Celui qui accueille le public du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui depuis 30 ans prépare sa sortie

Après 28 saisons à veiller sur le hall du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, André Morissette quittera bientôt son poste de directeur de l’accueil et de la billetterie pour embrasser une retraite bien méritée. Pour le public et les acteurs, le départ de ce travailleur de l’ombre laissera un trou difficile à combler.

Humble, rassurant, passionné... Les qualificatifs tombent par bouquets lorsque le nom d’André Morissette est évoqué chez ses collègues du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. C’est lui qui, depuis près de 30 ans, accueille le public avant les spectacles, comme une sentinelle qui veille dans le brouhaha du hall. Il s’assure aussi que le bar est garni, que les ouvreurs sont à leur poste et que tout roule à la billetterie.

« André, c’est un peu l’âme du théâtre », estime Étienne Langlois, codirecteur général et directeur administratif du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. « C’est lui qui crée le premier lien avec le public. Les spectateurs, notamment les abonnés, le reconnaissent lorsqu’ils entrent au théâtre. Et lui se souvient de plusieurs d’entre eux. »

Lorsqu’il évoque – avec beaucoup d’émotion – cette carrière passée à veiller au bien-être d’un peu tout le monde, l’homme de 63 ans est le premier étonné. Il ne se voyait pas rester aussi longtemps en poste lorsque la directrice artistique de l’époque, Michelle Rossignol, l’a embauché pour travailler 20 heures par semaine.

J’ai toujours abordé ce travail une année à la fois. J’ai appris à aimer ça… Aujourd’hui, je réalise tout ce que ça m’a apporté. J’ai réussi à être bien et à trouver ma place dans un milieu, celui du théâtre, où il n’est pas facile d’entrer.

André Morissette, directeur de l’accueil et de la billetterie

André Morissette le dit : le théâtre a toujours fait partie de sa vie. Lors de son adolescence passée à Malartic, en Abitibi, il a eu un coup de foudre pour le théâtre, après avoir assisté à une représentation de la pièce Le temps d’une vie, avec comme tête d’affiche Muriel Dutil.

Le choc a été tel pour lui qu’il a décidé de faire carrière comme acteur. Il a étudié en interprétation pendant trois ans au cégep de Saint-Hyacinthe dans les années 1980. Il a ensuite travaillé comme directeur artistique pour les soupers-théâtre organisés à la défunte Maison hantée et au Jardin du baron fou. On l’a aussi entendu pendant deux ans à la radio CIEL-FM aux côtés de Jean-Pierre Coallier.

Le protecteur des acteurs

Depuis toujours, André Morissette rêvait de jouer des tragédies classiques – sa grande passion théâtrale –, mais la vie en a décidé autrement. Cet homme timide a néanmoins réussi à tisser, au fil des ans, des liens avec de nombreux interprètes et concepteurs. Sa force tranquille fait rempart à l’anxiété qui étreint les artistes certains soirs, comme l’explique l’actrice Sylvie Drapeau, une habituée du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

La comédienne Sylvie Drapeau connaît bien André Morissette.

André est un homme discret, fidèle et constant. Nous, les acteurs, arrivons souvent au théâtre dans un état fébrile. Sa façon de nous accueillir, sa présence et son amitié discrète sont très signifiantes pour nous. Il fait partie de ces gens calmes vers qui on peut se tourner.

Sylvie Drapeau

Léane Labrèche-Dor a joué deux pièces au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, en plus d’y animer une soirée-bénéfice. Cela a été suffisant pour reconnaître en André Morissette « une figure presque paternelle ». « Il a l’humanité de comprendre les psychoses des actrices avant la première ! C’est un homme bienveillant qui comprend aussi très bien le côté sacré du théâtre. »

L’homme de toutes les générales

En amoureux de la chose théâtrale, ce fou de Molière et de Racine s’est fait un devoir d’assister aux générales de toutes – oui, toutes ! – les pièces présentées au Théâtre d’Aujourd’hui. « Pour savoir ce que le public va voir... » C’est plus de 275 pièces qu’il a ainsi vues... seulement à cette institution !

Certaines l’ont touché plus que d’autres. Il pense à 24 poses (portraits) de Serge Boucher. Aux Muses orphelines de Michel Marc Bouchard. À Littoral de Wajdi Mouawad. Et à l’adaptation en comédie musicale des Belles-Sœurs par René Richard Cyr – « J’ai même eu le privilège d’écouter les chansons avec la voix de Daniel Bélanger », souligne-t-il.

Il se souvient aussi d’avoir vu Jean-Louis Millette dans The Dragonfly of Chicoutimi, alors que la pièce de Larry Tremblay était présentée dans la petite salle de répétition. « M. Millette était une personne magnifique. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

André Morissette va quitter à regret ses collègues du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

André Morissette a une passion égale pour les productions estudiantines auxquelles participent parfois les ouvreurs, souvent inscrits à des études en théâtre. Il assiste aux spectacles de tous, même dans les plus petites salles. « Je les vois évoluer dans leur métier et j’adore ça. Ça me touche de voir d’anciens employés revenir sur nos planches comme interprètes. Le Théâtre d’Aujourd’hui est l’endroit de la première chance pour beaucoup de monde. »

Le théâtre de la rue Saint-Denis aura également été le lieu d’une certaine découverte de lui-même. Il sait que son départ, prévu le 20 juin, sera difficile pour son cœur tendre. Mais il est serein. « Je ne veux rien faire pendant six mois. Après, je verrai. J’aurai plus de temps pour moi. Je pourrais peut-être jouer quelque part... Je ne sais pas. Je suis en réflexion. Et il n’y a pas d’âge pour ça. »

Regard sur quatre directeurs artistiques

En 28 ans, André Morissette a travaillé sous quatre directeurs artistiques différents. Voici ses souvenirs de chacun et chacune.

Michelle Rossignol (de 1989 à 1998)

PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA PRESSE

Michelle Rossignol

« Avant de travailler pour elle, j’admirais l’actrice qu’elle était. C’était une rockeuse du théâtre, avec une poignée de main extraordinaire ! Elle savait où elle allait. Elle a fini sa carrière de directrice en jouant dans une pièce de Carole Fréchette sur le vieillissement. C’était audacieux. Ça lui ressemblait. »

René Richard Cyr (de 1999 à 2004)

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

René Richard Cyr

« C’était déjà un acteur connu et il a apporté un dynamisme nouveau. Il a voulu remettre le théâtre sur pied et y est arrivé. Il faisait de la mise en scène, il jouait... Et ça marchait. Les gens venaient pour lui ! Il a aussi ouvert les portes du théâtre à des auteurs comme Serge Boucher ou Le Loup Bleu. Il nous a donné un autre rayonnement. »

Marie-Thérèse Fortin (de 2004 à 2012)

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Marie-Thérèse Fortin

« Ella a été une vraie maman pour le théâtre ! C’est une femme qui est proche du monde, qui aime les gens. Elle était raffinée dans ses choix, mais audacieuse aussi. C’est elle qui a pris la chance de programmer la comédie musicale des Belles-Sœurs. Elle a été une rassembleuse. »

Sylvain Bélanger (de 2012 à aujourd’hui)

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Sylvain Bélanger

« Il représente pour moi la réflexion, autant sur le plan humain que politique. Sylvain est très connecté sur ce qui se passe aujourd’hui, sur l’actualité. Il a amené de jeunes dramaturges au Centre. Il ne craint pas de faire réfléchir le public. Je ne sais pas si d’autres auraient pu le faire aussi bien que lui. »