Dans cette nouvelle série, des comédiens parlent d’un rôle qu’ils n’ont pas décroché et imaginent comment cet engagement aurait changé leur carrière et leur vie

Chaque fois qu’elle essuie une déception professionnelle, Marie Soleil Dion affirme « vite passer à autre chose ». Même lorsqu’il s’agit d’un premier rôle dans Ruptures, Les pays d’en haut et Trop.

En 2015, la comédienne a effectivement auditionné pour camper l’avocate en droit familial Ariane Beaumont dans Ruptures, un personnage que Mélissa Désormeaux-Poulin a défendu pendant cinq saisons sur ICI Télé.

Au moment de l’audition, Marie Soleil Dion alternait entre improvisation, théâtre et radio. En télévision, son curriculum comprenait des rôles dans plusieurs comédies et émissions jeunesse, comme La théorie du K.O. et Subito texto. Mais rien d’important côté drame.

Sa première pensée en recevant la convocation pour Ruptures ? « C’est peut-être ici que mes affaires vont décoller… »

Devenir la tête d’affiche d’une série phare de Radio-Canada, produite par Fabienne Larouche (Aetios), aurait assurément changé beaucoup de choses pour Marie Soleil Dion. Sa carrière serait passée en cinquième vitesse, estime la diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec, cuvée 2007.

« J’aurais été considérée comme une actrice sérieuse beaucoup plus tôt », indique-t-elle, avec son franc-parler habituel.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Mélissa Désormeaux-Poulin dans Ruptures

Aujourd’hui, la principale intéressée estime qu’elle n’était ni assez « expérimentée » ni assez connue pour décrocher un contrat pareil. « Et Mélissa [Désormeaux-Poulin] était meilleure, ajoute-t-elle. Je pense qu’une fille comme elle, qui avait déjà beaucoup d’expérience derrière la cravate, était un très bon choix. »

Solidaire avant tout

Bien qu’elle fasse partie d’un milieu très compétitif où plusieurs personnes briguent un nombre limité de postes, Marie Soleil Dion refuse de laisser des sentiments négatifs l’envahir. La jalousie, la colère et l’amertume ? Très peu pour elle.

« Je n’ai jamais été du genre à croire : “Parce qu’elle a quelque chose, ça m’enlève quelque chose.” Je pense que c’est vraiment important d’être solidaire. Des fois, c’est mon tour, puis d’autres fois, c’est ton tour. »

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Anne-Élisabeth Bossé dans Les pays d’en haut

Marie Soleil Dion raconte avoir appliqué ce principe lorsqu’Anne-Élisabeth Bossé a obtenu le rôle de Caroline Malterre dans Les pays d’en haut, un rôle qu’elle convoitait également.

J’ai été déçue parce que j’étais vraiment passée proche, et j’aime beaucoup les séries d’époque. Mais je n’en ai jamais voulu à Anne-Éli.

Marie Soleil Dion

Marie Soleil Dion n’a jamais jalousé Virginie Fortin pour Trop, quand cette dernière l’a devancée pour le personnage d’Anaïs, la jeune sœur bipolaire d’Isabelle (Evelyne Brochu). « Ce n’était pas : “Ah, ma carrière ! Ah, l’argent !” Le défi me tentait. L’idée de jouer une femme bipolaire m’excitait. »

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Evelyne Brochu et Virginie Fortin dans Trop

Malgré la déception, Marie Soleil Dion a regardé la première saison de Trop, signée par Marie-Andrée Labbé. Qu’en a-t-elle tiré ? « J’ai trouvé Virginie très, très bonne, répond-elle sans hésitation. J’étais comme : “Wow ! Je suis vraiment contente qu’elle puisse démontrer qu’elle n’est pas juste une humoriste, mais qu’elle est aussi une super actrice.” »

« Rabaisser quelqu’un d’autre pour m’élever, je n’y crois pas », insiste-t-elle.

Une audition déterminante

Opinion impopulaire : Marie Soleil Dion adore les auditions. Certes, elle admet qu’elles sont souvent source de stress, mais jamais un stress paralysant. La comédienne aime chaque étape du processus : la découverte du scénario, la création du personnage, la mémorisation des répliques, les échos du réalisateur, les échanges, etc. Qu’elle obtienne le rôle ou non, son plaisir demeure senti.

