(Paris) Justaucorps et bottes strassés : le costume le plus célèbre de la tournée de Taylor Swift, qui débarque jeudi à Paris, a imprimé dans les rétines les créations de Versace et Louboutin.

Le retour post-pandémie des mégaconcerts, lancé par Beyoncé et Taylor Swift en 2023, a remis un coup de projecteur sur les liens lucratifs entre marques et pop-stars à travers leurs costumes de scène, dûment consignés par les magazines, blogues spécialisés et réseaux sociaux.

Mais « les relations entre les vedettes et la couture ont presque toujours existé », rappelle à l’AFP Delphine Pinasa, directrice du Centre français du costume de scène.

Avant Madonna et ses seins coniques signés Jean Paul Gaultier en 1990, il y avait la comédienne de théâtre Sarah Bernhardt, première « star » internationale à la fin du XIXe siècle, ou les vedettes du music-hall dans l’entre-deux-guerres, comme Joséphine Baker.

PHOTO MARK ROBINSON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Madonna, en 1990

Delphine Pinasa identifie une accélération depuis les années 1960, l’essor de la pop, avec des figures comme Elvis Presley ou les yéyés en France, l’émergence du prêt-à-porter et la démocratisation de la télévision.

Pour les chanteurs, « l’habit ou l’accessoire sont une façon de se faire connaître et reconnaître », détaille la spécialiste, citant la petite robe noire d’Édith Piaf ou les lunettes fantaisistes d’Elton John. Chez certains, comme Lady Gaga, « il y a aussi une histoire racontée à travers les costumes ».

« Exposition »

Du côté des marques, on vise le « phénomène de mode ».

Exemple d’une formidable capacité de prescription, les ventes de chapeaux de cow-boy en miroir ou en strass, comme celui porté par Beyoncé pour sa tournée Renaissance, ont augmenté de 1601 % aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe occidentale en août 2023, selon la solution de paiement en ligne Klarna.

PHOTO CHRIS GRAYTHEN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Beyonce

Le même mois, Launchmetrics, entreprise technologique spécialisée dans les données, évaluait à 7,7 millions de dollars l’impact médiatique pour Alexander McQueen d’avoir habillé « Queen B » sur scène et à 6,3 millions pour Versace grâce à Taylor Swift.

Les marques contactées par l’AFP n’ont pas donné de détail sur ces partenariats, mais certaines de celles qui ont travaillé avec Beyoncé se sont confiées à Vogue Business en décembre.

Une robe du styliste David Koma s’est trouvée « épuisée » en une journée sur son site internet après que la star a porté un modèle ressemblant. Et Koma a vu le nombre de ses abonnés sur Instagram augmenter de 53 % dans le mois qui a suivi son premier concert.

La marque Dsquared2 a aussi bénéficié de ce gain de notoriété. « Pour nous, l’objectif n’est pas vraiment les ventes, mais l’image et l’exposition qui découlent de l’association avec une artiste majeure », ont expliqué les designers Dean et Dan Caten.

« Messages codés »

Lors de son Eras Tour, Taylor Swift multiplie les costumes (13 en moyenne) : robes de bal pour ses débuts dans la country, ensembles pailletés pour ses productions pop ou robes vaporeuses pour ses incursions dans la folk.  

« Pour cette tournée, elle a collaboré avec Cavalli, Louboutin, Versace… des marques à la réputation établie qui ont démontré leur capacité à répondre aux exigences de l’habiller pour des concerts », recense Glenys Johnson, autrice de Taylor Swift, l’histoire d’une icône mode (éditions Place des Victoires).

PHOTO JUTHARAT PINYODOONYACHET, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Taylor Swift

Pourtant, « les marques de luxe n’ont pas toujours été intéressées, car Taylor se présente comme très terre-à-terre, contrairement à Beyoncé ou Lady Gaga qui se positionnent comme haut de gamme et visuellement créatives », retrace Satu Hämeenaho-Fox, autrice de Into the Taylor-Verse, au cœur de l’univers de Taylor Swift (Gallimard Jeunesse).

« Mais avec son extrême renommée (plus de 500 millions d’abonnés tous réseaux sociaux confondus, NDLR), elle est devenue une sorte d’institution classe, sans être trop audacieuse, avec laquelle toute marque gagnerait à s’associer ».

D’autant que ses tenues sont décortiquées par ses fans, car la chanteuse les parsème de « messages codés ». « Il y a souvent plusieurs couches de sous-texte, notamment dans le choix des couleurs, que blogues et réseaux sociaux excellent à identifier », précise Satu Hämeenaho-Fox.

Avant le début de sa tournée européenne, Taylor Swift a sorti l’album The Tortured Poets Department à l’esthétique gothique victorienne. « Comment va-t-elle le présenter sur scène ? », interroge Glenys Johnson.  

Dans son dernier clip, la chanteuse porte un ensemble de l’Américaine Elena Velez, qui revendique heurter certaines « sensibilités » avec sa mode « post-woke ». Ses fans sont « impatients de voir si cela signifie que Taylor évolue vers une figure plus controversée, poursuit Glenys Johnson. Son album parle de vouloir aller au-delà de ce que les gens attendent d’elle, avec son image de bonne fille… ».