(Tokyo) Dès que l’heure de la Liberté 14 a sonné, j’ai pris mes habitudes chez Ore-no-deban, un restaurant de ramen dans une petite rue près de l’hôtel.

Il n’est pas dans les listes, bien que le quartier d’Ikebukuro soit renommé entre tous pour ses ramens – encore qu’à ce sujet, les controverses ragent presque autant qu’entre Drummondville et Victoriaville sur la qualité de la poutine.

L’endroit a ceci de particulier que le chef offre sa devanture aux fumeurs – qui n’ont pas le droit de fumer dans la rue, comme on a dit plus tôt. Il y a donc, à tout moment de la journée, trois, quatre fumeurs plantés directement devant la porte du tout petit établissement, et qui ne sont pas des clients, sauf pour le cendrier.

Une fois traversé cet écran de fumée, on trouve comme de coutume le chef qui officie derrière le comptoir, entouré de ses bouillons fumants. Son père est son assistant.

Il y a trois tables communes entourées d’une quinzaine de tabourets en bois, où prennent place surtout des hommes seuls pendant la pause du midi. On ne traîne pas, 15 à 20 minutes, la soupe est enfilée, mais ses saveurs continuent de réjouir la bouche longtemps après.

Miso épicé, bouillon salé, tonkotsu, légumes et porc (mettez-moi deux œufs nitamago en extra, s’il vous plaît)… J’ai visité tout le menu, ou presque.

L’autre jour, j’y entre avec Simon Drouin, on regarde les photos de soupe sur le mur, on hésite, on discute, celle-là, non, celle-là…

« Excusez, vous parlez français ? »

On se retourne, pour découvrir un Japonais avec son jeune fils. On lui dit qu’on vient du Québec. Son visage s’illumine aussitôt.

« Ah ! Tabarnak ! Ostie ! »

Les « sacres » sont au parler du Québec ce que la poutine est à sa gastronomie, faut croire : son signe distinctif universellement reconnu.

Tatsuhide Mizoe, Tatsu pour les intimes ou ceux qui ne peuvent prononcer le h, a fait son doctorat à l’Université Laval et parle un français impeccable, en plus de sept autres langues. Il a enseigné le japonais à Québec et a maintenant sa propre société de langues à Tokyo.

« C’est mon restaurant de ramen préféré, je viens tout le temps ici », nous dit-il. Notre choix était validé, ça valait tous les guides.

Ça veut dire quoi, au fait, Ore-no-deban ?

Ça dépend à qui on demande. D’après Tatsu, c’est « à ma manière ». Un autre dit « mon village ».

Sans être linguiste, j’irais pour : « Y a juste moi qui en fais des comme ça. »

Il est tout en haut de ma liste de un.