, et choisi au premier tour en 2020. Un coup de grand maître de Kent Hughes ; les directeurs généraux ne cèdent presque jamais leurs jeunes défenseurs, qu’ils surprotègent comme si c’était la montre de leur arrière-grand-père.

« [Barron] est un grand bonhomme qui a un bon coup de patin, a expliqué Hughes. J’ai toujours dit que le patin sera important, mais je crois que c’est encore plus important [en raison de] la manière dont on joue présentement. Ce n’est pas juste un bon espoir. C’est aussi un bon fit pour nous. »

J’aime également les transferts de Ben Chiarot et Brett Kulak. Un peu moins celui de Tyler Toffoli qui, à 29 ans, aurait pu être une pièce centrale de la reconstruction du Canadien.

Ces quatre transactions nous donnent une bonne idée du plan du Canadien pour redevenir compétitif, et de l’échéancier des travaux. Les esquisses sont dessinées. Les fondations – Nick Suzuki, Cole Caufield, Alexander Romanov – sont coulées. Maintenant, il faudra poser les planchers. Les murs. Les plafonds. La brique. Et, bien sûr, la fameuse fenêtre d’opportunité.

C’est pour quand ?

Pas pour l’année prochaine.

Ni la suivante.

Préparez-vous pour de longs travaux.

D’abord, on ne peut pas remplacer quatre vétérans par autant de recrues et espérer une amélioration illico.

« Les jeunes ont du succès, mais plus autant entre 18 et 22 ans », m’expliquait le vice-président du Canadien, Jeff Gorton, en janvier dernier. « La ligue est de plus en plus forte. De plus en plus rapide. La période d’ajustement pour les espoirs est plus longue que jamais auparavant. Leur courbe d’apprentissage est rendue très abrupte. »

La nouvelle administration martèle qu’elle prendra son temps avec ses plus beaux espoirs.

Lisez notre entrevue avec Jeff Gorton

L’autre enjeu du Canadien, c’est que malgré son hyperactivité récente sur le marché des transactions, il reste coincé avec six contrats mammouthesques. Lesquels ?

· Mike Hoffman : 4,5 millions pour deux autres saisons

· Joel Armia : 3,4 millions pour trois autres saisons

· Jeff Petry : 6,25 millions pour trois autres saisons

· Shea Weber : 7,8 millions pour quatre autres saisons

· Carey Price : 10,5 millions pour quatre autres saisons

· Brendan Gallagher : 6,5 millions pour cinq (!) autres saisons

Échanger des joueurs demandés, c’est une chose. Refiler des ententes indésirables, ça en est une autre.

Dans les cas de Ben Chiarot, Artturi Lehkonen et Brett Kulak, comme ils en sont à leur dernière année de contrat, les deux équipes assumeront chacune la moitié de leur salaire. Ça facilite les transactions, a reconnu Kent Hughes. Or, lorsqu’il reste trois, quatre ou cinq ans à un contrat, c’est une opération plus difficile à réussir.

Malheureusement pour le Canadien, ce problème risque de durer un petit bout de temps.

L’hiver prochain, Jeff Petry aura 35 ans. À cet âge, les défenseurs déclinent rapidement. Savez-vous combien d’arrières de 35 ans et plus jouent encore 20 minutes par match dans la LNH ? Seulement cinq.

Sans surprise, la demande pour les joueurs avec le profil de Petry est très, très mince. Surtout avec un contrat énorme comme le sien. Kent Hughes l’a d’ailleurs reconnu lundi. Il s’est demandé à haute voix s’il était préférable de garder Jeff Petry à Montréal, ou de céder des choix à un adversaire pour mieux faire passer le contrat de son défenseur.

Les six contrats ci-dessus comptent pour près de la moitié de la masse salariale de l’équipe. Même si Kent Hughes est « optimiste » de pouvoir échanger le contrat de Weber à l’été, et qu’au pire, il pourra l’enfouir sur la liste des joueurs blessés à long terme, ces contrats représentent une charge trop imposante pour tenter une relance rapide [reset]. Pour devenir un prétendant au championnat, le Canadien devra se défaire d’au moins trois ou quatre de ces boulets, afin de pouvoir recruter massivement de nouveaux vétérans plus productifs.

Sinon, il devra attendre l’échéance de ces contrats. Dans quatre ans, le Canadien sera assurément dans une meilleure position par rapport au plafond salarial. Nick Suzuki, Cole Caufield, Alexander Romanov, Kaiden Guhle et Justin Barron seront dans la mi-vingtaine. Ce seront leurs belles années. D’autres espoirs s’ajouteront au groupe. Le Tricolore sera de nouveau en bonne position afin d’embaucher ou de transiger pour de hauts salariés.

En parallèle, en 2026, plusieurs rivaux de division devraient être sur leur déclin. Le noyau du Lightning de Tampa Bay sera dissous. Celui des Bruins de Boston aussi. Toutes les vedettes des Maple Leafs de Toronto et des Panthers de la Floride auront profité de l’autonomie complète, sauf Morgan Rielly et Aleksander Barkov. La menace viendra plutôt des Sénateurs d’Ottawa, des Red Wings de Detroit et des Sabres de Buffalo, si ces derniers se remettent un jour de leur énième reconstruction.

Le Canadien devrait bien s’en tirer. À condition, bien sûr, de mieux repêcher et développer qu’au cours des 10 dernières années.

Ce qu’il faudra démontrer.