Ce qu’il y a de particulier, dans l’équipe de relais masculin courte piste, cette année ?

« Il y a toutes nos différences d’âge… Ben, il y a ma différence d’âge avec les autres », a aussitôt rectifié Charles Hamelin, 37 ans, en regardant les jeunots autour de lui, qui le regardaient en même temps. Ils ont tous éclaté de rire.

Ils venaient de se qualifier pour la finale, ultime épreuve des Jeux, et ultime épreuve pour Hamelin, mercredi prochain au Stade national intérieur de Pékin.

Pascal Dion a 10 ans de moins ; suivent Maxime Laoun, 25 ans, Steven Dubois, 24 ans, et Jordan Pierre-Gilles, 23 ans. Pierre-Gilles a été laissé de côté comme substitut, mais pourrait bien être de la finale.

Il n’aurait pas fallu l’échapper, celle-là. Depuis que l’épreuve est inscrite, à Albertville en 1992, le Canada a fait six podiums en huit Jeux. L’équipe actuelle est classée première au monde, mais a connu des résultats en dents de scie depuis trois ans. Après une autre soirée difficile pour l’équipe canadienne de patinage courte piste, ce n’était pas gagné d’avance pour l’équipe de relais masculin. Rien n’est jamais gagné d’avance au patinage de vitesse courte piste, comme on l’a vu au relais mixte, où le Canada était un des favoris, mais a été disqualifié après un contact. Et comme les Hongrois l’ont vu vendredi, eux qui sont relégués à la finale B, même s’ils comptent dans leurs rangs un des meilleurs au monde en Shaolin Liu.

C’est d’ailleurs passé assez près de mal finir. En dernier tiers de course, un membre de l’équipe de Chine a tenté un dépassement par l’intérieur de Pascal Dion. La lame du Québécois a touché celle du Chinois, qui s’est retrouvé dans le matelas.

« Je n’étais pas vraiment inquiet. C’est un incident de course, ça arrive. Je ne savais pas si les Chinois allaient être avancés. Ça me semble une bonne décision, ça dépend vraiment de la façon dont l’arbitre le voit, mais c’est correct », a opiné Dion.

Cette décision vient donc inviter une cinquième équipe au lieu des quatre habituelles sur une glace déjà pas mal occupée.

« Ça ne sera pas plus chaotique encore ?

— Non, on est habitués, a répondu Hamelin. Des cinq finales olympiques que j’ai faites, quatre fois, on était cinq équipes. Des fois, on est même six. Oui, ça fait plus de trafic, la glace va être plus maganée, mais c’est à nous de nous gérer. »

L’équipe actuelle n’a peut-être pas le plus grand nombre de patineurs classés individuellement, mais elle occupe le premier rang de la Coupe du monde, devant la Corée du Sud, la Hongrie et la Chine.

Hamelin a interrompu notre entretien pour que les gars puissent écouter, sur l’écran dans la zone mixte, la finale féminine du 1000 mètres – dont les Canadiennes étaient exclues. Ça criait très fort quand la Néerlandaise Suzanne Schulting est venue coiffer à la toute fin la Coréenne et gagner par 50 centièmes de secondes. « Ben non… Ben non !!! Impossible !!! », criait Pierre-Gilles, à l’évidence le fournisseur enthousiaste d’énergie renouvelable de l’équipe.

Ces garçons-là tripent très, très fort sur le sport, clairement…

Pour Laoun, atteindre la finale a bien sûr une signification particulière, lui dont la carrière athlétique a été compromise par une triple fracture du tibia, subie sur la glace en 2019. « Juste être ici, c’était mon but ultime. J’ai pensé un temps que je ne reviendrais pas à la compétition, mais pas longtemps. Mais j’ai été si bien entouré par l’équipe, ma famille, je n’ai pas douté longtemps. »

La médaille d’argent de Dubois, l’autre soir, a fait baisser un peu la tension et donné confiance, après la chute inexplicable de Dion, classé numéro 1 au monde, au 1000 m.

« Ça peut être plus glorifiant de gagner une médaille individuelle, mais au relais, tu peux partager avec l’équipe. C’est bien mieux de célébrer en groupe », dit Dion.

Pour le capitaine Hamelin, c’est l’occasion de montrer la profondeur de talent et la force du pays dans la discipline. C’était aussi sa seule vraie chance de médaille, et ça tombe bien, ce sera, littéralement, son dernier tour de piste.

D’ici mercredi, il veille à garder son monde relax et de bonne humeur. Ça semble bien parti.