L’un des plus beaux souvenirs d’audition qu’elle conserve remonte à 2007. On l’avait convoquée pour Casino, cette série de Réjean Tremblay que Radio-Canada a retirée des ondes après deux saisons. Le personnage ? Elle se le rappelle à peine. Une jeune droguée troublée, présume-t-elle, en repensant aux yeux charbonneux qu’elle s’était maquillés avant d’arriver à destination.

Puisqu’elle jouait chaque soir au théâtre d’été de Saint-Jean-Port-Joli, Marie Soleil Dion avait fait neuf heures de voiture, aller-retour à Montréal, avec sa mère, pour passer une audition… qui lui a finalement échappé. Mais contre toute attente, la directrice de casting, Marie-Jan Seille, a pris le temps de l’informer des raisons pour lesquelles elle allait rejeter sa candidature.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Elle s’est assise à côté de moi, puis elle m’a montré mon audition. Elle m’a dit : “Tu joues beaucoup trop théâtral. Regarde ce que ça donne à l’écran.” Puis, effectivement, ça n’avait aucun sens ! C’était vraiment gros. Elle m’a dit : “Tu n’es pas prête. Tu devrais suivre des cours de perfectionnement, un stage en jeu caméra…”

Marie Soleil Dion

En entrevue, Marie Soleil Dion qualifie cette rencontre de « game changer » [déterminante]. Au mois de septembre suivant, elle s’inscrivait aux ateliers de Danielle Fichaud, une coach d’interprétation réputée. Et moins d’un mois plus tard, elle décrochait Dieu merci ! et Vrak la vie, deux productions télé. « Ça m’a fait comprendre plein d’affaires, et rapidement, les choses ont débloqué et j’ai commencé à travailler. »

PHOTO JULIEN FAUGÈRE, FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques, Marie Soleil Dion, Florence Longpré, Adib Alkhalidey, Katherine Levac, Karine Gonthier-Hyndman et Guillaume Lambert dans Like-moi

Chacun sa route

Mieux connue pour Contre-offre, Like-moi et d’autres séries dans lesquelles elle exploite son talent comique, Marie Soleil Dion s’est illustrée dans quelques drames au cours des dernières années. Du nombre, on compte L’échappée et FEM, cette série d’Unis TV dans laquelle elle incarne la mère d’un adolescent (Lenni-Kim Lalande) qui remet en question son identité de genre. Cette expérience a enchanté l’actrice.

PHOTO FOURNIE PAR UNIS TV

Marie Soleil Dion avec Émily Bégin et Dany Gilmore dans FEM

J’ai comme envie de jouer de beaux morceaux, peu importe c’est quoi : une gentille, une méchante… J’ai envie de tomber amoureuse d’un texte, comme c’est arrivé avec FEM.

Marie Soleil Dion

En parallèle, Marie Soleil Dion poursuit sa carrière d’animatrice. Depuis l’hiver dernier, elle pilote L’amour est dans le pré sur Noovo. Plus les années passent, plus elle trace sa route comme elle l’entend.

« Oui, je viens du monde du théâtre, mais j’ai toujours eu cette petite étincelle pop. J’aime le star-système québécois, les jeux, les quiz… Plus jeune, j’admirais Marie-Soleil Tougas et Véro [Véronique Cloutier], des filles qui mettaient leur personnalité de l’avant, qui étaient elles-mêmes, qui étaient proches des gens. Ce désir d’animer, il m’a toujours habitée. La différence, c’est qu’aujourd’hui, c’est beaucoup plus assumé. »

Son histoire

Audition : Ruptures

Rôle : Ariane Beaumont (obtenu par Mélissa Désormeaux-Poulin)

Années de diffusion : 2016-2019

« Ils m’ont rappelée pour auditionner pour [Marie Rousseau], le rôle de Catherine Trudeau. Je ne l’ai pas eu. Ils m’ont rappelée pour auditionner pour [Justine Salvail], le rôle de Julie Ringuette. Je ne l’ai pas eu non plus. Évidemment, je n’ai pas joué dans Ruptures. »