En fin de compte, le pari fou de Sifan Hassan a tenu. Elle a eu des doutes, des cauchemars, beaucoup de peur. « Mais la peur, c’est ce qui vous rend fort », a-t-elle dit aux journalistes après avoir remporté l’or au 10 000 m.

Elle est la première personne à remporter une médaille au 1500 m (bronze), au 5000 m (or) et au 10 000 m dans les mêmes Jeux.

Ajouter le 1500 m était d’autant plus casse-gueule que cela supposait des qualifications (avec chute !) et des demi-finales qui s’intercalaient dans l’horaire de ses deux meilleures courses.

Au 10 000 m, elle devait lutter contre celle qui a battu son propre record du monde au mois de juin, l’Éthiopienne Letesenbet Gidey. Mais ni elle ni personne n’a pu résister à la poussée de Hassan sur le dernier tour.

J’en entends évoquer l’ombre de son ancien entraîneur, Alberto Salazar, suspendu par la Fédération américaine d’athlétisme pour incitation au dopage. Il jouait avec les médicaments d’ordonnance.

Il reste que les athlètes de Salazar, qui sont ou ont été parmi les meilleurs, eux, n’ont jamais été déclarés positifs.

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À l’épreuve du 10 000 m, l’Éthiopienne Letesenbet Gidey n’a pu résister à la poussée de Sifan Hassan lors du dernier tour.

On ne peut évidemment pas jurer qu’un athlète ne se dope pas ; trop de promesses de pureté ont viré à la tricherie. Mais Hassan est soumise aux contrôles de la fédération néerlandaise, qui n’a pas mauvaise réputation.

Et jusqu’à preuve du contraire, elle n’est pas dopée, et elle a accompli l’un des plus grands exploits de l’athlétisme olympique. On ne reverra pas ça de sitôt.

Le record olympique du Norvégien Jakob Ingebrigtsen au 1500 m (3:28:32), à 20 ans, est à peine moins sensationnel. Ce benjamin d’une fratrie de trois coureurs de haut niveau vient de réussir le huitième chrono de tous les temps au 1500 m, et statistiquement, il n’est pas au sommet de ses capacités.

Faut-il douter de lui aussi ?

Là encore, on ne peut jurer de rien. On peut aussi faire une croix sur presque tous les sports de haut niveau, à ce compte-là.

Pour ma part, en attendant les tests positifs ou des preuves sérieuses, je choisis de ne pas bouder mon plaisir de spectateur. C’est le pari que je fais, au risque d’être déçu, ce qui ne manquera pas d’arriver.