La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Olivia*, début quarantaine

Olivia* a des soucis de santé. Prochainement, elle doit se faire opérer. Sachant que la convalescence sera longue, elle a convenu de laisser son conjoint aller « satisfaire ses besoins » ailleurs, comme elle dit. Voici pourquoi.

« Qui suis-je, moi, pour empêcher la personne que j’aime d’avoir du plaisir et mettre à profit sa sexualité, parce que moi, je ne vais pas bien ? », demande tout de go notre souriante interlocutrice, la jeune quarantaine, dans le cadre d’un entretien virtuel, immobilisée à cause desdits problèmes de santé.

Elle nous a écrit plus tôt au cours de l’hiver, à la suite du récit d’un certain François*, à la femme gravement malade, qui témoignait quant à lui d’une grande et douloureuse « solitude sexuelle ».

Lisez le témoignage de François*

« Je dois dire que je ne suis pas du tout en accord avec le fait de renoncer à la sexualité lorsqu’on est aidant naturel, nous a-t-elle écrit. À mon humble avis, lorsqu’on aime vraiment, il est possible d’autoriser son amoureux ou amoureuse à aller voir ailleurs. C’est une grande preuve d’amour, et avoir une vie sexuelle active et être aidant naturel n’est pas incompatible. »

En entrevue, Olivia en remet. « J’ai trouvé ça triste pour cette personne qui vit des choses difficiles en plus. […] C’est venu me chercher. » Si elle est dans la position inverse, elle voit aussi les choses d’un tout autre œil, on l’aura compris. « Mon conjoint a une sexualité tellement importante, je ne peux pas l’empêcher de vivre sa vie ! […] Pour moi, un être humain ne nous appartient pas. »

À noter qu’elle n’a pas non plus toujours été de cet avis. Olivia confie venir en fait d’une famille « très prude », et a aussi passé une bonne partie de sa vie dans un modèle très « traditionnel ».

Quinze années, très précisément : c’est la durée de sa vie de couple avec le père de son enfant, rencontré vers la fin de sa vingtaine, après une poignée d’amoureux et quelques amants. « Avec lui, on avait les mêmes valeurs, dit-elle, et j’ai réalisé tous mes rêves de famille traditionnelle. » Sauf qu’au lit, avec lui, c’est aussi plutôt « beige », ajoute-t-elle. Ceci explique cela ? « Toujours dans le très traditionnel. Rien de bien palpitant. Mais c’était sécurisant. »

Tout cela lui convient un temps. Jusqu’à la pandémie, en fait, quand cette vie se met à lui peser solidement. « Je me suis sentie enfermée », poursuit-elle. Exit la femme, Olivia n’est désormais plus qu’une mère. « Et j’étais au tournant de la quarantaine, je sais que c’est vraiment cliché, mais j’ai fait une grosse dépression. » Sans transition, elle ajoute, d’un grand éclat de rire : « Et c’est là que j’ai découvert quelque chose : la masturbation ! »

C’est une révélation.

La masturbation et les films pornos, ça a changé ma vie ! Ça m’a ouverte à un monde de possibilités ! La sexualité ne doit pas être beige, on peut avoir juste du fun !

Olivia, début quarantaine

Sa relation bat de l’aile, Olivia prend son courage à deux mains : « Je suis partie. » C’était il y a deux ans.

Dans les mois qui suivent, elle rencontre son conjoint actuel. « Oui, c’est quand même récent », convient-elle. Au début, elle veut seulement « s’amuser ». « L’amour nous est tombé dessus sans qu’on le veuille nécessairement ! sourit-elle. Ça a cliqué tellement vite ! »

Il faut dire qu’au lit, monsieur est l’antithèse de son ex : « Lui, il a exploré très jeune, le monde des danseuses, les escortes, les clubs échangistes, tout ce qui se peut, il l’a fait ! » Intimidant, vous dites ? Affirmatif, confirme Olivia. Sauf qu’il est en prime très « à l’écoute » de ses désirs. « Il n’a pas de limite », rayonne-t-elle. Et ils font en outre l’amour plusieurs fois par jour.

Ensemble, ils se sont amusés à acheter une variété de jouets (« je n’avais jamais osé ! »), ils songent à aller dans un club échangiste, et Olivia aimerait éventuellement vivre une expérience avec une femme. « Et il m’encourage à vivre mon trip, seule ou avec lui. »

Toujours est-il que c’est dans le cadre de cette lune de miel, il y a quelques mois, que les premiers symptômes de ses problèmes de santé sont apparus. Rien d’incurable, faut-il le signaler, mais suffisamment grave pour qu’Olivia doive être opérée. Et qui dit opération dit hospitalisation, et longue convalescence à venir. D’où la conversation : « Qu’est-ce qu’on va faire ? […] Quand je vais avoir mon opération, je me vois mal lui dire : fais-toi un nœud et attends-moi ! Il va virer fou ! »

D’où l’idée d’Olivia de laisser son Roméo aller voir ailleurs, moyennant quelques règles toutes simples (tu te protèges, jamais deux fois avec la même personne, etc.). « Pour nous, ajoute-t-elle, il y a deux choses : la sexualité et l’amour. Ce n’est pas parce qu’il va pénétrer une autre fille qu’il ne reviendra pas. Il va m’aimer toujours autant ! »

Pour elle, l’affaire est ici limpide.

C’est juste un besoin physique pour lui qui est primordial ! C’est comme respirer. Il ne peut pas vivre sans. Alors je me dis : pourquoi ne pas envisager ça ?

Olivia, début quarantaine

Elle précise qu’il ferait certainement la même chose pour elle, advenant une situation inverse. « C’est donnant, donnant. […] Et puis on se fait tellement confiance. Il y a tellement d’amour. C’est clair qu’on veut rester ensemble ! On veut vieillir ensemble ! Pour ça, il faut qu’on reste heureux tous les deux. Si ça prend ce genre d’accommodement, pourquoi pas ? »

Interpellant le fameux François cité plus haut, Olivia ajoute : « Les tabous, les interdits, c’est nous qui nous les mettons à nous-mêmes. […] On n’a qu’une seule vie à vivre… », conclut-elle.

*Prénoms fictifs, pour protéger leur anonymat