La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Laura*, mi-cinquantaine

Laura est une fille « open ». Elle l’a toujours été, aujourd’hui plus que jamais. Retour sur un parcours de vie libre, aussi léger que joyeux.

Ça a l’air trop beau pour être vrai et elle le sait. « Mon histoire est atypique », confie d’emblée la souriante quinquagénaire, rencontrée le mois dernier dans un joli café du nord de la ville. « C’est trop fou. Et c’est rare ! » Mais oui, elle est « open », comme elle dit, et ce, depuis toute jeune, avant même que l’ouverture ne soit une mode ni même un mot. « J’ai ça en moi depuis toujours ! »

Élevée dans une famille hippie, elle a 16 ans quand elle rencontre son premier amoureux, une histoire d’amour d’adolescent qui dure cinq ans, sexuellement révélatrice, de laquelle elle sortira même avec un enfant. « C’est là que j’ai découvert que j’aimais vraiment beaucoup la sexualité. J’aimais tout ! » Sans limites : ni pour elle ni pour lui. À preuve : « S’il zieutait une copine, je lui disais : vas-y ! Va vivre ton désir de connexion ! »

Ce n’est que récemment que Laura découvre que cette ouverture a un nom : la compersion.

C’est un plaisir, un bonheur profond à voir les autres se développer à travers d’autres personnes que moi !

Laura

Quand elle tombe enceinte, elle n’hésite pas longtemps. « J’aime dire oui à la vie », poursuit-elle, avec cette légèreté qui ne la quittera pas de l’entretien. Tellement que quelque temps plus tard, en voyage, elle rencontre un autre homme, qu’elle qualifie ici de tout premier « grand amour ». Le type en question est « créatif », « ça fittait ! » Elle quitte le père de son enfant et ensemble, ils passent trois années mémorables et fusionnelles. « Ça a été marquant, résume-t-elle. Là, j’apprends c’est quoi la connexion : pas que sexuelle, mais relationnelle, les intérêts, les valeurs, tout l’être au complet qui te fait grandir. Au niveau de la créativité, quelqu’un qui m’allume, c’est puissant... »

Leur passion va pour le mieux jusqu’à ce qu’ils emménagent ensemble. « Une erreur. Ça n’a même pas été le bonheur une semaine. » Alors ? « J’ai commencé à voir d’autres hommes », enchaîne-t-elle. Si elle le trompe ? « Tromper n’est pas un mot qui existe dans mon vocabulaire, nous rappelle-t-elle gentiment. Il savait que si j’avais une étincelle, je la saisissais. » Avec les filles comme les gars, faut-il signaler.

Il faut dire qu’à l’époque, Laura est « très sollicitée ». « Je plaisais beaucoup aux filles comme aux hommes. Mais je suis plus attirée par les hommes », précise-t-elle. Tout cela pour dire que leur histoire s’éteint dans la cohabitation, et pour toutes sortes de raisons, ils finissent par se quitter. « Mais on s’aime encore ! Il a vraiment été marquant. [...] Mais là, je suis avec un autre gars depuis vraiment, vraiment longtemps : mon deuxième grand amour ! »

Avant d’y venir, Laura prend ici un petit « break » de relations et vivote. « J’avais une palette d’amants, dit-elle en riant. Un harem ! » Le tout dans la « transparence totale », il va sans dire. Elle vit des tas d’aventures, quelques expériences à trois, « tripantes ». « Dans la découverte et l’exploration : explorons ensemble des avenues ! », résume-t-elle.

Fin vingtaine, en road trip avec un amant, justement, Laura croise un énième homme, dans une auberge de jeunesse. C’est le « coup de foudre ». « Je tombe en amour grave, se souvient-elle. My God, il était beau. Un ancien punk, artiste, libre, un peu freak, bad boy. Moi, ça me plaît. » De son côté, monsieur a aussi tout plein d’amantes, il est de toute évidence aussi « open » qu’elle. Le « fit » est naturel, quoi.

Vous devinez la suite ? Ils ne se sont jamais lâchés depuis. C’était il y a près de 30 ans. Dès les débuts, ils se font un « contrat verbal » : « Tu as des amantes, moi des amants, on ne s’en parle pas trop, par respect pour ces relations, dit-elle. Sauf que moi, by the way, si tu me racontes, ça m’excite ! Tu récolterais ! »

Quand elle le sait avec une autre femme, « c’est le fun pour lui ! Et c’est là que la compersion est dans le tapis ! assure-t-elle. Enjoy la vie ! Je n’ai aucun droit sur la tienne ».

Avec le temps, et selon les aléas de la vie, leur « contrat » évolue. « Quand on a fait des enfants, je n’avais pas envie qu’il fasse le party... sans moi en tout cas ! », illustre-t-elle en riant. Idem quand elle allaitait. Leur secret : « beaucoup, beaucoup, beaucoup de communication ».

Ce n’est pas tout. Les enfants grandissant, ils ont rouvert leur « bulle », reprenant les aventures ici et là, au gré des rencontres et des connexions, ensemble ou chacun de leur côté. Et puis dans les dernières années, leur ouverture a carrément pris un virage accéléré. Ou plutôt « exponentiel ».

On vit notre best life !

Laura

Ils se sont en effet intégrés à différents cercles, participent à divers « ateliers » de type croissance personnelle et relationnelle (sur le consentement ou le tantrisme, des plus chastes aux plus coquins), leurs activités ont ce faisant explosé, dans la fréquence, le nombre, mais aussi la diversité, s’émerveille Laura. Par ces groupes, « mon chum frenche d’autres gars, éclate-t-elle de rire. On a rencontré des gens de la diversité, toute l’humanité dans ses couleurs, et toutes les étiquettes tombent ! »

Fait à noter, dans ces « communautés » particulières, Laura constate qu’elle et son mari sont une anomalie. Des couples de longue date, avec enfants, aussi ouverts qu’eux, non, il n’y en a pas beaucoup.

N’empêche qu’ils sont aujourd’hui amoureux comme jamais. « Et je n’ai jamais eu d’aussi bon sexe ! On sort de nos habitudes, on explore d’autres affaires chez d’autres, puis on essaye ensemble. Et ça, avance-t-elle, ça veut dire que c’est une histoire sans fin ! Ça, ça crée du bonheur. Je me vois même petite vieille avec ce même appétit ! »

Certes, Laura le sait : ils ne sont pas à l’abri de tomber amoureux ailleurs. « Mon chum, lui, il dit qu’on ne va jamais se séparer. [...] Moi, je ne dis pas ça : je suis capable de vivre avec l’idée qu’il va peut-être flasher sur quelqu’un d’autre. [...] Après, est-ce qu’on va se séparer ? Ou intégrer cette personne dans notre couple ? Il y a plein de possibilités ! », dit-elle, d’un regard résolument coquin.

* Prénom fictif, pour préserver son anonymat

Écrivez-nous pour nous raconter votre histoire