La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Gabriel*, fin quarantaine

Gabriel est avec sa femme depuis plus de 20 ans. Ils ont traversé quelques « tempêtes », même un sacré « ouragan », entre autres à cause d’une certaine tension entre sa passion et sa raison. Explications.

Il nous a donné rendez-vous dans un café de l’est de l’île, un petit matin plus tôt cette semaine. Fin quarantaine, look décontracté, Gabriel a l’air d’un type tout ce qu’il y a de plus ordinaire. On est loin de deviner tout le feu qui l’a animé dans les dernières années.

Il faut savoir qu’avant de rencontrer sa femme, mi-vingtaine, Gabriel vit quelques histoires, dont une, plus significative, qui dure plus d’un an. « Ça a été du sérieux, on a habité ensemble », précise-t-il. Au lit ? « On s’aimait, c’était merveilleux. Très complice », dit-il en souriant, énigmatique. Cochonne ? Affirmatif. « Toujours prête à essayer différentes choses. Elle aimait beaucoup pimenter ça. Elle n’avait pas de limite. »

Pourquoi ils se quittent ? Dans les faits, « pour toutes les mauvaises raisons ». Ils sont jeunes, Gabriel décroche un boulot en région, et mademoiselle ne se voit pas vivre une relation à distance.

Toujours est-il que notre homme se retrouve donc célibataire, jeune et fringant, et surtout « sans attache ». Et c’est là qu’il rencontre la mère de ses enfants, et la « femme de sa vie », comme il le dit à ses amis. « Mais ce n’est pas un coup de foudre », prend-il soin de nuancer. Plutôt : « on part de la même place, on vient du même milieu ». Ils ont surtout les mêmes « valeurs ». À preuve, en plus de 20 ans, ils n’ont jamais eu le moindre débat en matière d’éducation des enfants, illustre-t-il.

Sexuellement, cela dit, c’est moins chaud. « Je pars d’un extrême à l’autre, dit Gabriel en souriant, un brin gêné. C’est plus tranquille et plus traditionnel, mais quand même satisfaisant. [...] C’est une personne qui est moins portée vers ça. [...] Mais je n’ai jamais manqué de désir pour elle, insiste-t-il. Ça fait plus de 20 ans et j’ai encore du désir ! Elle est capable de m’allumer et ça, c’est génial. »

Avec les années, et les enfants, la relation évolue toutefois. Ils finissent par tomber dans une dynamique assez classique.

On a une famille, des amis, les enfants ont un paquet d’activités, et nous… on se retrouve avec zéro vie sexuelle…

Gabriel

Cette « traversée du désert », comme il dit, s’étire jusqu’à un certain « électrochoc ». Et pas des moindres.

C’était il y a quelques années. En voyage seul, sans sa conjointe, Gabriel « croise » tout à fait par hasard une femme. Quelque chose d’inexplicable se produit, une certaine chimie les traverse, et ils ne se lâchent pas de la journée. Ni de la soirée. « Et cette personne va devenir ma maîtresse. »

Avant d’aller plus loin, précisons que oui, bien sûr, Gabriel se sent « mal ». « Comme un tas de marde. Pour vrai, opine-t-il de la tête. On se sent toujours mal le lendemain. C’est constant. Mais il y a comme un thrill. On vit comme dans une espèce de monde irréel. » Et puis il ne le cache pas : « à ce moment-là, je n’avais plus de tendresse dans mon couple et ma vie sexuelle était à terre, justifie-t-il. On a eu une connexion, on a embarqué sur l’autoroute à 120, et on n’a jamais regardé en arrière ».

L’aventure dure une bonne année. Ils s’éclatent, explorent, font toutes les positions possibles et imaginables. C’est « génial », jusqu’à ce que sa femme se doute de quelque chose, et là, coup de théâtre : « on a recommencé à faire l’amour ! » Oui : Gabriel et sa femme, vous avez bien compris. « Je pense qu’elle sentait la présence de l’autre, c’est pour ça que je parle d’un électrochoc, explique-t-il. On a recommencé à avoir des relations sexuelles ! [...] C’est comme si ça avait réveillé mon couple ! »

Et puis ? « C’est bien », répond-il sobrement « Je ne veux pas dire que j’avais un comparable, ajoute Gabriel, gêné, mais elle n’a pas le même niveau d’ouverture. Et puis c’est correct, ce n’est pas tout le temps ça qu’on veut... »

Ce qui devait arriver arrive : madame finit par le confronter, elle sait qu’il a une maîtresse, et l’oblige à choisir : il reste ou il part. « Et par amour pour mes enfants, ma famille, à cause de mes valeurs, je reste. » Ce sont les paroles d’un collègue qui le convainquent : en gros (on paraphrase) : « Tout le fun que tu vis ne vaut pas la merde dans laquelle tu vas plonger tes enfants... »

Alors Gabriel coupe les ponts avec sa maîtresse, puis arrive la pandémie. « Ça a été pour les couples une occasion de se solidifier ou de péter. Nous, on a décidé de capitaliser sur notre famille. » Et le choix a porté ses fruits : « Câline, réalise-t-il ici, c’est possible d’être heureux au quotidien ! » À noter que oui, si vous voulez tout savoir, au lit, le fameux regain se maintient. « On est restés actifs, les vaches maigres ne sont pas revenues. »

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Quelque temps plus tard, Gabriel traverse une période « difficile », à la suite de la mort d’un proche. « J’étais à fleur de peau. » Et c’est justement à ce moment que sa maîtresse redonne signe de vie. Vous devinez la suite ? C’est reparti de plus belle entre eux deux. « Aussi fort, je dirais même plus, confirme-t-il de nouveau. Parce qu’on se connaissait ! »

À ce moment-ci de l’entretien, Gabriel émet plusieurs réflexions. « C’est un combat entre l’amour et la passion, dans le fond, dit-il. Il y a des gens qui connectent, et c’est plus fort qu’eux ! »

J’aime ma femme, mais j’ai trouvé quelqu’un qui me fait vibrer. […] Mais les deux ne peuvent pas cohabiter…

Gabriel

De nouveau, l’affaire s’étire sur une année. Et de nouveau, Gabriel y met fin. Il reste volontairement flou sur les détails, mais on comprend que la raison a une fois de plus eu le dessus sur cette passion. « Par amour, par engagement envers mes enfants, mes amis, ma femme, c’est très fort, [...] je suis prêt à ignorer mes émotions. » Et puis « mes enfants passeront toujours en premier, ajoute-t-il, ce n’est pas négociable... »

Oui, sa femme a passé l’éponge une deuxième fois. « On avait mutuellement tellement à perdre », laisse-t-il tomber. Parce que oui, ils s’aiment, faut-il le rappeler. « Aujourd’hui, on a une vie sexuelle active, c’est la preuve qu’on s’aime. Mais je suis conscient que je vis de l’amour et non de la passion au quotidien. » D’ailleurs, ajoute-t-il pour conclure, au bout de 20 ans, est-ce vraiment surprenant ? « Pour être capable de rester plus de 20 ans ensemble, vraisemblablement que tu as fait face à des tempêtes. Ce n’est pas ton premier ouragan. Dans un couple, aimer, c’est accepter que l’autre ne soit pas parfait. Ça fait partie de la game... »

Certes, mais il le sait : une prochaine fois, peut-être sa raison flanchera-t-elle. « L’abnégation a ses limites... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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