Votre enfant s’est moqué de son ami qui a fait pipi dans son pantalon en classe ? Pas de panique. Cela ne fait pas de lui un être dénué d’empathie condamné à la psychopathie. S’il n’est jamais trop tard pour développer son empathie, il s’agit néanmoins d’un muscle qui se travaille. Conseils.

Vivre ensemble les émotions difficiles

Avant même d’en arriver à éprouver de l’empathie, un enfant doit être en mesure d’identifier ses propres émotions, puis de les réguler. Lorsqu’il vit des émotions difficiles, mieux vaut l’accompagner plutôt que l’isoler, dit la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers. Concrètement, elle conseille au parent de valider l’émotion de l’enfant, de l’aider à la reconnaître en faisant des liens avec ses manifestations physiques et de lui demander ce dont il a besoin. « Ça fait partie ultimement de l’empathie. Si toi-même, tu n’es pas en contact avec tes émotions, les agréables et les désagréables, tu ne peux pas être pleinement empathique à la souffrance ou au bonheur de l’autre. »

Des erreurs il y aura

Voir son enfant manquer d’empathie est difficile pour un parent. Pourtant, ça arrive aux adultes aussi. Comme pour le vélo, c’est une habileté qui exige de la pratique. Qu’il ait 5 ou 17 ans, un enfant, dont le cerveau est en développement, fera aussi des faux pas. On peut l’aider en l’amenant à mesurer la portée de ses gestes et à comprendre les émotions de l’autre. « Parfois, on fait une intervention ciblée en lien avec une situation, remarque Stéphanie Deslauriers. Ça peut prendre du temps avant que les enfants comprennent qu’ils peuvent transposer ces connaissances dans des situations similaires. » « Avec toute l’éducation qu’on peut donner à nos gamins, il faut être humbles en tant que parents et ouverts pour pouvoir les accompagner quand ils font des erreurs », ajoute Chahra Joubrel-Mehari, formatrice du projet « Vivre ensemble – Fri for Mobberi ».

Une portée à mesurer

Et si l’enfant ne reconnaît pas son erreur ? S’il ne mesure pas la portée de son geste ? Une intervention classique consiste à retourner dans la situation inverse. « Et si ça t’était arrivé ? » « Des fois, ça ne fonctionne pas parce que l’enfant ne l’a jamais vécu, reconnaît Stéphanie Deslauriers. C’est trop abstrait pour lui ou pour elle. » Elle suggère alors de lui rappeler une situation similaire qu’il a vécue pour le faire connecter avec l’expérience de l’autre. La littérature jeunesse et les films qui mettent en scène une situation semblable peuvent aussi aider à conscientiser l’enfant sans le confronter émotionnellement.

Montrer l’exemple

Faites-vous preuve d’empathie au quotidien ? Moins à l’adolescence, mais certainement dans la petite enfance, les parents agissent comme modèles. « Il faut faire preuve d’introspection et se demander : est-ce qu’au quotidien je fais preuve d’empathie ? suggère Stéphanie Deslauriers. Envers mon enfant, mais aussi envers mon partenaire, ma voisine, sa prof à l’école ou son éducatrice à la garderie et même la caissière à la pharmacie. Au volant, est-ce que j’envoie promener les autres conducteurs ? » Des moments qui nous semblent parfois banals, mais qui s’additionnent pour construire « le vécu éducatif partagé ». « C’est un apprentissage continu », note François Richer, professeur de neuropsychologie à l’UQAM, qui s’enclenche lorsqu’un enfant voit les adultes qui l’entourent être sensibles, ne pas s’occuper que d’eux-mêmes. « L’apprentissage de l’empathie n’est pas absolument scolaire, c’est un apprentissage social. »

La barrière des écrans

Bien qu’ils facilitent les communications, les écrans peuvent être un frein à l’empathie. D’abord parce que le temps passé devant un écran est du temps en moins consacré à d’autres apprentissages fondamentaux. « L’empathie, ça se développe dans l’interaction, dans le groupe, dans les échanges, en coprésence », indique Omar Zanna, professeur de sociologie à l’Université du Mans. « Le fait d’avoir un écran comme intermédiaire, ça déshumanise », ajoute la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers. Ainsi, parce qu’on ne voit pas, en direct, sa réaction émotionnelle, on peut avoir tendance à sous-estimer la portée de nos paroles écrites sur la personne qui les reçoit. À l’école secondaire où elle travaille, des ateliers sont d’ailleurs organisés pour sensibiliser les jeunes à la portée que peuvent avoir les propos tenus en ligne.

Lisez « Quelle place pour l’empathie à l’école ? »