Il y a une guerre très, très froide entre la Norvège et la Russie au sujet d’athlètes gelés.

Tout ça commence avec la victoire énorme, pour ne pas dire hénaurme avec un h aspiré, du Russe Alexander Bolshunov, arrivé une minute avant tout le monde au skiathlon de 30 km, dimanche. Bolshunov, un des meneurs à la Coupe du monde, avait remporté quatre médailles à PyeongChang, notamment en finissant devant Alex Harvey au 50 km, l’ultime épreuve olympique du fondeur québécois.

Tout a commencé par la question d’un journaliste américain, qui a lui demandé d’expliquer une victoire aussi écrasante, allusion pas subtile au dopage. M. Bolshunov a dénoncé la perfidie du journaliste.

Mais quand un journaliste norvégien a écrit pour dénoncer la présence même d’athlètes russes aux Olympiques, cette fois, les Russes ont pris la mouche. La fédération russe de ski a décrété dans un journal russe un boycottage quinquennal des médias norvégiens, rapporte le site Inside the Games.

Elena Vyalbe, présidente de la fédération, avait d’abord réclamé sans succès des excuses immédiates pour ce texte qui viole « toutes les lois concevables ».

« Nous, quand un athlète norvégien gagne, nous ne rappelons pas ses suspensions passées pour dopage », a dit Mme Vyalbe. Elle a cité le cas d’une des plus grandes vedettes de l’équipe de ski de fond norvégienne, Therese Johaug. Elle vient de remporter deux médailles d’or à Pékin. Elle avait été suspendue des Jeux de 2018 pour dopage à un stéroïde. La suspension était de courte durée, car elle avait convaincu les instances sur la provenance de la substance, trouvée dans un médicament pour guérir une blessure à la lèvre. Ça n’en était pas moins l’utilisation d’une substance interdite, quelle que soit l’excuse. Les athlètes ont toujours une explication, de toute manière.

Bolshunov, lui, n’a jamais subi de contrôle positif.

Mais après le scandale du dopage d’État des Jeux de Sotchi, plusieurs réclamaient un bannissement plus sérieux. À part des sanctions symboliques jugées humiliantes par les Russes, plus quelques exclusions particulières fondées sur des soupçons sérieux, les athlètes russes ont continué à participer aux compétitions internationales.

En principe, il n’y a pas d’équipe « russe », mais un « Comité olympique russe » (ROC) de 212 athlètes, qui concourent sous couleur neutre (un bleu pastel pas vilain du tout), sans drapeau du pays. Le seul critère est de n’avoir jamais été déclaré positif, l’idée étant que si le pays est coupable, les athlètes individuellement ne le sont pas forcément. Cette petite punition laisse plusieurs autres pays sur leur appétit, disons.

Pas de drapeau, pas d’hymne national non plus. On joue quoi, en cas de victoire ? Après PyeongChang, où l’on faisait entendre l’hymne national olympique, le Comité international olympique a trouvé un nouveau compromis franchement comique : le médaillé d’or russe a droit au Concerto pour piano no 1 de Tchaïkovski – vous savez, avec les trompettes, pa-pa-pa-paaaam… Donc à la fois très russe et pas national.

Le bannissement vise également les représentants de l’État, interdits de territoire olympique. Mais là encore, le CIO a rusé, et fait une exception : si l’État hôte fait une invitation personnelle, ça va.

C’est ainsi qu’on a vu Vladimir Poutine à la tribune d’honneur de la cérémonie d’ouverture. La Russie a donc déjà officieusement réintégré la famille olympique. Elle le fera de plein droit à Paris en 2024.

C’est ainsi que gèlent et dégèlent les relations internationales athlétiques.