(Pékin) La journaliste chinoise avait une question pour Marie-Philip Poulin.

Dites-nous, en quoi l’accueil des bénévoles et la qualité du stade vous ont-ils aidées à remporter la médaille d’or ?

« Bonne question », a répondu la capitaine de l’équipe féminine de hockey canadienne, un peu étonnée.

Sur chaque site, des journalistes chinois posent la même question, sous diverses formes, aux athlètes, aux entraîneurs, aux journalistes, aux photographes.

Rien d’étonnant, me direz-vous : chaque ville, chaque pays hôte du moindre évènement organise des parties de chasse aux compliments. Pis, nous aimez-vous ?? Voyez comment les médias québécois courent après les pilotes de Formule 1 pour leur faire dire à quel point le Grand Prix de Montréal est unique et fabuleux.

À Pékin, toutefois, la quête médiatique ne sert pas que le chauvinisme organisationnel. Chaque compliment recueilli sert à construire une histoire officielle des Jeux. Une sorte de réplique politique à ce que les médias officiels en langues occidentales appellent ici « le soi-disant “boycottage diplomatique” » – toujours entre guillemets.

Après seulement quatre jours, le China Daily notait que déjà quatre records olympiques avaient été battus à l’anneau de vitesse, « ce qui témoigne de la qualité de la piste de 400 m, qui a impressionné les meilleurs athlètes course après course ».

Indéniablement, d’ailleurs, l’installation est de grande qualité. L’anneau national de patinage de vitesse, seule installation totalement neuve en ville, est un prodige technologique. Le nom de Beijing 2022 est dans le livre de presque tous les records de patinage de vitesse pour au moins quatre ans.

Mais pour résumer ce qu’on peut lire dans les éditions anglaises du China Daily ou du Quotidien du peuple, l’idée est de montrer que les représentants des pays occidentaux, athlètes ou médias, adorent les Jeux, les bénévoles, les installations. Bref, qu’ils sont un succès retentissant, malgré la tentative « peu suivie de ce soi-disant “boycottage diplomatique” mené par Washington ».

Un commentaire louangeur d’une joueuse de curling américaine sur la conversion du « cube d’eau » des Jeux de 2008 en « cube de glace » pour ceux de 2022, c’est bien. Dans un article voulant démontrer la futilité du « soi-disant boycottage », c’est mieux encore.

Derrière la « farce » politique américaine, il est question de l’amitié entre les athlètes américains et chinois. Une femme de Houston, émerveillée par les cérémonies d’ouverture, est citée avec emphase.

Les cotes d’écoute sur NBC sont faméliques ? Un instant.

Le titre d’un article du Quotidien du peuple : ces Jeux seront « les plus vus de l’histoire » !

Comment est-ce possible ? Selon un professeur de l’Université du Maine, Michael Sokolow, en effet, comme les segments olympiques sont mis plus que jamais sur YouTube, TikTok, etc., des centaines de millions de visionnements sont à prévoir, ce qui fera de Beijing 2022 « les Jeux les plus vus de l’histoire ».

Si on me le demande, d’ailleurs, je devrai avouer que oui, j’ai un faible pour le panda Bing Dwen Dwen, avec toutes les implications idéologiques qui en découlent.