Ils s’appellent Alexis Gougeon, Myriam Beaudry et Kevin L’Espérance. Ils sont respectivement physiothérapeute, nutritionniste et épidémiologiste. Tannés de voir de la désinformation circuler sur les réseaux sociaux, surtout en matière de santé, ils ont mis sur pied une formation… en personne.

Le trio a donc décidé d’agir à la source en mettant sur pied une formation unique en son genre pour sensibiliser les créateurs de contenu. L’idée : former les influenceurs à la pensée critique. L’objectif : éviter que ceux-ci ne vantent des produits et services sans considérer les potentielles conséquences pour leurs abonnés.

« Ce que je vois le plus, ce sont des influenceurs qui disent qu’ils prennent quelque chose et qu’ils pensent que ça les aide, donc que ça doit aider tout le monde. Ensuite, je vois aussi beaucoup de partenariats rémunérés », résume Alexis Gougeon, physiothérapeute derrière l’émission balado Parle-moi de santé.

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Alexis Gougeon, Myriam Beaudry et Kevin L’Espérance

Or, qu’il s’agisse de nutrition, de santé mentale ou de douleur physique, les conseils ne peuvent pas être donnés à tous sans prendre en compte leur condition de départ, rappelle le trio. Dans d’autres cas, comme pour la thérapie de vitamine par intraveineuse et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du corps entier1, il s’agit de pratiques carrément dénoncées par les professionnels de la santé.

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Un projet qui bénéficie aussi aux créateurs de contenu

Cette désinformation est souvent bien involontaire. C’est du moins un des principes de base pour le trio de formateurs. « Je vois que les créateurs de contenu sont pleins de bonnes intentions. C’est l’application qui est maladroite », croit la nutritionniste Myriam Beaudry, animatrice de l’émission balado Tête à tête avec la science.

Avec la formation, intitulée Influencer en santé sans nuire, le trio pense donc avoir une proposition gagnante pour tout le monde. Pour le public, qui sera mieux protégé. Pour les professionnels de la santé, qui verront moins de conséquences de cette désinformation en clinique. Et pour les créateurs de contenu, qui s’éviteront les contrecoups de potentielles controverses et seront au premier plan d’éventuelles législations qui encadreraient leur profession, comme c’est arrivé en France.

Maude Belval, présidente du conseil d’administration de la toute nouvelle Association des créatrices et créateurs de contenu du Québec (ACREA), confirme que ce genre de projet est vu d’un bon œil dans le milieu de l’influence.

L’industrie réagit très bien [aux initiatives pour l’encadrer], autant les créateurs que les agences. Éventuellement, on espère former les créateurs à produire du contenu éthique et renseigné.

Maude Belval, présidente du conseil d’administration de l’Association des créatrices et créateurs de contenu du Québec

La santé, mais pas que

Comme professionnels de la santé, Alexis Gougeon, Myriam Beaudry et Kevin L’Espérance sont surtout concernés par la désinformation dans ce domaine. Mais les outils qu’ils donnent peuvent s’appliquer aussi aux fausses allégations en beauté, en santé mentale ou même en environnement.

« La formation commence en faisant prendre conscience aux gens qu’ils ont un pouvoir d’influence, résume Myriam Beaudry. Ensuite, plutôt que de parler d’un domaine de la santé, l’idée est de donner un coffre à outils d’autodéfense intellectuelle pour être capable de mieux reconnaître les pièges dans lesquels on peut tomber. »

La créatrice culinaire Loounie, de son vrai nom Caroline Huard, a assisté à la version bêta de la formation. Comme ex-ergothérapeute, elle y a vu « de bons rappels en matière de pensée critique » et salue les outils donnés. Apprendre à poser les bonnes questions permet, par exemple, de déterminer si on se fait contacter pour passer un message qui relève de l’écoblanchiment.

« Si on me demande d’annoncer des flocons d’avoine en me disant qu’ils sont plus écologiques que les autres, ça me prend des preuves, des données, des certifications », illustre-t-elle.

Avec Influencer en santé sans nuire, les formateurs et vulgarisateurs scientifiques aspirent à faire naître des réflexes de pensée critique chez les créateurs de contenu afin qu’ils changent leurs actions. Selon Marie-William Bourgeois, une créatrice de contenu qui a été secouée dans ses convictions durant la formation qu’elle a suivie dans sa version bêta, c’est plutôt réussi.

« J’ai reçu une boîte de vitamines dans les jours suivant la formation, raconte-t-elle. Je trouvais que ça avait l’air de tout être la même affaire. Je pense qu’avant [la formation], je me serais juste dit que c’est cool et j’aurais fait une publication éphémère sans me poser de questions. Là, j’ai plutôt réalisé que je ne connaissais pas ça et je n’en ai pas parlé. »

Elle nuance cependant sa position : « Dans les derniers jours, je me suis posé des questions. Ça m’a vraiment amenée à penser à comment je voulais faire les choses sur mes réseaux sociaux. Mais ça ne m’empêche pas de prendre mes vitamines le matin et de continuer de penser que c’est bon pour moi. »

« On ne pourra jamais éradiquer toute la désinformation en santé, reconnaît Alexis Gougeon. C’est pour ça qu’on vise une réduction des méfaits. »

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