C’est une réalité connue depuis de nombreuses décennies, mais qui ne change pas : les enfants nés dans les derniers mois de l’année sont sous-représentés dans les équipes élites des sports contingentés. Hockey Québec cherche des solutions, a appris La Presse.

« Le problème qu’on a, c’est le format de division de 24 mois. Ce sont toujours les mêmes joueurs, nés aux mêmes dates, qui ont le désavantage », indique Jean-François Leblond, directeur programmes et formations à Hockey Québec.

Au hockey, les divisions (M9, M11, M13, etc.) couvrent deux années de naissance : du 1er janvier au 31 décembre de l’année suivante. Au sein d’une équipe, les plus vieux joueurs sont ceux de janvier, et les plus jeunes sont nés en décembre.

Les enfants de janvier – plus développés – s’en trouvent favorisés.

Plus c’est élite, plus l’effet de l’âge relatif se voit.

Jean-François Leblond, directeur programmes et formations à Hockey Québec

Professeur de psychologie à l’Université Laval, Simon Grondin a mis cette iniquité en lumière dès 1982, dans son mémoire de maîtrise. Et plus ça change, plus c’est pareil. Lorsque les Remparts de Québec ont gagné la Coupe Memorial, l’an dernier, « les trois quarts étaient nés dans les six premiers mois de l’année », souligne-t-il. Le tiers étaient des bébés de janvier !

PHOTO FOURNIE PAR SIMON GRONDIN

Simon Grondin, professeur de psychologie à l’Université Laval

L’avantage des plus vieux se fait sentir dans les sports d’équipe élite où il y a une compétition dans l’obtention des postes, explique Simon Grondin. Dans les principales ligues de hockey junior au Canada, là où évoluent les joueurs appelés à jouer dans la Ligue nationale, environ les deux tiers sont nés dans la première moitié de l’année. Cela signifie, selon Simon Grondin, qu’environ 15 % des joueurs de ces ligues ne devraient pas y être, et que 15 % des joueurs nés dans la deuxième moitié de l’année auraient dû y être.

Un comité, à Hockey Québec, explore des solutions depuis cette année, dans le cadre des réflexions sur les divisions de classe, confirme Jean-François Leblond. « Ça nous intéresse tellement qu’on ne veut pas prendre de décision hâtive. On a décidé de continuer nos discussions pendant une année supplémentaire avant de vouloir appliquer un changement », indique M. Leblond.

Multiplier les talents

Parmi les solutions proposées par le professeur Grondin, c’est celle de réduire le nombre de mois des divisions qui a le plus interpellé le comité. L’idée serait de former des divisions de 15, 18 ou 21 mois, ce qui permettrait à chaque joueur, à tour de rôle, de faire partie des plus vieux à un moment dans son parcours.

« L’idée est bonne, mais il faut la fignoler pour voir comment l’appliquer réellement, alors qu’annuellement, on insère de nouveaux jeunes dans le hockey », dit Jean-François Leblond, qui souligne que le décalage avec le reste du Canada créerait un autre problème. Il souhaite aussi regarder ce qui se fait ailleurs dans le monde, dans d’autres sports d’équipe.

Dans le monde du soccer, où l’effet l’âge est parfois gigantesque, des clubs organisent de temps en temps des parties de « bio-banding », qui regroupent les joueurs en fonction de leur développement physiologique, et non de leur âge. C’est le cas des académies de la Premier League, au Royaume-Uni.

Dans le recueil La psychologie au quotidien, le professeur Grondin énumère aussi ce genre de solutions : regrouper les joueurs en fonction de leur taille, de leur poids, de leur ratio taille/poids, de leur âge osseux… On pourrait à tout le moins faire en sorte que le numéro sur le chandail des joueurs reflète leur âge, afin de sensibiliser les entraîneurs.

« Si j’ai un souci dans cette affaire-là, c’est d’éviter le plus possible que Mozart ne meure dans l’œuf », conclut Simon Grondin.